Rencontre avec Arnaud Mercier de l’Observatoire de Webjournalisme de Metz

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Directeur de recherche, responsable du Master de web journalisme de l’université de Lorraine et directeur de l’observatoire du web journalisme de Metz, Arnaud Mercier est un homme aux multiples casquettes qui a fait du média web un de ses nombreux champs d’investigation. En octobre dernier, il intervenait à l’occasion des Assises du Journalisme qui ont eu lieu à Metz. Culture RP a voulu faire la connaissance du chercheur, du formateur mais aussi de l’observateur privilégié des évolutions et mutations qui sont à l’œuvre aujourd’hui dans le secteur de l’information.

Vous avez fait de l’interaction de l’information et des journalistes avec les médias sociaux un de vos champs d’étude. Pouvez-vous nous présenter votre observatoire et nous parler brièvement de quelques unes des études que vous avez menées par le passé ?

Obs Web Journalisme

Le programme OBSWEB (Observatoire du webjournalisme) mis en place fin 2009, a permis de financer en 2010 une première série d’enquêtes par entretiens et questionnaires auprès des journalistes pour connaître leurs perceptions des bouleversements induits par l’arrivée du numérique. On peut considérer le XXIe siècle débutant pour les médias comme l’entrée dans ce que j’appelle « un nouvel écosystème d’information », l’objectif de cet Observatoire est de rendre compte de toutes ces mutations.

Nous avons mené également d’autres études comme notamment celle réalisée en janvier 2012 sur 600 comptes Twitter et Facebook de médias et de journalistes français pour comprendre les usages qu’ils faisaient de ces deux réseaux ou encore celle sur « les homes » des sites d’information, qui montre combien le schéma mental de la presse écrite est encore omniprésent dans la tête des responsables de sites d’information.

Sur quel sujet portera votre prochain projet de recherche ?

Arnaud Mercier article Culture RP

Le projet a été retenu par l’ANR (Agence nationale de la recherche) dans le cadre de l’appel « Sociétés innovantes » et durera 30 mois à compter du 1er février 2014. Il repose sur une hypothèse de recherche : le monde de l’information journalistique en ligne a commencé un mouvement de bascule passant d’une logique d’audience liée à un circuit direct d’information (l’internaute lisant un reportage sur le site d’un média d’information) à ce que nous appellerons une logique d’insertion dans un flux d’informations (l’information lui parvient par les réseaux sociaux). Les modes de consommation de l’information s’en trouvent changés.

L’un des objectifs de ce programme est d’essayer de repérer et d’expliquer des logiques sociales de consommation, d’appropriation et de dissémination des informations via les réseaux sociaux. Plus précisément, le but est donc de dégager des typologies d’usages donnant lieu à des possibles modèles de dissémination de l’information, tant sur une échelle macro (récolte de données de masse) que sur une échelle plus réduite ( observation de centaines d’internautes volontaires constitués en panels ).

Quelles sont les catégories d’usage que vous avez réussi à mettre en avant concernant l’utilisation de Twitter par les journalistes ?

Compte Twitter Arnaud Mercier
Dans un article académique tout récent (« Twitter l’actualité : usages et réseautage chez les journalistes français », Recherches en communication, n°39), j’ai dégagé 6 usages différents de ce réseau par les journalistes.

Un fort usage publicitaire ou autopromotionnel (pour annoncer les articles parus et vanter les qualités du média voire du journaliste lui-même). Twitter s’apparente aussi à un nouveau « club des journalistes », où beaucoup de confrères s’interpellent entre eux, dialoguent, y compris en faisant des allusions que leurs followers ne peuvent comprendre.

C’est un outil de socialisation professionnelle.

Mais Twitter sert aussi à se moquer de ses confrères, à épingler des supposées dérives déontologiques par exemple. Le réseau fonctionne aussi comme une tribune libre : il est approprié comme moyen d’expression moins contraint qui donne la chance à tout journaliste d’avoir une parole éditorialisée, permettant d’exprimer ses opinions.

Enfin, on observe un usage informationnel et participatif : du fil info au crowdsourcing, et un usage informationnel spécifique : la couverture-live en tweet-live ou en intégrant des tweets dans un dispositif live plus large.

Vous êtes responsable du Master de Webjournalisme de Metz ? Que vous inspire le webjournalisme ?

Je pense que si on peut comprendre les craintes et résistances que les mutations numériques en cours génèrent encore chez certains professionnels de l’information, il faut aussi voir tout le formidable potentiel de renouvellement du métier que comporte la phase actuelle. Les outils numériques à disposition sont un formidable moyen de renouveler les narrations, de capter autrement l’attention des citoyens, de jouer avec les codes en usage sur Internet pour féconder le récit journalistique, pour établir un nouveau rapport aux sources et aux publics.

Vous parlez de révolution copernicienne en matière de formation. Que voulez-vous dire par là ?

Je pense qu’il n’est plus possible d’enseigner le journalisme comme il y a 10 ans et plus, en considérant l’internet juste comme un quatrième support, une spécialisation qui vient s’ajouter aux trois autres habituelles en école de journalisme : vidéo, presse écrite, et radio. Ne serait-ce que parce qu’Internet contient tous les autres supports, qu’il permet une écriture « rich media », c’est-à-dire combinant au mieux les atouts des autres modes d’expression.

De quoi doivent être capables vos élèves en sortie de formation ?

J’ai créé cette formation pour répondre aux exigences du journalisme qui est en train de se transformer profondément. Il s’agit d’associer les apprentissages des canons du métier avec l’acquisition des agilités numériques devenues indispensables pour utiliser pleinement les potentialités de l’internet (esprit d’innovation, réseaux socionumériques…). Le but est qu’il maîtrise des outils numériques spécifiques (Timeline & cartes interactives, dispositifs de couverture live en ligne ; diaporamas sonores ; écriture webdocumentaire, gestion de CMS…).

Vous avez notamment lancé des cours de newsgame et de journalisme créatif ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le contenu de ces cours ?

Pour le newsgame, disons surtout que l’on initie le mouvement pour la première fois, alors il est difficile d’en parler avec certitudes. Florent Maurin, le meilleur spécialiste français du domaine, a accepté de nous rejoindre pour faire développer par une partie de nos étudiants du master 1, un jeu d’information, dont on ne connaît pas encore les contours précis. L’enjeu est clairement de se frotter à une première réalisation de ce type de pratique journalistique pour leur ouvrir des potentialités expressives nouvelles qu’ils pourront utiliser à l’avenir, j’espère.

Pour le cours de créativité journalistique, il correspond à une nécessité que j’ai très vite éprouvée de leur faire développer un esprit créatif, inventif. Il s’agit donc de leur faire prendre conscience de leur potentiel créatif, et de réaliser des exercices de libération de la créativité expressive dans un contexte d’information en leur demandant d’imaginer des illustrations et des angles de sujet originaux.

Vous avez lancé un projet mobile. Dites-nous de quoi il s’agît et qu’est-ce que cela nous dit de l’avenir des médias et des formats ?

J’ai l’habitude de dire que certains médias ont à peine intégré la révolution « web first », qu’ils doivent déjà se confronter à une seconde révolution, celle du « mobile first ». De plus en plus de gens consultent les sites d’information depuis leur mobile, quand ils ne consomment pas leurs médias favoris sur une appli dédiée. Le trafic d’informations sur supports mobiles est en pleine explosion, cela change à nouveau la donne pour la façon dont les rédactions doivent penser la chaîne temporelle de la diffusion de l’information et l’organisation de sa production.

Grâce à une chaire journalisme et innovation financée par la région Lorraine, nous proposons à nos étudiants les moyens de penser et développer une appli mobile sur laquelle ils produiront ensuite de l’information formatée pour supports mobiles de type smartphones.
D’ailleurs, notre plus récente étude à Obsweb porte justement sur les alertes push d’une trentaine d’applis mobiles, afin d’essayer de voir si se dégagent des stratégies éditoriales pour ces alertes. Les premiers résultats montrent que beaucoup de médias n’ont pas encore une vision très claire de ce qu’ils peuvent faire d’efficace avec ces alertes infos reçues par les mobinautes. C’est essentiel qu’ils sachent acquérir une dextérité et un état d’esprit pour l’information mobile.

Propos recueillis par Alexander Paull

Liens :
Le Mag de l’ Obsweb
La revue du Web du Mag
Webullition, le Webzine du Master de Webjournalisme de Metz

Un petit rayon de Com'

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