Interview de Sandrine Adass, attachée de presse au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme

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Culture RP a rencontré Sandrine Adass, attachée de presse au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme.

 

Sandrine Adass pour Culture RP

 

Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?

Je suis germaniste de formation. Après deux années de classes préparatoires littéraires et un cursus d’études germaniques suivi entre Paris et Berlin, j’ai effectué des stages et occupé différents postes dans le secteur culturel (Institut français de Berlin, Cité de la Musique, Ensemble Intercontemporain…). J’ai ensuite intégré le service de presse d’harmonia mundi (département musique classique), avant de prendre en charge les relations presse du Musée d’art et d’histoire du Judaïsme.

Quelle est la spécificité de l’attaché(e) de presse dans un musée et singulièrement au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme (Mahj) ?

Un musée a pour objectif premier d’assurer une mission culturelle, scientifique et éducative, et non de vendre des produits. La frontière entre RP et marketing y est donc plus étanche que dans d’autres secteurs, même s’il est évident que ces dernières décennies, le musée est devenu une véritable « entreprise culturelle ».

En interne tout d’abord, l’attaché(e) de presse d’un musée évolue au sein d’une équipe. Si je suis intégrée au service communication, avec lequel je coordonne mes actions, je travaille également en étroite collaboration avec la conservation, notamment lors de la rédaction des dossiers de presse, ainsi qu’avec tous les autres départements de l’institution.

L’attaché(e) de presse doit disposer ensuite d’un solide réseau de journalistes et de blogueurs spécialisés, s’intéresser aux acteurs du secteur muséal, ainsi qu’aux logiques à l’œuvre dans ce milieu. Une bonne connaissance des thématiques mises en avant par le musée est indispensable.

À cet égard, travailler au Mahj constitue une expérience extrêmement enrichissante : si tous les événements de ce musée ont un lien fort avec le judaïsme, les thèmes et les médiums explorés sont d’une grande diversité. En quelques années, j’ai par exemple assuré les relations presse d’expositions et d’installations très variées : « Rembrandt et la Nouvelle Jérusalem », « Les mondes de Gotlib », « La Valise mexicaine. Capa, Taro, Chim », « Charlotte Salomon. Vie ? ou théâtre ? », « Alfred Dreyfus. Le combat pour la Justice », « Big Bang » de Kader Attia… Aux expositions vient s’ajouter l’ambitieuse programmation de l’auditorium, qui comprend à la fois des films, des lectures, des concerts (musique classique, jazz, klezmer…), des rencontres, des conférences, des spectacles pour le jeune public…

Bref, cette diversité stimulante implique de se plonger rapidement dans des univers différents et de pouvoir mobiliser un réseau très large de journalistes et de blogueurs.

Le musée d’art et d’histoire du Judaïsme est une association subventionnée par le ministère de la Culture et de la Communication et par la Ville de Paris, une institution laïque ouverte à tous. Lorsqu’on est en charge des relations presse du Mahj, il faut constamment souligner, réaffirmer ce point, afin de désamorcer tout malentendu chez celles et ceux qui penseraient avoir affaire à une structure communautaire. La mission du Mahj est de mettre en lumière les multiples facettes des cultures juives, tout en œuvrant activement en faveur du « vivre ensemble » et de la lutte contre les préjugés. L’atelier « Cultures en partage : juifs, musulmans », organisé par le service éducatif en partenariat avec l’Institut du Monde arabe, n’est qu’un des nombreux maillons d’un dispositif très vaste (formations à destinations des enseignants, ateliers pour les scolaires).

Selon vous, quelles sont les règles d’or d’un dossier de presse d’exposition, que doit-il comporter ?

Le dossier de presse (DP) répond à un double objectif : susciter l’intérêt des journalistes pour un projet, tout en leur fournissant des outils pour traiter au mieux leur sujet.

L’efficacité d’un dossier de presse repose ainsi sur un équilibre délicat. Il s’agit de rendre le propos attractif et accessible, sans le trahir ni l’appauvrir. D’où la nécessité de travailler étroitement avec les commissaires d’expositions pour concilier ces différentes logiques. Cette collaboration permet également de présenter l’information de manière fiable et rigoureuse.

Autre équilibre à respecter : bâtir un DP très complet, mais lisible. Il faut donc attacher une importance toute particulière à la clarté : clarté de la langue, de la typographie, de la structure. Il est fondamental de hiérarchiser l’information, de l’illustrer par des visuels forts, et aussi de la décliner sous différents angles : n’oublions pas que le DP est envoyé à l’ensemble des médias alors qu’ils ont tous une façon spécifique d’aborder un sujet et possèdent leurs propres centres d’intérêt. Chacun doit y trouver les éléments dont il a besoin.

Mais pour qu’un journaliste s’empare de votre DP, encore faut-il qu’il le remarque parmi les dizaines de dossiers qu’il reçoit chaque semaine ! La présentation revêt donc un rôle crucial. Le dossier de presse doit être un bel objet, doté une couverture dynamique et d’une mise en page séduisante. Le recours à un graphiste représente un atout indéniable.

Quelles sont les actions de RP mises en œuvre lors d’une exposition et pour l’ensemble des actions culturelles ?

La promotion des expositions du musée auprès des médias repose encore largement sur une campagne de presse traditionnelle (envoi de communiqués et de dossiers de presse, mise en place de partenariats presse, visites personnalisées en compagnie des commissaires avant le vernissage, petit déjeuners de presse organisés la veille ou le jour des vernissages, voyages de presse lorsque l’exposition transite par une autre institution avant d’être présentée au Mahj).

Cette stratégie assure aux expositions du musée une belle visibilité dans les médias traditionnels, mais aussi sur les réseaux sociaux et les blogs influents dans le secteur culturel.

Les actions numériques menées par notre community manager (au Mahj, comme dans de nombreux musées, relations presse et community management sont dissociés) complètent largement cette campagne (diffusion de l’information sur nos comptes Twitter et Facebook, sur le site internet du Mahj – notamment via un espace presse – envoi de newsletters et d’e-cards …)

Quant aux activités culturelles et éducatives, leur multiplication nous oblige à mettre en place un dispositif plus léger pour les promouvoir (le Mahj propose environ une manifestation quotidienne : auditorium, visites guidées et ateliers pédagogiques). La communication digitale constitue un moteur très important.

Quelles sont les bonnes pratiques à adopter envers les journalistes et blogueurs pour communiquer avec eux ?

La promotion de chaque projet suit une stratégie spécifique qui vise à cibler l’information de manière précise. Cela suppose de bien connaître les différents journalistes et blogueurs auxquels on s’adresse. Lire leurs articles, les suivre sur Twitter, par exemple, nous renseigne sur leurs centres d’intérêt. Il est important également de savoir quelles sont leurs habitudes de travail, notamment la façon dont ils préfèrent être contactés et informés de notre actualité, quelles sont leurs échéances.

L’essentiel est de bâtir des échanges professionnels de qualité et dans la durée. Ces liens reposent en grande partie sur la confiance : si un journaliste sait qu’il peut compter sur moi pour obtenir une information fiable et utile, il fera appel à moi et se montrera en général plus disponible. Il sera sensible au fait que je lui facilite le travail, que je lui fasse gagner du temps : je dois donc être très réactive et lui livrer des explications et des documents clairs.

Les déjeuners de travail et l’organisation d’événements spécifiques (conférences et voyages de presse, vernissages…) nous aident à personnaliser et à approfondir nos relations. Les contacts avec les journalistes deviennent alors bien plus fluides.

Il est évident que les influenceurs (journalistes, blogueurs ou autres) sont très sollicités. L’enjeu est pour nous d’acquérir auprès d’eux une certaine visibilité. Pour cela, il faut souvent s’armer de patience, persévérer, relancer…mais sans jamais les harceler !

Parlez-nous des trois expositions présentées actuellement au Mahj.

 

Visuels Exposition Musée d'art et d’histoire du Judaïsme

 

Je commencerai par évoquer « Magie. Anges et démons dans la tradition juive », qui se termine dans quelques jours (le 19 juillet). Cette exposition met en lumière un phénomène fascinant et assez mal connu : les pratiques magiques dans le judaïsme, de l’Antiquité à nos jours. Servie par une scénographie audacieuse, elle présente près de 300 pièces magnifiques (recueils de recettes, amulettes, bijoux, vêtements contre le « mauvais œil », bols incantatoires…) provenant du Proche-Orient ancien, de l’Empire romain, de Byzance, de l’empire Ottoman, ainsi que d’Asie centrale, du Moyen-Orient, du Maghreb et du monde ashkénaze.

L’exposition examine notamment les liens entre religion, cabbale et magie, explore les relations entre les magies juive, chrétienne, musulmane et témoigne de la persistance de nombreux rites ancestraux dans le monde contemporain.

Une deuxième exposition, « Trésors du ghetto de Venise » (jusqu’au 13 septembre), nous dévoile des pièces d’orfèvrerie liturgique d’une beauté et d’une valeur historique exceptionnelles. Ces objets furent cachés en 1943, juste avant l’entrée des nazis dans la ville, par deux responsables religieux. Les deux hommes seront déportés et assassinés dans les camps. Créées par les meilleurs orfèvres vénitiens des XVIIIe et XIXe siècles, ces pièces ont été retrouvées récemment, lors des travaux de restauration d’une synagogue. Exposées dans les salles italiennes du musée, elles nous invitent à découvrir l’histoire des juifs de Venise, où fut instauré en 1516 le premier ghetto d’Europe.

« Mehitza. Ce qui femme voit » (jusqu’à janvier 2016) présente enfin une cinquantaine de photographies de Myriam Tangi. En hébreu, Mehitza désigne la cloison ajourée (rideau, voile…) qui sépare dans la synagogue l’espace réservé aux hommes de celui réservé aux femmes. Cette série de clichés interroge l’expérience féminine au sein des différentes communautés du judaïsme contemporain, et plus largement, les territoires masculin et féminin dans le monde juif.

Visuels « Magie » / « Trésors du ghetto de Venise » : Couronne de Torah, keter Torah Italie, vers 1700, argent – Collection de la communauté juive de Venise et Jérusalem, 1991 © Myriam Tangi.

Comment voyez-vous l’évolution de votre métier ?

La mutation des métiers du journalisme opérée par la révolution numérique a eu bien sûr des répercussions sur les relations presse. Le champ médiatique est marqué par une multiplication des canaux de diffusion et une diversification des acteurs. Si l’information culturelle continue à être bien relayée par la presse traditionnelle, elle est de plus en plus diffusée sur les réseaux sociaux et les blogs. Les journalistes des médias traditionnels ne sont plus les seuls « influenceurs ». Il faut donc maintenir les liens tissés avec les premiers et nouer des contacts avec les seconds.

Les RP sont amenées à inclure le community management et à adopter des pratiques nouvelles : élaboration de contenus éditoriaux (newsletters, blogs, Twitter, Facebook), recours à des formats d’expression tels que l’audiovisuel, réflexion sur les mots-clés lors de la rédaction de communiqués…

Face à cette évolution, il n’est pas absurde de se demander si les termes mêmes d’« attaché de presse » ou de « relations presse » ne tomberont pas en désuétude.

Désormais, la multiplicité des sources d’information laisse penser que les journalistes peuvent accéder à des contenus sans intermédiaires. Les relations presse sont-elles pour autant vouées à disparaître ? Je ne le pense pas. Elles seront au contraire nécessaires, plus que jamais, pour offrir des documents de qualité, sélectionner l’information, sensibiliser les médias à une actualité, expliquer les grandes lignes d’un projet.

Marc Michiels

Marc Michiels

Rédacteur en chef Culture RP, Content Marketing et Social Média Manager : « Donner la parole à l’autre sous la forme d’une tribune, une interview, est en quelque sorte se donner à lire ; comme une part de vérité commune, pour qu'apparaisse le sens sous le signe… ». / Retrouvez-moi sur LinkedIn

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