La communication des entreprises a intégré une nouvelle dimension avec l’avènement des médias sociaux : les messages des marques auprès de leurs publics peuvent se retrouver déformés et amplifiés publiquement en un temps très court.
Une crise sur les médias sociaux est certainement l’un des phénomènes les plus redoutés par les équipes de communication et ou digitale d’une entreprise. Difficilement contrôlable et néfaste pour l’e-réputation de l’entreprise, le badbuzz laisse souvent des traces peu reluisantes pour l’image de marque, et dans certains cas, pour le chiffre d’affaires. Nous avons souhaité démontrer au sein de l’ouvrage « Bad buzz, gérer une crise sur les médias sociaux, éditions Eyrolles » qu’il est désormais plus que nécessaire de développer des stratégies permettant de répondre à ce nouveau type de risques, mais également d’envisager certaines situations dites à risques comme des opportunités de rebondir.
1. La menace interne : le manque d’expérience de la marque sur les médias sociaux
Aujourd’hui encore, rares sont les marques formées et sensibilisées aux risques d’une crise sur les médias sociaux et aux comportements à adopter le cas échéant. Le cas classique de Greenpeace contre Nestlé pour son produit Kit Kat, en est un bel exemple. Face à un manque de formation et de sensibilisation de la marque Nestlé sur les comportements à adopter en cas de crise déclenchée sur les médias sociaux, les actions digitales de Greenpeace représentées entre autres par des vidéos virales, des logos déformés, des commentaires négatifs éparpillés sur les différents comptes sociaux de la marque, avaient toutes leurs chances de déstabiliser les équipes de communication de Nestlé.
Sur le Web, les attaques sont de plus en plus sophistiquées et déclenchées par n’importe quelle partie prenante. A l’instar de cet internaute qui avait acheté des tweets sponsorisés pour que British Airways considère sa demande de retrouver sa valise égarée.
Ses attaques forcent les marques à se former, à être vigilantes et à intégrer de « nouvelles » compétences internes.
Nestlé l’a bien compris et a ainsi adapté sa stratégie en conséquence en dédiant une équipe à part entière baptisée la « Digital Acceleration Team » pour écouter le Web social et apporter les réponses adéquates en cas de crise « naissante ». Cette véritable « war room » permet entre autres à la marque de sonder la perception de ses produits par les internautes et de réagir à leurs remontées en usant des bons codes de communication. Un an avant la crise Greenpeace/ Kit Kat, des « signaux faibles » étaient déjà présents en ligne et pouvaient laisser présager à Nestlé une situation sensible.
2. L’humour : une arme à double tranchant
L’humour a toujours semblé chercher sa place en communication, qu’il s’agisse de communication interne ou de communication externe. Jugé inapproprié : l’humour peut rapidement se retourner contre la marque comme ce fut le cas pour LCL.
En février 2014, LCL choisit Gad Elmaleh pour incarner son nouveau spot publicitaire et communiquer sur la banque sur un ton léger. Ce dernier, élu 5ème personnalité préférée de l’année en décembre 2013 semblait être un choix sans risque, mais c’était sans compter sur les réactions des internautes qui ont unanimement critiqué le spot, l’humoriste et la stratégie de la banque notamment sur Twitter. Jugé « affligeant », le spot publicitaire de la marque n’a pas eu l’effet escompté et a bien au contraire raviver des commentaires peu amènes sur la banque et l’humoriste.
Et pourtant, bien utilisé, l’humour a de multiples atouts : créer une relation de complicité avec l’interlocuteur, simplifier les messages, aborder des sujets sensibles avec parfois plus de légèreté.
Face à ce flot de commentaires négatifs, LCL a jugé opportun de garder le silence sur ces comptes sociaux et laisser le buzz négatif s’essouffler (ce qui a fini par se produire). L’impact du buzz ayant été plus virulent pour l’humoriste car repris sur de nombreux médias people, Gad Elmaleh a quant à lui décidé de se moquer lui-même de sa publicité durant un de ses spectacles le mois suivant afin de faire retomber légèrement la pression et tourner la situation en dérision.
3. Répondre ou ne pas répondre, telle est la question
Utiliser les médias sociaux pour exprimer son mécontentement et/ou partager son expérience client est devenue chose commune. Beaucoup d’internautes usent de méthodes originales pour se faire entendre et bousculer les marques : création de Tumblr, groupes ou pages sur Facebook, vidéo sur Youtube, dénonçant une situation, exigeant une réponse et/ou appelant au boycott de la marque.
En début de crise, selon les contextes et les besoins exprimés, les marques se doivent d’apporter une stratégie de réponse adéquate tout en gardant en tête que la non réponse peut parfois être également une réponse en soit.
D’un autre côté, l’absence de réponse peut aussi être considérée comme du mépris et raviver le débat. Les marques doivent donc jongler entre deux extrêmes pour se positionner correctement tout en assimilant le fait que ne pas céder aux exigences d’un internaute ne signifie pas ignorer ses remarques.
A l’arrivée de Free sur le marché des opérateurs mobiles en 2012, ses offres de tarifs très compétitives et ses déclarations publiques provocantes, assimilant les opérateurs concurrents à des voleurs et les consommateurs à des pigeons, ont vite fait de provoquer un véritable raz de marée de commentaires négatifs sur les pages Fans de Bouygues Telecom, SFR et Orange. Ces deux derniers avaient d’ailleurs choisis de fermer leur page fans face aux flots d’insultes et de questions en tout genre. Cependant, une action synonyme de censure va parfois encourager un risque de contagion de manière plus importante sur l’e-réputation de l’entreprise et de la marque.
Même dans le cas d’une crise de communication il faut savoir prendre du recul,tenter de régler le problème et s’excuser tout en analysant la gravité de la situation.
A l’inverse de ses concurrents, Bouygues Telecom avait décidé de laisser sa page ouverte et de répondre aux quelques milliers de commentaires négatifs quotidiens. Les armes utilisées par les community managers à cette occasion alliaient empathie et humour afin de :
- rassurer les clients existants en leur démontrant qu’ils restaient à leur écoute pour leur apporter des offres adaptées
- toucher les non clients en mettant en avant la qualité de leur service clients.
En période de crise, il est nécessaire de répondre à l’intégralité des messages émis par les clients si possible car cela démontre une capacité d’écoute et de considération bénéfique à l’image de la marque et à son e-réputation.
Les médias sociaux exigent toujours plus de réactivité, d’expertise et finesse dans le traitement des messages.
Répondre à l’instantanéité qu’exige une présence sur le Web fait désormais partie intégrante d’une stratégie de communication, il est donc nécessaire de savoir comment une marque peut anticiper et gérer une communication de crise sur Internet, le tout en se protégeant des éventuels risques ou maladresses provoqués par une méconnaissance des mécaniques et logiques associées aux médias sociaux.
Bad buzz, gérer une crise sur les médiaux sociaux de Mounira Hamdi et d’Anthony Babkine
Propos recueillis par Alexia Guelte Morot, Responsable Communication Externe de l’Argus de la presse.