Interview de Maurice Botbol, président du Spiil

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Interview de Maurice Botbol, président du Spiil et directeur de la rédaction d’Indigo Publications pour Culture RP

Plan en faveur de la presse : le Spiil dénonce des maux et réclame des actes

Le 10 juillet dernier, la Ministre de la Communication et de la Culture, Aurélie Filipetti, a présenté le plan de réformes du gouvernement en faveur de la presse.

Suite à cette annonce, le SPIIL (Syndicat de la Presse Indépendante d’Information en ligne) a publié sur son site un communiqué critiquant certains aspects du projet.

Culture RP a demandé son avis à son président, Maurice Botbol, également directeur de la rédaction d’Indigo Publications.

Lors de la présentation de son plan en faveur de la presse le 10 juillet dernier, Aurélie Filipetti a annoncé l’alignement du taux de TVA de la presse en ligne sur celui de la presse imprimée, c’est-à-dire à 2.10% au lieu de 19.6% actuellement, ce après validation par la Commission Européenne. Quelle est votre position sur le sujet ?

Aurélie Filipetti a commencé son annonce par une introduction sur la solidarité entre les différentes familles de presse : la presse « citoyenne » IPG (presse d’Information Politique et Générale) et presse « récréative » : de loisirs et de divertissement. Nous partageons avec elle cette notion de solidarité entre tous les types de presse mais déplorons le fait que la presse numérique n’entre pas dans la logique du gouvernement.
La contradiction que nous soulevons réside dans la volonté du gouvernement d’attendre la validation de la Commission Européenne pour réduire le taux de TVA de la presse en ligne en l’alignant sur celui de la presse imprimée. Nous considérons que cette logique est absurde et ségrégationniste vis-à-vis de la presse numérique car elle nie le fait que les contenus et le public de la presse en ligne et de la presse imprimée non spécialisée sont très souvent les mêmes, notamment dans le cas des offres packagées. De plus, il n’y a pas de certitude que cette réduction prenne effet puisque la décision finale reste entre les mains des instances européennes. Et que celle-ci est reportée d’année en année.
Dans cette attente, nous subissons un taux de TVA qui nous handicape financièrement et creuse un peu plus les inégalités entre la presse imprimée et la presse numérique. Au lieu d’une mesure de solidarité, il s’agit donc à mes yeux, plutôt d’une mesure discriminatoire envers la presse numérique.
Notre position est la suivante : nous estimons être en droit de demander une application du taux de TVA à 2.10% à la presse en ligne au nom du principe de  « neutralité fiscale » qui a permis que le taux de TVA du livre numérique soit aligné sur celui du livre papier le 1er janvier 2012. D’ailleurs, plusieurs de nos membres (à l’image de Dijonscope et Arrêt sur Image) ont d’ores et déjà décidé d’appliquer effectivement  une taxe à 2.10%.

Les postes d’aides définis par le FSDP (Fonds Stratégique pour le développement de la presse) ciblent directement les titres de presse IPG au détriment des titres spécialisés. Comment prenez-vous cette nouvelle ?

Encore une fois, je considère que cette mesure est discriminatoire envers les titres non-IPG. Cette logique contradictoire va à l’encontre du désir de solidarité entre tous les types de presse évoqués par la ministre de la Culture et de la Communication. Ce fonds est censé favoriser l’innovation, le réserver aux seuls  titres IPG sous-entend que les autres familles de presse n’ont pas vocation à développer des offres innovantes, ce qui est faux et profondément injuste.

Google et l’APIPG (Association de la Presse d’Information Politique et Générale) ont signé un protocole d’accord pour un fonds d’investissement à la presse à hauteur de 60 millions d’euros le 1er février dernier. Quelle est la position du SPIIL par rapport à ce protocole d’accord? Etes-vous contre toute aide financière de la part de Google ?

Nous ne sommes ni contre une aide publique, ni contre une aide privée quelle qu’en soit la source si des règles d’équité et de transparence sont respectées.
Le problème de cet accord est qu’il est toujours secret.
On croit savoir que le fonds Google servira à favoriser les innovations numériques et commerciales des titres de presse en ligne. Or, son conseil d’administration sera composé exclusivement de représentants de la presse IPG. Les autres familles de presse n’auront  donc aucune visibilité sur les décisions qui seront prises et sur le respect de critères d’attribution identiquement pour tout le monde. Par ailleurs, il existe aussi un accord commercial secret entre Google et l’Association IPG qui reste totalement opaque. Il nous est impossible de savoir si nous courrons un risque de dépendance commerciale d’autant que cet accord arrive au moment où les régies publicitaires La Place Media et Audience Square, viennent d’être créées par les éditeurs de presse français. Elles sont directement en concurrence avec la régie publicitaire de Google qui va bénéficier de l‘accord avec l’Association IPG pour prendre des parts de marché. Cette zone d’ombre contredit les règles de transparence, de gouvernance et d’équité indispensables à la conclusion d’un accord équitable.

Que penser de la situation de nos voisins européens : a-t-on une leçon à tirer de la position de l’Allemagne qui a créé un droit voisin contraignant Google à verser une partie de ses recettes publicitaires aux éditeurs de presse en ligne ?

Je ne pense pas que la création d’un droit voisin soit la solution à la crise que traverse la presse en France. D’ailleurs, cette crise, contrairement à ce qu’il est coutume de croire, ne date pas de l’arrivée d’Internet et des nouveaux modes de lecture des médias.
Cette crise est, selon moi, liée à la qualité des contenus que la presse en règle générale propose à ses lecteurs. Il s’agit plus d’une crise de l’offre que d’une crise technologique.
Les titres doivent concevoir une stratégie et une ligne éditoriale intelligentes, de sorte que le public s’intéresse à eux. Quant à la décision de l’Allemagne de créer un droit voisin pour rémunérer les auteurs de presse en ligne, cette idée, en plus de ne pas être juridiquement applicable en France, va à l’encontre de la liberté de créer des liens hypertexte, qui est le fondement principal d’Internet.

Quelle est selon vous, la meilleure solution pour assurer un avenir à la presse en ligne ?
Sans aucun doute, la baisse du taux de TVA que nous évoquions plus tôt, couplée à une aide directe à l’innovation.

Entretien mené par Myriam Pénichon.

Un petit rayon de Com'

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