Les couleurs ont-elles un genre?

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Bleu, blanc, rouge… ou… bleu et rose ? La société française est parsemée de codes coloriels faisant partie de notre héritage culturel. Ces codes – souvent porteurs de stéréotypes – sont-ils des repères pour les individus ? Comment les faire évoluer ? Liberté, égalité, stéréotypes. Analyse de Womenology.fr / aufeminin.com.

D’après le CNRS, « la couleur est, par elle-même, un langage permettant de communiquer. Ce langage implique nombre de conventions d’ordre psychologique, symbolique ou religieux. Il varie de lieu en lieu et d’âge en âge. ». Souvent reliées à un événement intime, notre relation avec les couleurs est à la fois individuelle et collective. Si le deuil est irrémédiablement associé au noir dans nos sociétés occidentales, en Inde, c’est le blanc qui est choisi pour accompagner des funérailles. Nous respectons alors des codes coloriels qui définissent notre identité sociale. Notre ancrage à une communauté. Et ses traditions.

Les codes coloriels sont présents. Partout. Trop souvent

Bleu pour les garçons, rose pour les filles. Les couleurs sont dangereuses quand elles sont porteuses de stéréotypes. Astrid Leray, du cabinet Trezego, a épluché dix catalogues de jouets parus pour Noël 2013. Conclusion : 50% des filles sont habillées en rose ou violet. Les marques s’adaptent-elles aux désirs des parents ? ou les parents n’ont-ils pas d’autres choix face à une offre de produits fortement genrée ? Notre rapport aux stéréotypes est là aussi paradoxal. Si nous les condamnons ouvertement, nous avons tendance à les intérioriser. Et à les perpétuer. D’après Priscille Touraille, Docteur en anthropologie sociale : « Les études sur la socialisation de genre ont (montré) que l’outil de la couleur sert d’abord aux adultes, surtout en dehors du cadre familial à connaître le sexe des enfants dans le but de faire passer les « bons messages » quant à leurs qualités féminines et masculines escomptées. »

Le bleu incarne le consensus

Il n’existe, en définitive, aucune raison d’enfermer les couleurs dans des registres genrés. Dans les pays occidentaux, hommes et femmes semblent partager la même « couleur préférée » : le bleu. Annie Mollard-Desfour, linguiste-lexicographe au CNRS explique cette situation : « Le bleu, autrefois négligé (…) et mal considéré (couleur de la mort, des enfers, des peintures guerrières des Barbares et des yeux des séductrices au Moyen Âge), (…) est devenu une couleur consensuelle et valorisée dans notre société contemporaine : celle du rêve, de l’idéal (bleu rêve, fleur bleue, oiseau bleu), des grandes institutions nationales ou internationales (bleu du drapeau du Conseil de l’Europe, de l’ONU ; casques bleus) ; des tarifs bleus et des numéros azurs, moins coûteux, des cartons bleus qui, dans le sport, récompensent une équipe « fair-play ». » (2)

Le rose persiste en tant qu’outil de discrimination

Pour quelles raisons les mères hésitent-elles à habiller leurs fils en rose ? La première raison invoquée est la « peur des moqueries des autres enfants » pour 84% des femmes interrogées (source : Womenology). « Moi je ne mettrais pas de rose à mon fils si j’en avais un. Et pourtant j’ai acheté un polo à mon homme rose, mais pour un petit garçon, non. Encore quand ils sont tout bébés, on peut se permettre de leur mettre des couleurs un peu fille. Mais à l’école, si vous mettez une couleur un peu bariolé à un petit garçon, il va se faire taquiner c’est certain. » (Sophie, 35 ans).

Les chiffres sont effrayants : 21% des femmes ont peur d’influencer la sexualité de leur(s) enfant(s) en choisissant la couleur rose (source : Womenology). Dans une société traditionnellement patriarcale et « hétérocentrée », le « fantasme » d’influencer l’homosexualité de son enfant reste très – et trop – présent.

Quelle implication marketing ?

Le marketing nourrit largement les codes coloriels, féminins et masculins. Il suffit de se rendre dans les linéaires pour se rendre compte que Contrex et Special K ont choisi des coloriels différents de Mennen ou Gillette. Peut-on changer rapidement les codes ? « Les freins sont puissants car il est difficile de changer des codes qui sont installés depuis très longtemps et qui fonctionnent. En vérité, les marques sont un peu esclaves de ces codes » explique Martine Rigollot, Directrice Conseil, CBA. « Les agences ont un rôle à jouer ; elles doivent être à l’origine d’alternatives graphiques et c’est à elles de convaincre les annonceurs qu’il y a d’autres moyens de parler aux femmes».

Soyons optimistes : il faut saluer le Stade Français, qui a osé vêtir ses rugbymen d’un maillot rose -sans s’attirer durablement de quolibets – et peut-être plus encore à Orange qui n’a pas eu peur d’en être sponsor, et de figurer en toutes lettres sur ces maillots roses. L’optimisme épouse volontiers toutes les couleurs.

Source : Influencia
Benjamin SMADJA , Directeur Marketing et Marion Braizaz, Doctorante en sociologie, aufeminin.com ; Womenology.fr
@benjamin_smadja / @marionbraizaz / @womenology
Crédit photos : The Pink and Blue Project par l’artiste Coréen Jeong Mee Yoon.
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