#ParoledExpert
Méthodologie, relation avec le client, informations recherchées, tendances observées… La crise sanitaire a engendré des mutations sans précédent pour les professionnels des études. Retour sur cette année pleine de challenges avec les regards croisés de Delphine Cohen, fondatrice de Tell Me More, agence spécialisée en études marketing via des approches immersives et collaboratives, et Pauline Antoine, Responsable du pôle Market Intelligence de Cision Insights.
La valeur centrale de l’année écoulée et de celles à venir nous semble être celle du « care » qui se concrétise par des actions engagées, une relation client optimisée, notamment par le renforcement de l’écoute client, des petites attentions, de la personnalisation de l’expérience (qu’elle soit digitale ou physique) …
Delphine Cohen, fondatrice de Tell Me More.
En quoi la pandémie et les différents confinements ont-ils modifié le métier et les méthodes de travail ?
Delphine :
Bien-sûr, le contexte sanitaire a accéléré la digitalisation des pratiques avec des approches en face à face qui ont été converties online, comme les focus groupes ou les workshops.
Chez Tell Me More, nous avions déjà digitalisé un certain nombre de nos approches telles que les communautés de clients online, mais pour les workshops par exemple, il a fallu se réinventer et maîtriser de nouveaux outils tels que Mural (un grand tableau blanc interactif et personnalisable) mais aussi repenser nos façons de faire. En termes d’animation par exemple, nous ne pouvions plus organiser des sessions de travail collaboratif sur une journée entière. Il a fallu séquencer, échelonner les livrables, travailler en sous-groupe entre les sessions…
Pauline :
De notre côté, nous étions déjà équipés pour le télétravail. Il n’y a donc pas eu de bouleversement majeur, que ce soit dans l’organisation au quotidien ou dans les outils utilisés. L’enjeu principal a été d’intégrer et de former les nouveaux collaborateurs à distance, sans l’habituelle émulation collective de l’open space. 🙂
En parallèle, le rachat de Brandwatch par Cision en juin dernier a représenté un challenge particulièrement passionnant. Nous avons très rapidement pris en main l’outil et commencé à explorer le potentiel que nous offre la plateforme pour récolter les data directement issues des conversations des consommateurs et les analyser.
Et côté client ?
Delphine :
Côté client, il a fallu rassurer sur la pertinence de certaines méthodologies réalisées à distance comme les focus groupes ou les études ethnographiques. En effet, certains clients se sont retrouvés face à une urgence de comprendre les changements en cours pour anticiper les comportements de demain à la fois sous l’angle sociétal, mais également sous l’angle émotionnel et comportemental. Pour cela, seule une approche ethnographique nous apparaissait pertinente. Mais là encore il a fallu s’adapter pour réaliser cette approche en distanciel. Nous avons donc développé sur certains projets des approches d’auto-ethnographie filmées couplées à des entretiens individuels à distance qui nous ont permis de mettre en lumière les croyances, les comportements, les nouvelles attentes des consommateurs sur certains sujets dans le domaine de la cosmétique ou de l’alimentaire.
Par ailleurs, nos clients étaient en attente d’une vision plus prospective des analyses de tendances par exemple. Nous avons donc développé une approche de veille, qui peut se faire en collaboration avec certains acteurs comme le groupe Cision, et qui nous permet d’avoir un regard tourné en permanence vers les nouvelles tendances et l’innovation, notamment dans le domaine de l’expérience client. Nous publions d’ailleurs depuis novembre 2020 un à deux articles par mois sur notre blog autour de ces sujets, que nous relayons sur les réseaux sociaux. Depuis un mois, une version podcast est également disponible !
Aujourd’hui, certains de nos clients ont retrouvé le goût des échanges en face à face, mais d’autres ont déjà ancré les approches digitales dans leurs pratiques… d’autant plus que bon nombre de nos clients travaillent aujourd’hui en remote, et n’ont plus forcément l’envie ni la capacité de se déplacer.
Pauline :
La situation a été particulièrement compliquée à gérer pour certains de nos clients. (Chômage partiel, réductions budgétaires, impact fort de la crise sur l’activité voire sur la pérennité de l’entreprise…). Tout naturellement, nos clients ont été davantage en demande d’accompagnement humain. Après une phase de sidération, ils se sont rendu compte qu’ils avaient plus que jamais besoin qu’on les éclaire et ne pouvaient se passer d’informations sur leur marché, leur environnement concurrentiel, les innovations, et surtout les attentes des consommateurs.
Nous avons ainsi été confrontés à un afflux de demandes : à la fois pour gérer le flou et l’incertitude, mais aussi pour faire le tri et sélectionner les insights les plus pertinents dans la masse d’informations qui nous a tous submergés. Nous avons su nous adapter et leur proposer des solutions :
- ajustement des prestations,
- ajout d’axes de veille spécifiques pour répondre à leurs nouveaux besoins informationnels,
- réalisation d’études de marché ou de notes de synthèses complémentaires…
C’est comme si, paradoxalement, la distance avait créé davantage de proximité !
Quelles sont les tendances que vous voyez émerger ?
Pauline :
On observe une accélération qui vient finalement confirmer le mouvement déjà à l’œuvre avant la crise. (Notamment l’orientation de la consommation vers le local, l’aspiration à davantage de sens et d’éthique…)
Autre constat, le consommateur est remis au centre des enjeux. Ainsi, certains acteurs spécialisés dans les services aux entreprises ne peuvent plus se contenter d’étudier simplement la cible BtoB comme ils le faisaient auparavant. Un fournisseur de mobilier de bureau, un acteur du tourisme d’affaires, un éditeur de logiciel de notes de frais ou encore un spécialiste de la restauration collective ne peuvent passer à côté des nouveaux modes de consommation induites par le télétravail et doivent couvrir un spectre plus vaste, élargir leur vision pour prendre leurs décisions stratégiques.
Delphine :
Comme le dit très justement Pauline, ce que nous vivons est une accélération de tendances déjà émergentes avant la crise. Le télétravail, les achats en ligne, les aspirations à davantage d’éthique et de transparence de la part des marques étaient déjà des problématiques très présentes avant le Covid. Nous entrons maintenant dans ce que certains marketeurs appellent l’ère du « new normal ». Mais cela ne pourra se faire sans une redéfinition des valeurs, des missions de l’entreprise ou de la marque-employeurs face à ses clients, ou collaborateurs.
Comme nous le développons dans un de nos articles, la valeur centrale, le véritable combat de l’année écoulée et de celles à venir nous semble être celle du « care » qui se concrétise par des actions engagées, une relation client optimisée notamment par le renforcement de l’écoute client, des petites attentions, de la personnalisation de l’expérience (qu’elle soit digitale ou physique) …
En conclusion, nos clients sont en forte demande de prospective. Notre rôle est de les accompagner, de les aider à prendre des décisions éclairées, tout en acceptant que certaines incertitudes resteront impossibles à lever et que cette part d’inconnu ne doit pas empêcher le passage à l’action.
Agence TELL ME MORE : https://www.tellmemore.agency/