Dimitri Granger – Co-directeur Publicis Consultants Net Intelligenz – Agence membre de Syntec Conseil en Relations Publics.
Voilà plusieurs années maintenant, avec l’émergence du web 2.0 puis du web social que le métier des Relations Presse et Medias (pour reprendre un intitulé largement utilisé en agence comme chez les annonceurs) a vu ses fondements profondément bouleversés. Démultiplication des sources de contenus, instantanéité et vitesse de diffusion de l’information, contestation du statut journalistique, disparition de nombreux médias « historiques », … l’ensemble du terrain de jeu d’un professionnel des RP a explosé en quelques années. Et cette transformation va sans aucun doute s’accélérer.
Jusqu’ici, rien de nouveau sous le soleil.
En analysant les choses « à froid », on se rend compte qu’en tant que métier d’intermédiation, les relations presse restent un métier incontournable. En effet, plus y il a de sources et plus il y a d’émetteurs d’information, plus l’importance de la sélection, de la compréhension des publics et la nécessité d’adapter les messages sont grands.
Néanmoins, on peut se demander si la sphère des « Relations Presse » a véritablement fait sa révolution copernicienne.
A l’instar de l’ensemble des métiers de la communication qui sont aujourd’hui obligés de se ré-inventer, les relations presse ne restent-elles pas trop attachées à et des pratiques qui ne correspondent plus à la réalité ?
La réponse à cette question mérite d’être nuancée et de très grandes différentes existent au sein des agences comme chez les annonceurs.
Du côté des agences, la situation n’est pas toujours facile avec une vrai commodisation des prestations proposées. Une étude montrait récemment que 60 % des budgets RP alloués par les annonceurs sont inférieurs à 40 K€/an. Difficile dans ce contexte de faire preuve de créativité (même si certains y arrivent!) et surtout de s’offrir le luxe de réinventer un métier.
Un autre élément de contexte important est lié à la sociologie et à la formation des personnes qui composent ces équipes. Pour caricaturer, nous pourrions dire qu’avoir un bon carnet d’adresses de journalistes (corporate, féminin, automobile…) et savoir rédiger des communiqués de presse ont longtemps été la base indispensable du métier. Mais ce temps là est en train de disparaître.
Pour faire simple, les équipes RP en agence, doivent savoir tout faire : pitcher bien sûr (le cœur du métier), networker, plus que jamais, mais aussi coder (du contenu, maîtriser les plateformes comme worpdress), publier, diffuser et animer (sur Twitter, Facebook, …), veiller (en permanence), raconter et mettre en scène, et bien d’autres choses. Il faut donc des profils hybrides aujourd’hui encore trop rares même si les choses bougent dans le bon sens.
Du côté des annonceurs, rien n’est simple non plus. Combien de services de presse se retrouvent régulièrement « en bout de chaîne », à devoir « faire buzzer » des actions sur lesquelles il n’y a aucune marge de manœuvre (ni sur le timing, le format ou le contenu) ? Rarement initiateurs, souvent contestés dans sa légitimité à maîtriser le fond et le contenu, les services de presse sont souvent soumis à des pressions énormes par des interlocuteurs (CEO, Directeur Marketing, …) connaissant mal leur métier et leurs contraintes (non, il n’est pas possible de ré-écrire une interview avec des médias indépendants).
Rares (mais là aussi il y a des exemples) sont les directions Presse & Media a vraiment avoir fait le switch avec une véritable logique d’intégration digitale et social media.
Depuis plusieurs années maintenant, le digital est venu tout chambouler, complexifiant encore plus le travail des équipes RP. Les frontières entre paidown et earned étant de plus en plus floues, la logique de convergence à l’œuvre aujourd’hui accorde une primeur absolue à celui qui a la main sur le contenu. Brand content, content marketing, storytelling, … sont les mots, certes à la mode, mais ils correspondent surtout à une réalité que la sphère RP ne peut ignorer.
Trois choses paraissent clé pour le futur (proche) du métier des relations presse et média :
– maîtriser et comprendre leur environnement : pour une marque (ou une institution) la connaissance des publics est un facteur clé de succès car devenue bien plus complexe qu’avant. Les écosystèmes sont devenus mouvants, fluides, des médias disparaissent, d’autres émergent. Connaître les 20 journalistes de la presse corporate ou féminine ne suffit plus dans un écosystème ou l’influence n’est plus le monopole de quelques personnes. La connaissance en « temps réel » est la règle.
– créer : le timing, les publics auxquels il faut s’adresser, le design des messages, la créativité des dispositifs sont plus que jamais les éléments différenciants. Les acteurs des relations presse ne peuvent plus se contenter d’appliquer les mêmes recettes et doivent s’inspirer de tout ce qui se fait de mieux dans toutes les disciplines, quitte à mordre sur des territoires moins naturels pour les RP.
– Objectiver et mesurer : pour se faire entendre, les RP doivent être capables de montrer l’efficacité de leur action. Là encore le digital a bouleversé beaucoup de repères et permet une analyse plus fine, plus précise et en temps réel de la plupart des actions. A l’ère de la Big Data, aucun métier ne va échapper à ce nouveau paradigme. C’est tant mieux, cela permettra de mieux valoriser les actions et de ne pas se contenter du fameux « book de retombées ».
Et vous, le futur des RP, vous le voyez comment ?
Propos recueillis par Alexia Guelte Morot, Responsable Communication Externe de l’Argus de la presse.