Comment faire pour que le monde comprenne l’utilité d’une transformation des plateformes digitales en un développement d’écosystèmes durables ?

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Les plateformes digitales apparaissent comme un levier puissant pour favoriser la transition vers des écosystèmes durables : Reste à accroître la visibilité des initiatives durables, en mettant en avant les pratiques exemplaires et en sensibilisant les consommateurs aux enjeux environnementaux et sociaux...

#ParoledAgence

Les plateformes numériques sont apparues dans le sillage de l’ordinateur personnel, d’Internet et des technologies mobiles. Mais il a fallu attendre l’injonction des problématiques RSE, une demande des consommateurs à s’engager dans la préservation de son environnement, pour favoriser une consommation qui prend en compte les critères du développement durable, collaboratif et responsable.

Nous vivons une époque de transformation radicale de la manière de créer de la valeur en tirant parti des technologies de l’information, de communications, de la connectivité globale, des capacités d’exploitation des données mais aussi une attente forte du collaboratif et de la réutilisation des produits. En repensant globalement leurs processus de création de valeur directement au cœur de ce qui anime notre économie connectée, les plateformes numériques révèlent un nouveau paradigme de l’entreprise moderne.

A l’image des enjeux d’une entreprise à mission tel que BlaBlaBar, Culture RP a souhaité rencontrer Laure Claire et Benoît Reillier respectivement Directrice Générale et Président de Launchworks & Co, et co-auteurs des best-sellers Platform Strategy et Mission BlaBlaCar.

Nous sommes à l’écoute de leur réussite et philosophie liée au sujet de la transformation digitale en devenir et pour le bien de tous…

Trois quarts des Français se disent de plus en plus sensibles aux sujets environnementaux et pensent que les enjeux climatiques sont une priorité. Il est donc urgent que les organisations traditionnelles développent leurs stratégies de plateformes pour compléter leurs activités et orchestrer des écosystèmes durables. 

Laure Claire et Benoît Reillier.

Laure et Benoit, parlez-nous de vos débuts, de votre métier, de vos rencontres qui ont affinés ce qui fait aujourd’hui la spécificité de votre positionnement métier chez Launchworks & Co.

Nous baignons tous les 2 dans la tech depuis nos études en informatique et télécoms au début des années 90. D’ailleurs, nous avons découvert le web à cette époque et seulement quelques semaines après son lancement, il n’y avait à l’époque qu’une poignée de sites ! Nous avons donc réalisé tôt durant notre parcours que ces nouvelles technologies allaient avoir un impact profond, et permettre aux organisations non seulement d’être plus efficaces mais aussi de créer de nouveaux modèles d’affaires… comme les plateformes.

Nous avons beaucoup voyagé dans nos premiers jobs respectifs, de product manager (Laure Claire) et de consultant (Benoit). Puis nous avons travaillé à Londres sur des projets internationaux presque immédiatement après nos études avec des déplacements fréquents dans le monde entier. Nous avons eu une visibilité privilégiée sur les plateformes digitales innovantes qui semblent réécrire les règles du management. Par la suite, nous avons travaillé directement pour des sociétés comme eBay (Laure) et Visa (Benoit) et sommes devenus très familiers avec ces modèles innovants de plateformes.

Conscients du potentiel de ces nouveaux modèles d’affaires, nous décidons de monter Launchworks & Co en 2013, un cabinet d’experts spécialisé dans les plateformes digitales et les écosystèmes durables. D’anciens collègues, d’eBay, de Paypal et d’autres plateformes nous rejoignent alors. À nos débuts, on nous disait souvent, “Votre spécialisation dans les plateformes et les écosystèmes est de niche quand même !”… Mais seulement quelques années plus tard,  8 des 10 plus grosses sociétés du monde sont des plateformes qui orchestrent des écosystèmes globaux.

L’intérêt d’une plateforme croît mécaniquement grâce au bénéfice des produits présentés, à l’agrégation du réseau, de la valeur pratique, utile et économique qui relie, chacun, à tous les autres. Pourquoi ces plateformes digitales peuvent-elles aider les entreprises à adopter des comportements plus responsables, non pas comme un modèle figé, mais bien comme un désir d’avenir responsable et actionnable par tous ?

Fondamentalement, une plateforme crée de la valeur en attirant, mettant en relation, connectant différentes communautés pour leurs permettre de faire des transactions. Les plateformes bénéficient d’effets de réseaux : lorsqu’un nouveau membre rejoint la plateforme, la valeur du service augmente pour tous les participants car cela offre du choix. Une plateforme de covoiturage comme BlaBlaCar n’aurait pas grande utilité s’il n’y avait qu’un conducteur disponible ! Mais dès lors qu’une “masse critique” de conducteurs peut être connectée à une “masse critique” de passagers, il se passe quelque chose de magique. La plateforme permet alors de faire émerger une offre et demande autrefois fragmentées et invisibles, dans un environnement de confiance.

Au-delà de l’exemple du co-voiturage, de nombreux secteurs se prêtent au partage, à la réutilisation, au recyclage ou au don de biens et ressources existants. Quelques exemples de plateformes de l’économie circulaire : Too Good To Go, Olio, Phenix, luttent contre le gaspillage alimentaire (près d’un tiers de la nourriture produite globalement est gaspillée ) ; Vinted, pour la vente de vêtements, BackMarket, Refurbed, pour le reconditionnement d’appareils électroniques ou encore des plateformes généralistes comme leboncoin ou eBay pour presque toutes les catégories de produits de seconde main.

Parlez-nous de votre expérience, des enjeux attendus et réalisés pour BlaBlaCar. Quel plus beau souvenir gardez-vous et pour quelle vision transposable dans le futur ?

BlaBlaCar est aujourd’hui un réseau de transport à part entière en France (avec plus de 60% des 18-35 ans inscrits sur BlaBlaCar), et 100 millions d’utilisateurs dans le monde. Frédéric Mazzella et l’équipe de BlaBlaCar peuvent être fiers d’avoir su passer le modèle à l’échelle. Un célèbre investisseur de la Silicon Valley, Vinod Khosla, dit que si « on ne passe pas à l’échelle, ça ne sert à rien. « If it doesn’t scale, it doesn’t matter ».

Beaucoup de clients nous demandaient d’ailleurs comme on passe d’une feuille blanche à une plateforme globale et c’est ce qui nous a décidé à écrire “Mission BlaBlaCar” avec Fred. Le livre est facile d’accès et raconte l’histoire de Fred et BlaBlaCar mais aussi celle de nombreuses organisations qui ont relevé des défis similaires. Enfin nous avons synthétisé les méthodes de management dans des fiches en fin d’ouvrage pour aider entrepreneurs et porteurs de projets dans leur aventure…

Une des anecdotes du livre la plus marquante est celle du témoignage d’une certaine Laure dont le neveu a été sauvé grâce à une greffe de moelle… et qui envoie un mail de remerciement à Fred et son équipe car c’est via BlaBlaCar que le transport rapide a été possible !

Quels conseils donneriez-vous à une jeune startup qui souhaiterait créer un modèle de plateforme en mettant la consommation collaborative au centre des attentes des utilisateurs en prenant en compte des outils innovants pour partager des biens, des compétences ou des connaissances ?

  • Commercer petit pour pouvoir tester et itérer facilement, mais avec une idée ou un concept qui a un vrai potentiel de mise à l’échelle et un impact de long terme.
  • Établir la confiance dans le concept, la plateforme, et entre les participants.
  • Trouver un modèle économique durable, même si cela peut nécessiter pas mal d’itérations (il en faudra 6 à BlaBlaCar).
  • Bien réfléchir à la transaction clé qui est la raison d’être de la plateforme, développer des propositions de valeur pour attirer les différents participants de l’écosystème, trouver le meilleur moyen de connecter les participants et de les mettre en relation…
  • Nous avons d’ailleurs développé le “modèle de la fusée”, dont nous parlons dans nos ouvrages Platform Strategy et Mission BlaBlaCar, et nous avons même une bande dessinée gratuite pour aider les lanceurs de plateformes!

Faciliter la mise en place de modèles économiques circulaires, en favorisant la réutilisation, la réparation et le recyclage des produits et des matériaux est-ce la seule proposition durable à mettre en place rapidement ou en existe-t-elle d’autres qui viendraient s’ajouter à la structuration des offres internationales qui dans un marché global peut être pris en compte ou pas ?

Ultimement, il va nous falloir apprendre à utiliser de manière plus efficace les biens et ressources qui nous sont disponibles. Les plateformes peuvent aider à ça de plusieurs manières. En termes de modèle de pensée d’abord, car les plateformes permettent d’orchestrer des écosystèmes en alignant les contributions de nombreux participants de manière circulaire, là où les chaînes de valeur linéaires traditionnelles se contentent de produire et distribuer (et jeter).

Cette réflexion circulaire amène d’ailleurs à revoir de nombreux processus de fabrication. Pour les vêtements par exemple : utiliser des fibres plus durables et recyclables, s’assurer de la qualité pour que les vêtements durent plus longtemps, signaler clairement leur composition pour aider au tri et recyclage, localiser des processus de fabrication de manière responsable, etc. Mais ce n’est pas suffisant. C’est bien la combinaison des chaînes de valeur linéaire (amélioration des processus de production) et des plateformes (amélioration de l’utilisation, recyclage etc.) qui va être importante pour nous faire progresser.

Les plateformes permettent aussi aux acteurs de se coordonner globalement, et de créer des espaces d’échanges, d’achat et de vente de crédits carbone au niveau mondial. Il faut évidemment avoir une gouvernance claire mais ces modèles restent une des pistes les plus prometteuses pour finalement converger vers des prix de ressources plus proches de la réalité et du véritable coût pour la planète et ainsi donner à tous les incitations de consommation responsables. Des initiatives privées d’acteurs comme Salesforce (Net Zero Marketplace) complètent des initiatives publiques comme la plateforme de l’Union Européenne (Emission Trading System).

Comment travailler, accompagner la communication des marques pour que chacun des écosystèmes, entreprises et consommateur puissent répondre à leur engagement durable, solidaire et responsable.

C’est une question intéressante, nous encourageons nos clients à traduire leurs activités en Mission, idéalement ambitieuse, mobilisante et à impact. Ainsi, au lieu de vendre des médicaments avec des objectifs de revenus, une entreprise pharmaceutique se donne la mission “d’éradiquer le diabète”. Au lieu de vendre des outils et matériaux pour faire des travaux, une organisation permet à ses clients de “construire l’habitat durable de leurs rêves”.

Ces Missions vont souvent au-delà des produits et services offerts aux clients et nécessitent donc l’engagement d’un écosystème tout entier. Il est donc important d’identifier les autres acteurs de l’écosystème et potentiels partenaires et les rôles qu’ils peuvent jouer. C’est aussi à ce moment qu’il devient important de pouvoir développer des modèles de plateformes pour orchestrer les différentes communautés qui composent l’écosystème de partenaires. Ainsi, dans l’exemple des travaux, ce sont les artisans, plombiers, électriciens, etc. qui collaborent avec Leroy Merlin, au travers de sa plateforme de services, pour offrir un habitat durable et réaliser les rêves des clients.

C’est alors en “équipe”, et autour de ces Missions fédératrices, que les marques et leurs communautés peuvent mieux se coordonner et communiquer leurs visions. Les narratifs les plus puissants et mobilisant se cristallisent autour de ses Missions et des écosystèmes qui s’en emparent plutôt qu’autour des objectifs de performances ou des produits d’une entreprise particulière.

Les pratiques exemplaires, la sensibilisation des consommateurs aux enjeux environnementaux et sociaux est-il suffisant ?

Non, il faut aller au-delà. Il faut aider les consommateurs à passer de la sensibilisation à l’action.
Mais si la sensibilisation reste loin d’être suffisante, elle est néanmoins nécessaire, et doit s’adresser à toutes les générations. Contrairement à certaines idées reçues, les Gen Z ne sont pas unanimement verts… et leurs comportements de consommation suggèrent souvent une préférence pour la Fast Fashion comme Shein plutôt que pour le “pre-loved”. Des partenariats média comme ceux entre eBay et Love Island (au Royaume Uni) sont donc importants pour rendre les comportements pro-environnementaux “cool” aux yeux de ces nouveaux consommateurs.

Si vous aviez un conseil à donner aux DirMarCom, quel serait-il ?

Encourager votre organisation à trouver sa Mission, à identifier les acteurs clés de l’écosystème qui vont vous aider à la réaliser. Et ainsi libérer le potentiel de vos communautés. C’est un exercice difficile mais nécessaire qui porte ses fruits sur le long terme. Nos travaux sur les plateformes montrent que les marques qui résonnent le mieux au niveau de l’écosystème sont celles qui sont créatrices de confiance pour tous les acteurs (plutôt que juste les clients). Ainsi BlaBlaCar doit attirer les conducteurs et les passagers dans son écosystème, sa communication doit donc être adaptée à ces deux communautés. Par définition, tous les écosystèmes ont des communautés différentes et complémentaires qui doivent se retrouver dans la communication.

Les approches de court terme de type “Greenwashing” sont une perte de temps qui finissent par décrédibiliser les organisations et les empêchent alors de participer aux vrais écosystèmes à Mission qui émergent.

Bio :

Laure Claire Reillier : est DG de Launchworks & Co. Laure Claire a travaillé auparavant pour eBay, où elle était chargée de l’équipe européenne pour les vendeurs. Elle a aussi travaillé pour des start-ups et corporates comme BT, IBM & Inmarsat. Elle est l’une des 7 experts mondiaux en plateformes et écosystèmes du World Economic Forum et enseigne à l’ESCP Europe.

Benoit Reillier : dirige le cabinet d’experts Launchworks & Co spécialisé dans le développement de modèles d’affaires innovants comme les marketplaces, plateformes et écosystèmes. Il a conseillé les équipes dirigeantes de nombreuses sociétés dans les nouvelles technologies ces 20 dernières années. Benoit intervient aussi régulièrement sur les stratégies de plateformes et d’écosystèmes dans les programmes de grandes écoles de commerce comme HEC Paris ou Berkeley.

Lien : Le livre – Mission BlaBlaCar

Auteur : Frédéric Mazzella , Laure Claire Reillier , Benoît Reillier.
Mission BlaBlaCar, Les coulisses de la création d’un phénomène – Ed Eyrolles.

Comment la startup BlaBlaCar a-t-elle réussi à convaincre les sceptiques, et à s’imposer sur trois continents, du Brésil à la Russie ?

Vous aussi, activez le mode Mission !

Mission BlaBlaCar – Les coulisses de la création d’un phénomène -… – Éditions Eyrolles (editions-eyrolles.com)

Marc Michiels

Marc Michiels

Rédacteur en chef Culture RP, Content Marketing et Social Média Manager : « Donner la parole à l’autre sous la forme d’une tribune, une interview, est en quelque sorte se donner à lire ; comme une part de vérité commune, pour qu'apparaisse le sens sous le signe… ». / Retrouvez-moi sur LinkedIn

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