Savoir communiquer avec la presse par Pascal Le Guern

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Culture RP à rencontré Pascal Le Guern, chroniqueur à France Info depuis 2000 où il suit l’activité des entreprises et les questions de consommation. Il est l’auteur de 12 ouvrages et à co-écrit avec Philippe Lecaplain (journaliste et présentateur à RFI) l’ouvrage « Communiquer avec les Médias » au ED Maxima

 

« Le journaliste est l’historien du présent » Albert Camus.

Première partie : Savoir communiquer avec la presse.

 

Vous avez voulu séparer votre livre en deux parties : « savoir communiquer avec la presse » et « la prise de parole ». Pourquoi cette distinction ?

Avant de pouvoir répondre correctement à un journaliste, il faut maîtriser tous les arcanes de la prise de parole en public. Il faut savoir faire des gestes : pas les bras croisés, pas les mains derrière le dos (en position du fusillé), pas les mains cachant le sexe (en position feuille de vigne), pas les mains dans les poches (on n’est pas en train de se promener), pas les mains sur les hanches (en position de cow boy), bref il faut s’en servir pour argumenter les propos. Les mains et les bras sont comme le prolongement de la pensée. Mettez-les au-dessus de la ceinture : vous allez voir qu’elles vont « vivre » toutes seules ! Il faut aussi savoir regarder correctement un public en « balayant » du regard. Enfin, il faut utiliser sa voix correctement : le débit (ni trop rapide, ni trop lent), l’articulation, les ruptures de rythme dans les phrases en utilisant à bon escient les silences pour mettre en valeur certains propos, la scansion (c’est-à-dire appuyer un peu plus fort sur certains mots pour les mettre en valeur – c’est ce que font beaucoup trop certains journalistes dans leurs reportages !), la « fausse interactivité » (je pose une question et j’y réponds immédiatement : cf. Sarkozy). Lorsqu’on maîtrise toutes ces techniques, on peut alors répondre correctement à un journaliste. Sachant que là aussi, il existe des règles spécifiques liées à l’interview, d’où ces deux volets dans le livre.

Parlez nous des raisons de l’écriture de cet ouvrage.

J’entraîne depuis une quinzaine d’années des directeurs, présidents, hommes politiques… à parler en public ou à se faire interviewer en situation « classique » ou en situation de crise. Ce livre est un condensé de toutes ces expériences. Il est donc extrêmement pratique, nourri d’exemples très concrets et de vécu. Ici pas de théorie « fumeuse » mais des réponses précises aux questions que tout le monde peut se poser lorsqu’il est amené à parler.

Comment travaille un journaliste aujourd’hui à l’heure du 2.0 ? Et qu’en est-il pour un journaliste radio ?

Aujourd’hui les journalistes utilisent évidemment beaucoup Internet. Cela passe par les réseaux sociaux mais aussi Twitter par exemple pour être tenu au courant très vite, soit de l’actualité, soit d’événements liés à un domaine que l’on peut être amené à couvrir. Et bien entendu les journalistes, dans leurs différentes rédactions, alimentent également souvent par des images, du son ou de l’écrit, le site Internet du média premier pour lequel ils travaillent.

Quelles sont les bonnes pratiques pour communiquer avec la presse ? Et de ce fait de l’importance du fichier presse ?

Bien entendu pour communiquer avec la presse, il faut avoir un fichier presse à jour. Dans les rédactions, à l’heure de la pige et de la précarité comme dans tous les domaines, la valse des postes est régulière. Et il n’est pas rare qu’un journaliste économique une année soit journaliste justice l’année suivante. Il faut donc très régulièrement revoir qui fait quoi, sur quel média, quel est son numéro de téléphone, son mail, etc. C’est un travail de fourmi, souvent harassant. Mais c’est le prix à payer pour avoir un fichier à jour et ne pas se tromper d’interlocuteur lors d’envoi d’un communiqué de presse ou d’un dossier de presse !

L’attaché(e) de presse est l’interface entre le journaliste et l’acteur de l’information telle qu’une marque par exemple. Mais quel est son rôle exactement ?

Son rôle est de prendre contact avec le journaliste pour lui proposer de donner un coup de projecteur sur un produit, un homme, une entreprise, une activité… Mais aujourd’hui, la concurrence est rude. Pour se démarquer, il faut conseiller à l’attaché de presse de faire du qualitatif et non du quantitatif. Les journalistes sont submergés d’informations (mails, courriers, etc.) Et doivent faire le tri dans ce flot continu. Trop d’attachés de presse pratiquent le mailing non ciblé. C’est peut-être sous la pression de leurs clients parfois. Mais je pense que cette façon de fonctionner est contre-productive. Pour ma part, lorsqu’une agence de communication ou un service de presse m’envoie trop souvent des informations qui ne m’intéressent pas, leur nouveau communiqué passe quasi directement à la poubelle. Mais faire du qualitatif requiert du temps : identifier le média, identifier le journaliste, identifier précisément son activité, quels sont ses besoins, quels sont ses attentes, quels sont les angles qui pourraient l’intéresser… Mais c’est le prix à payer pour ne pas le polluer sous une masse d’informations et pour avoir une chance de le « séduire » par un sujet.

Laurent Supply, responsable de Le Figaro.fr nous dit : « rien à ma connaissance sur terre ne va plus vite que Twitter. Ni moi, ni les télés, ni les agences ». Quelles sont les leçons à tirer de cette viralité informationnelle ?

En 1967, le sociologue américain Stanley Milgram découvre, grâce à une étude, qu’entre deux personnes prises au hasard, il n’existe pas plus de six degrès de séparation. Un réseau social comme Facebook ramènerait aujourd’hui à moins de 4,7 le nombre des relais qui structurent notre « petit monde ». Tout est donc aujourd’hui très proche, très vite, mais très risqué parfois car ceux qui écrivent sur Internet ou sur Twitter, le font souvent rapidement, sans beaucoup de recul, et avec des erreurs potentielles. Twitter est une source d’information, mais surtout pas la seule !

La communication de crise passe par quel scénario selon vous et comment s’en prépare t-on le mieux possible ?

Pour se préparer correctement aux crises, les entreprises doivent anticiper tous les scénarios possibles et imaginables et selon le secteur d’activité, les scénarios les plus fous ! Scandale du Mediator, viande britannique chez Buffalo Grill, plans de licenciements massifs dans de grandes entreprises, accident du tunnel du Mont-Blanc, accusations de corruption, suicide de collaborateur sur son lieu de travail… et même parfois l’impensable : Tchernobyl ! Nul n’est épargné. Aujourd’hui, notamment avec Internet, la crise médiatique peut prendre une ampleur immense très vite. Se préparer à la crise c’est donc déterminer très tôt quels seront les messages à apporter en cas de pépin majeur, qui va parler, de quelle personne sera composée la cellule de crise, qui sera chargé de faire une veille médiatique durant la période difficile, etc. Ensuite quand la crise éclate, il ne faut pas pratiquer la politique de l’autruche (qui paye rarement) et réagir rapidement. Le temps joue pour la crise, contre les responsables. Retenez ce qu’un spécialiste du sujet (Patrick Lagadec) nous dit de la crise : « On connaît la loi chère aux sapeurs-pompiers, plus sévère encore pour les crises : une minute, un verre d’eau ; 10 minutes, un camion ; une heure, une caserne ». Et cette phrase s’applique plus encore en situation d’événement majeur.

Le journaliste n’est-il pas devenu aujourd’hui l’acteur des crises ?

Les journalistes ne parlent jamais des trains qui arrivent à l’heure ou de la sonnerie de l’école qui a retenti comme prévu à 16h30. C’est vrai que c’est souvent lui qui met un coup de projecteur puissant sur la crise vécue par une entreprise. Mais cela fait partie de son rôle. Les patrons d’entreprise doivent bien réaliser que «  pour vivre heureux, vivons cachés » n’est plus possible.

Quelles sont les grandes lignes du droit de la presse en générale ?

Il existe évidemment le droit de réponse qui est très codifié. Mais dans la réalité, il est très peu utilisé. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il est souvent contre-productif. Sauf dans le cas d’une erreur majeure mettant en péril des salariés ou une entreprise, il vaut mieux ronger son frein que de demander le droit de réponse. En revanche, il est permis de rappeler le journaliste pour lui dire avec gentillesse, qu’il a fait une « boulette ». S’il est professionnel et un minimum consciencieux, la prochaine fois il fera plus attention ! Si vous rencontrez un journaliste, n’oubliez jamais que le Off n’existe pas. Ni avant, ni pendant, ni après l’interview. Ni même lors d’un dîner arrosé avec le (ou la) journaliste que vous avez particulièrement apprécié(e). Un journaliste reste un journaliste 24h/24 et tout ce que vous lui direz pourra faire les gros titres de la presse demain matin.

 

Côté Face : Depuis 13 ans Journaliste chroniqueur à France Info. Ancien Présentateur à Europe 1 après plusieurs années passées comme producteur à Radio France et R.F.I. Formateur auprès de grands groupes industriels. Auteur de plusieurs livres sur l’entreprise ou la communication avec la presse.
Côté Pile : Expert en paralangage. Prestidigitateur. Auteur de 10 ouvrages sur la Magie et les jeux de société. A pratiqué le théâtre en tant que comédien et metteur en scène pendant de nombreuses années et travaille le chant lyrique depuis plus de 20 ans.
Marc Michiels

Marc Michiels

Rédacteur en chef Culture RP, Content Marketing et Social Média Manager : « Donner la parole à l’autre sous la forme d’une tribune, une interview, est en quelque sorte se donner à lire ; comme une part de vérité commune, pour qu'apparaisse le sens sous le signe… ». / Retrouvez-moi sur LinkedIn

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