Interview de Stéphane Dangel, consultant et formateur en storytelling

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Interview de Stéphane DANGEL – Consulting / Formation Storytelling

Stéphane, pouvez-vous en quelques mots définir ce que représente le storytelling dans la communication d’aujourd’hui, ce qu’est le storytelling concrètement, et ce qu’il n’est pas ?

Le storytelling est très clairement une discipline à la mode, mais je ne sais pas si ce statut le sert beaucoup. On est beaucoup dans le telling et très peu dans le story. Je m’explique. Dans le marketing, la publicité, la communication et même le management, on se focalise surtout sur la traduction littérale du mot storytelling : « raconter une histoire ». On se cantonne à la construction d’histoires et à leur interprétation. Le storytelling est sensé pallier à la perte d’efficacité de la communication traditionnelle mais c’est une illusion, le plus souvent. C’est très franco-français comme pratique, et nous aurions avantage à nous demander pourquoi nos maîtres anglo-saxons du storytelling ne sont pas dans la même veine, ou du moins pas tête baissée comme nous pouvons le faire. Avec la plupart des spots TV labellisés storytelling, par exemple, on est comme dans un film trop parfait, que l’on trouve très beau, mais sur lequel on glisse sans pouvoir s’accrocher. Le storytelling est profondément humain, et donc doit être imparfait. Cela dit, c’est le côté story qu’il faut davantage travailler, car il y a plus et mieux à faire de ce côté. Pas uniquement pour construire des histoires : pour les faire émerger, les connecter, les partager. Et là, pour le coup, construire quelque chose à partir de ces histoires prises comme une matière première. C’est vrai pour tous les usages du storytelling : marketing, publicitaire…

Quels sont les atouts d’un bon storytelling ?

C’est un storytelling relationnel. On est dans la même logique que le web relationnel ou le CRM, customer relationship management. Le crowdsourcing est alors aussi une forme d’expression du storytelling, dans tous les domaines, que ce soit pour la conception de produits, marques, ou d’outils de communication. Un bon storytelling table pour cela sur des faits, des éléments factuels, la raison, et des émotions. Les deux sont indispensables pour que se construise une relation, avec un dialogue, une conversation. Les faits amènent la confiance, et les émotions engagent dans l’action. Le bon storytelling sera celui qui aura été intégré, incorporé par la cible visée, co-créé donc, avec, forcément, en cours de route une transformation, mutation, de l’histoire, qui est un enrichissement, dans la lignée de ce que j’ai pu dire plus haut. Un bon storytelling, c’est un storytelling sur lequel on abandonne consciemment et volontairement une bonne part de contrôle. Ce contrôle que l’on essaie traditionnellement d’avoir sur sa communication, la plupart du temps sans vraiment réussir. Nous y avons avantage, parce que derrière, c’est une zone de création riche qui s’ouvre.

Comment fait-on vivre ce fameux storytelling pour ne pas en perdre le bénéfice au fil du temps ?

Par l’échange. Non pas l’échange d’une histoire par une autre, comme un mouchoir en papier qu’on jetterait après utilisation. Cela peut paraître une évidence, mais c’est pourtant ce qu’on observe souvent dans la communication. L’une des règles du storytelling est pourtant la durabilité de l’histoire, fondée, comme je l’ai déjà dit, sur une relation. Une relation éphémère n’a aucun intérêt à part pour le fun. Et ce n’est pas ce que cherchent une entreprise, un produit, une marque. Un échange et un dialogue dans un espace ouvert -le web, les médias sociaux par exemple- qui ne soit pas à sens unique et qui serait porteur de valeur ajoutée pour tout le monde est une clé. Le storytelling n’est pas l’un de ces outils de communication que l’on peut activer quand on en a besoin, comme une promotion produits on pack, par exemple, comme une opération de mailing, ou une opération de RP pour un lancement de produit. C’est quelque chose de permanent.

On parle de storytelling pour les entreprises, sur des aspects corporate et produits, mais également en politique : pensez-vous que le storytelling puisse servir toutes les causes ?

Le storytelling ne sert pas, on peut juste se servir de lui. Ce n’est pas pour lui donner une fausse noblesse. C’est juste que le storytelling, de toute façon, est là. « Le storytelling est la monnaie d’échange des rapports humains (et l’a toujours été) » : c’est Robert McKee, le professeur de bon nombre de scénaristes hollywoodiens qui le dit. Ensuite, tout dépend aussi de ce qu’on a éventuellement compris du storytelling. A force d’entendre parler de storytelling partout et pour tout, le mot a beaucoup perdu de son sens. Pour certains, une anecodte, c’est du storytelling. Or, ce n’en est pas. Pas plus qu’un exemple n’en est. Donc, dans certains cas, ce qu’on croit être du storytelling n’en est pas, et ce qu’on ne perçoit pas comme étant du storytelling en est en réalité, viscéralement. Alors oui, on peut l’utiliser pour toutes sortes de causes ou projets, mais encore faut-il savoir discerner la nature du matériau que l’on utilise. Narratif ou autre. Je vois souvent l’utilisation d’OVNI dans la communication, c’est un problème pour ceux qui les font voler.

Côté public : pensez-vous que tous les publics soient intéressés et donc sensibles au storytelling ?

Il y a toujours la traditionnelle opposition cerveau droit / cerveau gauche. Mais étant donné que le storytelling utilise à la fois les ressorts de la raison et de l’émotion, le storytelling est oecuménique.

Diriez-vous que le storytelling peut-être utile et efficace en situation de crise et si oui comment ?

S’il peut être utile, c’est pour réfléchir sur la crise. Comprendre les enjeux explicites et implicites. Ces enjeux semblent flous, quand on les étudie par le prisme de nos outils d’analyse traditionnels, métriques pour la plupart. Utiliser le storytelling pour cela, c’est avoir un autre regard sur ces problématiques, élargir la et les perspectives. Faire émerger, générer des histoires, des expériences vécues sur ces thématiques, c’est se doter d’un matériau très riche. Il sera brut et donc à analyser, mettre en réseau, pour en dégager des tendances, lignes directrices, points de convergence, un préalable à une prise de décision. L’objectif, en fait, est de pouvoir écrire une nouvelle histoire à vivre, en réécrivant l’histoire existante, insatisfaisante. Il s’agit d’une réinvention, mais qui ne fonctionnera qu’avec de l’authenticité. C’est en fait un business plan, quel que soit le contexte. Et un business plan n’est rien d’autre qu’une fiction authentique. Il n’y a pas la vérité d’un côté et la fiction de l’autre, il y a une opposition entre l’authenticité et l’artificialité.

Quel conseil faut-il retenir pour bien démarrer en storytelling ?

Vous, en temps qu’émetteur de message de communication (entreprise, marque…), êtes un personnage secondaire de l’histoire. Le héros de histoire, c’est le type qui est en face. C’est qui le boss ? C’est lui. S’il a envie que vous commenciez par lui raconter une histoire, c’est ce que vous devez faire. S’il a envie que vous écoutiez d’abord la sienne, faites donc cela…

 

Stéphane DANGEL
Consulting / Formation Storytelling
http://www.storytellingfrance.com/
Marc Michiels

Marc Michiels

Rédacteur en chef Culture RP, Content Marketing et Social Média Manager : « Donner la parole à l’autre sous la forme d’une tribune, une interview, est en quelque sorte se donner à lire ; comme une part de vérité commune, pour qu'apparaisse le sens sous le signe… ». / Retrouvez-moi sur LinkedIn

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