Si l’on se réfère aux définitions de Lucien Matrat [1] (l’un de nos pères fondateurs[i]), le Conseiller en relations publics a pour but de créer de la confiance entre une organisation et ses publics. C’est une conception qui a prévalu ces dernières années et c’est celle que j’ai défendu devant les quelque 300 élèves auxquels j’ai enseignés les relations publics[ii]de 2004 à 2013.
Le rôle de l’attaché de presse, expression usitée il y a peu de temps encore pour qualifier ce métier, est quant à lui plus restrictif. L’attaché de presse est spécialisé dans les relations avec la presse écrite, « les organes de presse » tels qu’on les appelait naguère (arrêté du 23 octobre 1964).
La révolution, pas si silencieuse que cela, qui s’est déroulée ces dix dernières années au sein du paysage médiatique français[iii], si elle n’a pas fait voler en éclats tous nos préceptes et méthodes, a singulièrement modifié la donne.
Dans le tourbillon de la révolution médiatique
Si nos confrères des médias sont encore plus circonspects qu’auparavant en ce qui concerne la confiance dont nous nous prévalons, leurs pratiques journalistiques ont, quant à elles, tellement évolué que nous sommes en difficultés pour instaurer un dialogue efficace avec eux. A dire vrai, il devient difficile de faire notre métier !
Le dernier colloque organisé par le Synap l’a amplement démontré : les différences originelles et structurelles de nos métiers nous conduisent à des stratégies parfois divergentes, souvent antagonistes.
Certes, l’information reste notre souci commun – même si nos confrères ont tendance à nous ranger tout de go dans le sac de la communication. Pourtant, informer requiert un travail préalable encore plus élaboré que dans les « temps anciens ». Les délais de livraison se sont dramatiquement raccourcis. Quant aux contenus, devons-nous le dire, ils sont parfois si affadis pour passer sous les fourches caudines des médias que nous sommes contraints de livrer, en temps et en heure, une information prête à être diffusée. Notre métier, c’est d’abord et avant tout « creuser » le sujet et permettre aux journalistes de faire leur miel de nos éléments.
Bref, dans un monde médiatique mouvant, et parfois sans repères, nous perdons nous aussi notre latin, au point de penser que nous ne sommes plus compatibles.
Journalistes et RP ne se regardent plus avec les yeux de Chimène
De l’autre côté, nos clients réclament un contact de plus en plus étroit avec leurs publics. Ils veulent plus de dialogue, plus d’engagement avec eux et se passeraient même volontiers des médias qu’ils craignent désormais, sous-estiment parfois (à notre plus grande surprise), et ignorent même pour engager directement la conversation avec leurs clients, consommateurs, donateurs, ou parties prenantes.
Comment, dans cette nouvelle perspective, délimiter notre place ? Comment respecter celle du journaliste tout en ayant un œil attentif sur les blogueurs et les influenceurs ? Faut-il continuer à promouvoir la confiance et la transparence ou ces valeurs bénies appartiennent-elles définitivement au passé ?
Le social media management, nouvelle étape des RP
C’est en observant le glissement qui s’est effectué en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire entre les RP 2.0 et le social media management que se trouve probablement l’une des clés de notre future stratégie.
Le social media manager gère la communauté des parties prenantes d’une organisation. En filigrane, il gère la communication de ses actions, l’information et les milles et unes manières de la mettre en lumière. Acteur du temps réel, c’est un garant de la transparence (maîtrisée ?) de l’organisation. C’est à ce prix qu’il pourra obtenir la confiance et l’engagement de ses publics. S’il n’est pas la seule source d’information à l’heure des réseaux sociaux et de l’interaction avec les publics, le journaliste ne l’est pas non plus (voire encore moins). C’est cette pluralité des publics et leur hiérarchisation qui d’une certaine manière remet les pendules à l’heure et des deux côtés.
Le social media manager est un créateur et diffuseur d’informations tout à fait unique. C’est un facilitateur, un des clés d’entrée de l’organisation et sans doute son principal médiateur (à ne pas confondre avec l’ambassadeur). Il doit donner du sens et une certaine grille de lecture.
Le journaliste devient un décrypteur d’actualités qui, face aux multiples sources dont il dispose désormais, a plus que jamais un devoir d’informer, presque d’investiguer pour séparer le bon grain de l’ivraie.
C’est ainsi que de l’incompatibilité de façade du début, il ne reste plus rien. L’un est l’autre n’ont pas de rôles interchangeables. Ils sont unis au sein d’une association étrange comme de vieux ennemis qui s’apprécient parce qu’ils ont des règles en commun et une grande habitude de vie. Et la nouvelle donne engendrée par les nouvelles technologies et les réseaux sociaux n’aura donc pas tant altéré cet état de fait.
Juste le temps pour l’un et l’autre des protagonistes de digérer les changements. Tant qu’il aura en effet une actualité, il faudra qu’un journaliste s’en fasse l’écho et la décode et un RP pour la mettre en lumière au préalable et élargir la vision du journaliste…
Marie-Pierre Medouga / Agence MP & C / Vice-présidente du SYNAP
[1] Hélène Arzeno-Martin, « Un retour vers le futur avec Lucien Matrat, le père fondateur des Relations Publiques Européennes », Communication et organisation[En ligne], 4 | 1993, mis en ligne le 26 mars 2012, consulté le 28 janvier 2016. URL : http://communicationorganisation.revues.org/1672
[i] Lucien Matrat : des éléments de biographie
[ii] Vocable désormais utilisé par l’ensemble de la professions y compris les deux syndicats Syntec-RP et Synap.
[iii] Pêle-mêle le développement des webzines, de l’information instantanée via les chaînes de TV en continu et les réseaux sociaux, l’explosion du nombre de chaînes etc…