C’est quoi une marque totémique ?

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Interview Philippe Deliège, Auteur de l’ouvrage Devenir une marque totem : Principale spécificité de la marque totem est de ne jamais avoir à payer pour être écoutées.

#JaimeLaCom

Le totem est un « être mythique » considéré comme l’ancêtre éponyme d’un clan ainsi que son esprit protecteur et vénéré comme tel. Souvent représenté comme un grand poteau de bois portant des figures sculptées superposées. Quand est-il pour les marques aujourd’hui ? De son incarnation pour nous consommateur ou simple adorateur d’histoire ? Le simple nom d’une marque suffit-il à être le vecteur émotionnel et de business, double miroir de l’engagement responsable tant recherché et désiré ? Faut-il, que pour qu’une marque soit considérée comme totem, elle invoque une tribu pour exister auprès de ces collaborateurs, des consommateurs, des citoyens que nous sommes tous ? Et les tribus ont-elles besoin d’un leader inspirant pour les accompagner dans ce monde nouveau ? Les marques sont-elles devenues de simples panneaux publicitaires à leurs images ?

Pour répondre à ces interrogations, Culture RP a souhaité interroger Philippe Deliège, Auteur de l’ouvrage « Devenir une marque totem | Droits et devoirs du personal branding ».

Forger son ethos, c’est l’œuvre d’une vie. Si nous en prenons soin, il peut devenir plus que cela : un véritable Graal rhétorique, capable de convaincre sans même que nous ayons à argumenter. Tout ceci pourrait sembler frivole. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Se soucier de son image, ce n’est pas seulement du narcissisme. C’est aussi de la rhétorique.

Clément Viktorovitch.

Philippe, c’est quoi une marque Totem aujourd’hui ?

Une marque totem est celle qui est considérée par le marché et par ses pairs comme l’un des leaders de son secteur d’activité. Elle est reconnaissable par le fait que la plupart de ces acteurs reprennent ses positions, ses arguments, son oralité. La marque totem donne donc le « la ». Jusqu’au point même de transformer ses concurrents en de simples perroquets. Une marque totem est donc avant toute chose une marque influente et respectée par ses clients, ses futurs clients, ses fournisseurs, ses partenaires, ses concurrents.

Au niveau des marques totem humaines – c’est-à-dire des profils qui par leur personal branding ont réussi à se démarquer – leur principale spécificité est de ne jamais avoir à payer pour être écoutées.

Greta Thunberg est l’une d’entre elles, elle prend la parole partout où elle se doit de prendre la parole. Sans agent, elle est invitée à tous les endroits clés. A votre avis combien GREENPEACE devrait débourser au niveau des paid media pour être aussi exposée que cette suédoise ?

Elle est donc tout l’inverse des ânonneurs de liste de puces qui nous sont souvent imposées par les sponsors lors des évènements business. Selon moi, une marque obligée de payer pour être écoutée est loin d’être une marque forte. Elle est plutôt morte. Une sorte de non marque.

Une marque totem humaine, quant à elle, est souvent une marque qui, en plus d’être écoutée, crée de nouveaux far west par sa vision inédite du marché. Elon Musk en est un parfait exemple puisqu’il a réussi à faire appréhender le marché de l’automobile électrique autrement. Steve Jobs, il y a une douzaine d’années, aurait pu dire ‘’je vais tuer le clavier et le faire apparaitre quand on en a besoin et vous offrir un nouveau monde’’ …un an après NOKIA, ALCATEL et BLACKBERRY sont devenus des acteurs de seconde zone. Renversés par deux marques totem : Jobs et IPhone. Un an après les dires de Jobs annonçant son arrivée dans le monde du mobile, tout le business et notre vie privée se sont organisés autour d’un minuscule petit écran avec des touches tactiles. Le tout ayant été réalisé sans avoir eu le moindre besoin d’acheter des espaces publicitaires.

Que cela implique-t-il dans les conversations, la relation client, la recherche d’Insight, la création, les engagements, dans le narratif de nos vies plus ou moins virtuelles ?

Cela implique d’être aligné et répétitif. Aligné parce qu’une marque qui a des avis sur tout et n’importe quoi s’effondrera immanquablement tant elle deviendra vite insupportable. Aligné veut donc dire être assez radin de son exposition. Ne prendre la parole que l’où on sent que c’est légitime d’occuper ce territoire d’expression. Dans mon livre, je prends l’exemple de REDBULL qui ne s’exprime que là où certains humains risquent leurs peaux. Cela implique aussi d’être répétitif et d’avoir la créativité de dire la même chose de maintes façons.

C’est la raison pour laquelle, une marque totem humaine qui semble esseulée ‘on stage’ est en réalité le fruit d’un travail collectif. Trouver de nouvelles manières de narrer son laïus principal ne pourra se faire qu’en travaillant en équipe. Notre monde actuel est un monde many to many. En tant que fournisseur potentiel, nous nous adressons à des personnes qui vont consulter leurs pairs (many) avant d’acheter à quelqu’un qui semble seul alors qu’il ne l’est pas (many). C’est d’ailleurs en cela que la marque totem est séduisante car elle offre l’accès à une sorte de collectif qui va satisfaire nos désirs et attentes.

Le véritable original est celui qui essaie de faire comme tout le monde sans jamais y parvenir.

Raymond Radiguet.

Philippe, il me semble que ton ouvrage poursuit une thématique que tu développais déjà dans ton précédent ouvrage « Être connu.e d’avance accélère la vente », à savoir qu’il est quand même plus simple de devenir une marque Totem avec une longue histoire. Mais alors comment font les jeunes pousses pour s’imposer dans notre imaginaire ? Sur quels inconforts surfent-elles pour répondre à nos attentes confortables de vie raisonnable ?

Le gros avantage pour un commercial ou un CEO qui a décidé d’être connu d’avance c’est n’avoir besoin d’aucune créativité pour inventer des histoires. Leurs propres histoires suffisant amplement. Idem pour les jeunes pousses qui se lancent, ils ont déjà vécu un gros quart de leurs vies : premier diplôme, premier job, premier amour, premier chagrin d’amour, première bagnole, premiers congés payés, premier appartement, premier échec, premier rebond, première démission, premier coup de gueule, etc. Bref, de la matière il n’en manque jamais.

En réalité, ce qui manque c’est la connaissance d’un certain nombre de bonnes pratiques. La discipline du personal branding est encore, à l’heure actuelle, très peu documentée. C’est un peu ce constat qui m’a motivé à écrire un nouveau livre qui documente ce que l’on a déjà découvert. D’où mon idée de relater les premiers droits et devoirs du personal branding. Avec comme bémol (indiqué dans mon livre) que cette liste est encore largement incomplète et qu’il faut donc, tous ensemble, la compléter. Notamment avec le retour d’expérience des jeunes pousses qui vont, souvent, y aller de manière assez franco !

Je dirais donc qu’il ne faut pas se tracasser pour les jeunes pousses. Bien au contraire, il faut les observer et identifier ce qu’ils font de bien de manière assez naturelle. Notre seule valeur ajoutée en tant que ‘vieux’ est de savoir décomposer les gestes parfaits et les rendre facile à transmettre.

Philippe, tu peux nous expliquer ce que c’est la stratégie de COOL BLUE et pourquoi c’est l’une des clés de la réussite ?

L’une des plus belle leçons de COL BLUE c’est de considérer, sans cesse, que ses clients potentiels sont intelligents. COOL BLUE rappelle rarement ce qu’elle vend. Elle fait confiance à ses clients qui ont bien retenus ce qu’elle vend. Le seul objectif de COOL BLUE est d’apparaitre souvent dans les radars visuels de leurs clients. De plus, quand elle y arrive elle apparait toujours comme étant non agressive.

D’un point de marketing, la plus grande réussite de COOL BLUE est d’impacter l’ensemble de la chaine décisionnelle dans les familles lorsqu’il s’agit d’acheter un électroménager. Monsieur et Madame ou Madame et Madame ou Monsieur et Monsieur sont impactés par le fait que COOL BLUE livre le plus souvent les électroménagers – même les plus gros – en vélo. Vélos et cyclistes étant brandés aux couleurs de COOL BLUE. Cerise sur le gâteau, COOL BLUE en agissant de la sorte – être vraiment écolo – influence d’autres influenceurs dans les familles : les enfants qui trouveront plus cool d’acheter à une société qui livre autrement qu’avec un gros camion qui lui pollue, qui crée des embouteillages, qui semble agressif au volant, etc.

En effet, il faut bien retenir que dans un achat multi décisionnel, à prix presque égal, c’est toujours celui qui est connu par presque tout le monde qui va l’emporter.

Les premiers Social Sellers – qui, pour rappel, sont connus d’avance – l’ont d’ailleurs bien compris et remportent le plus souvent la mise quand plusieurs compétiteurs sont amenés à concourir. Le plus connu par la majorité des intervenants dans une décision d’achat est alors jugé comme le plus rassurant.

Le logo est-il devenu plus important que la marque ou il s’agit simplement d’une prolongation visuelle et émotionnelle du contenant ? Ou si tu préféres, nous autres humains nous aimons la pensée complexe mais de façon simplifiée ?

En tout cas, je retiens la punchline : ‘’nous autres humains nous aimons la pensée complexe de manière simplifiée’’.

A ce niveau, je suis un peu en dehors de ma zone de compétence. A la base, je suis un commercial qui s’intéresse à certaines disciplines du marketing. Le logo, le naming me parle mais sans être en mesure de pouvoir affirmer détenir la vérité.

La seule chose que je peux constater, c’est que quand une marque ou un logo est soutenue par une marque humaine la notoriété s’accélère.

Ce que je peux également constater, c’est que la couverture du livre ‘’Devenir une #MarqueTotem’’ pourrait devenir une sorte de logo ou d’emblème de la marque estocada. En effet, elle semble acceptée par le public. Cependant, c’est juste un constat. Pas le fruit d’une décision marketing stratégique.

Nous avons tous les DROITS au niveau de notre image, y compris celui d’assumer nos propos, caractères, physiques, faiblesses, bêtises. Si et seulement si, en contrepartie, nous acceptons le DEVOIR d’être excellentissime dans notre domaine d’activité — à l’instar de ce qu’était, et est toujours, John McEnroe.
Dans ce cas, nous pourrons monter au-dessus du palmier. Même sans slip. Même sans paréo ou en paréo. La compétence autorise tout. Y compris celle d’être soi-même. Y compris de devenir un phare, un référent dans son secteur d’activité. C’est-à-dire une marque totem autour de laquelle le business et celui de notre entreprise s’organise.

Philippe Deliège.

Quelle est ta marque Totem et pourquoi ?

Ma marque totem favorite est St James. Elle est complètement alignée à mon envie d’acheter du beau et du durable en matière d’habillement. St James produit aussi uniquement ce qui a été précédemment acheté. St James fait vivre une communauté d’artisans locaux situés en Bretagne.

En Belgique, une autre marque totem à suivre est Damien Ersnt qui influence tout le monde politique belge à se montrer innovant et disruptif au niveau des énergies renouvelables.
J’aime aussi la manière dont Gérald Karsenti (CEO de SAP France) gère son personal branding au profit de la lutte contre les discriminations salariales liées au genre. Tout en laissant infuser qu’il est CEO de SAP. Et donc au final de faire apparaitre le mot SAP un peu partout. L’air de rien !

Philippe, une dernière question qui aurait dû être posée au début : Pourquoi ce livre ?

Mes livres – de manière sous-jacente – sont toujours des coups de gueule. Ma lutte actuelle, c’est de se battre contre les phrases toute faites ou des récitations par cœur de listes à puces sans savoir et comprendre pourquoi ces différentes phrases ou synthèses sont fortes.

Par exemple, Il suffirait d’être authentique pour être bon patron et/ou excellent commercial.

Ah bon, depuis quand ?

Autre énervement de ma part, le manque de mode d’emploi réel pour créer une marque personnelle (#PersonalBranding) forte + Un manque d’exploitation des leçons des plus belles réussites marketing.

Mon bouquin est donc une invitation à suivre les meilleurs praticiens du marketing, d’éviter de réinventer la roue, de mettre en œuvre ce qui fonctionne le mieux quand nous désirons se démarquer de nos pairs via le marketing de soi. Dont la forme la plus aboutie consiste à être devenu un véritable référent ou phare de son secteur d’activité.

Marc Michiels

Marc Michiels

Rédacteur en chef Culture RP, Content Marketing et Social Média Manager : « Donner la parole à l’autre sous la forme d’une tribune, une interview, est en quelque sorte se donner à lire ; comme une part de vérité commune, pour qu'apparaisse le sens sous le signe… ». / Retrouvez-moi sur LinkedIn

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