1998-2018, les 20 ans du Musée d’art et d’histoire du Judaïsme

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Le mahJ célèbre son vingtième anniversaire en 2018. Pour l’occasion, le musée présente tout au long de l’année une riche programmation scientifique et culturelle.

20 ans MAHJ_Affiche

En 1998, le mahJ ouvrait ses portes dans le prestigieux cadre de l’hôtel de Saint-Aignan, au cœur du Marais à Paris, et dotait la France d’un musée unique au monde par sa vocation : retracer l’histoire des communautés juives de France, d’Europe et de Méditerranée à travers la diversité de leurs formes d’expression artistique, de leur patrimoine et de leurs traditions, de l’Antiquité à nos jours. Vingt ans après sa création, le mahJ s’est imposé comme l’un des musées les plus vivants de Paris, ainsi que comme un acteur essentiel de la préservation du vivre-ensemble. En proposant au plus large public de découvrir l’ancrage très ancien des juifs dans la nation, et l’universalité de leurs productions artistiques et culturelles, le mahJ illustre 2000 ans de « cultures en partage ».

En vingt ans, le mahJ a présenté une centaine d’expositions, parmi lesquelles « René Goscinny. Au-delà du rire », « Golem ! Avatars d’une légende d’argile », « Les mondes de Gotlib », « La Valise mexicaine », « Chagall et la Bible », « Felix Nussbaum », « La Splendeur des Camondo », « De Superman au Chat du rabbin », « Rembrandt et la nouvelle Jérusalem » ou « Alfred Dreyfus. Le combat pour la justice », ainsi que des installations d’art contemporain marquantes comme Miqlat de Sigalit Landau, Lapse de Moshe Ninio ou Big Bang de Kader Attia.

Culture RP a voulu pour ce événement mettre en avant au travers la publication d’une interview croisée de Dominique Schnapper, présidente du mahJ et Paul Salmona, directeur.

Pourquoi un musée d’art et d’histoire du Judaïsme à Paris ?

Dominique Schnapper : Dans les années 1980, l’exposition de la collection d’Isaac Strauss au Grand Palais a été le point de départ d’un projet visant à créer un grand musée du judaïsme, à l’instar de New York, ou d’Amsterdam, pour regrouper ce prestigieux ensemble de judaica offert au musée de Cluny par Charlotte de Rothschild, la collection du musée d’Art juif de la rue des Saules, et les stèles funéraires médiévales mises au
jour en 1849 rue Pierre-Sarrazin. Jacques Chirac, alors maire de Paris, mit l’hôtel de Saint-Aignan à la disposition du futur musée, tandis que Jack Lang, alors ministre de la Culture, y déposait les collections nationales.

Paul Salmona : Bien que notre pays compte l’une des communautés juives les plus importantes du monde, seul le musée de la rue des Saules et le musée judéo-comtadin à Cavaillon étaient spécifiquement consacrés au judaïsme. Comme fait de civilisation, le judaïsme était absent des musées nationaux comme des musée municipaux. La Ville et l’État s’entendirent pour financer le fonctionnement de ce qui devait devenir l’une des institutions culturelles les plus originales de la capitale et le seul musée en Europe à traiter du judaïsme dans son ensemble, en présentant en particulier l’histoire des juifs de France.

Quelles sont les spécifi cités de ce musée ?

Dominique Schnapper : En s’inscrivant dans la catégorie des musées d’Art et d’Histoire, le mahJ se démarque de la notion de « musée juif », courante à l’étranger, mais qui, en France, relèverait d’une approche essentialiste. Il s’agissait de rendre sa place au judaïsme au sein du paysage des musées français. C’est un musée de civilisation d’un genre nouveau, pas un musée communautaire ou confessionnel.

Paul Salmona : Laurence Sigal, qui a conduit le projet à partir de 1988 et a dirigé le mahJ jusqu’en 2011, a fait le choix d’un « musée de collections ». Leur spectre chronologique – du Moyen Âge à nos jours –, et leur extension géographique – de l’Europe orientale et du Levant à la France et au Maghreb –, sont le reflet de la diversité du judaïsme français. C’est une des originalités du mahJ car, dans de nombreux musées à l’étranger, on n’a qu’une approche nationale, et, souvent, faute de collections, on présente comme musée ce qui n’est qu’un « centre d’interprétation ».

Quelle est la vocation du mahJ ?

Dominique Schnapper : Dans un contexte marqué par la résurgence d’une parole antisémite dans l’espace public et par l’apparition de formes nouvelles de terrorisme, le mahJ joue un rôle essentiel pour faire connaître à tous les publics – néophytes ou familiers du judaïsme – l’inscription très ancienne des juifs dans la nation, la diversité de leurs cultures, l’originalité et l’universalité de leurs productions artistiques et intellectuelles. « Musée de France » placé sous la tutelle de l’État et de la Ville de Paris, le mahJ est, plus que jamais, une institution républicaine, un musée pour tous les publics.

Paul Salmona : L’hôtel de Saint-Aignan et ses remarquables équipements – salles d’exposition, auditorium, ateliers pédagogiques, librairie, médiathèque – proposent une programmation culturelle très large, qui va bien au-delà des thèmes permis par la seule collection permanente. Les expositions notamment ont montré que l’on peut aller de l’Amsterdam de Rembrandt et Spinoza au New York d’Harvey Kurtzman, du Buenos-Aires de Goscinny à la Vienne de Sigmund Freud. Et l’auditorium explore des domaines comme les sciences humaines, la littérature, le cinéma, la musique ou… les séries télévisées. Le mahJ peut ainsi présenter les cultures du judaïsme dans toute leur diversité. Enfin, le musée fait un effort très important pour contribuer au « vivre ensemble » et à la lutte contre les préjugés et les discriminations. Chaque année nous formons des centaines d’enseignants pour les aider à répondre aux remarques racistes entendues en classe. Les collections nous permettent de proposer une pédagogie vivante, fondée sur les œuvres et non pas seulement sur le discours.

Quel bilan tirez-vous de ces vingt années ?

Dominique Schnapper : Le mahJ s’est imposé dans le paysage culturel comme un lieu d’ouverture et de dialogue interculturel, avec des propositions très larges qui vont de la recherche la plus savante à l’art de la bande dessinée ou à la musique populaire, en partenariat avec de nombreuses institutions. Il a su montrer que, bien au-delà du fait religieux, les cultures des communautés juives peuvent intéresser un large spectre de visiteurs, quelles que soient leur sensibilité ou leurs origines.

Paul Salmona : En vingt ans, la collection a été considérablement enrichie, grâce à des achats importants, mais aussi à de très nombreux dons, qui ont permis d’acquérir des œuvres qui auraient été inaccessibles autrement. Le mahJ a développé un véritable savoir-faire de programmation, qui se traduit dans une politique d’expositions dynamique et originale, à laquelle contribuent les institutions le plus prestigieuses. Le mahJ est un musée du XXIe siècle, où les expositions, la médiathèque, le service éducation et médiation, l’auditorium, la librairie tiennent une place aussi essentielle que la collection. Le musée a accueilli près de deux millions de visiteurs en vingt ans : aujourd’hui, nous connaissons bien les attentes de nos publics mais aussi leurs frustrations.

Quels sont les principaux défi s auxquels le mahJ sera confronté les prochaines années ?

Paul Salmona : Notre chantier majeur est celui de la refonte du parcours permanent. Nous savons, avec le recul, que la collection manque de mise en contexte, de médiation. Nous voulons aussi renforcer la présence du judaïsme en France avant l’Émancipation, en débutant le parcours dès l’Antiquité pour nous adapter aux attentes des enseignants. Il manque aussi une section sur le judaïsme après 1945, pour ne pas donner le sentiment d’une disparition, alors que le judaïsme est très vivant dans notre pays. Nous voulons aussi donner plus d’espace à l’École de Paris, à l’art contemporain, à la bande dessinée. D’une façon générale, nous voulons réinscrire le judaïsme dans le récit national. Nous travaillons sur la distribution des espaces avec un projet d’extension sous le jardin Anne-Frank, qui permettrait de créer des salles plus vastes pour les expositions temporaires, sur 500 m², et libérerait 400 m² pour le parcours permanent, qui retrouverait une circulation satisfaisante. Ce projet, à conduire sur plusieurs années, mobilisera des moyens importants et impliquera un soutien fi nancier de la Ville de Paris et de l’État, des institutions juives et des particuliers auxquels nous ferons appel.

Dominique Schnapper : L’activité éducative doit être développée, notamment pour que l’abord du judaïsme dans le cadre scolaire se fasse à partir de toute son histoire et non pas à travers le seul prisme de la Shoah, qui prédomine aujourd’hui dans l’enseignement. Après 1791, la France a inventé un modèle d’intégration d’une communauté à la nation. Ce processus, qui donne la primauté à la citoyenneté, est encore une référence aujourd’hui.

Merci à Sandrine Adass, Attachée de presse chez Musée d’art et d’histoire du Judaïsme pour son autorisation de publication.

Marc Michiels

Marc Michiels

Rédacteur en chef Culture RP, Content Marketing et Social Média Manager : « Donner la parole à l’autre sous la forme d’une tribune, une interview, est en quelque sorte se donner à lire ; comme une part de vérité commune, pour qu'apparaisse le sens sous le signe… ». / Retrouvez-moi sur LinkedIn

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