Tanja Noureau, vous êtes consultante e-réputation et gestion de crise au sein du cabinet Bolero. Pouvez-vous nous présenter votre métier, ses spécificités et impératifs ?
Mon métier consiste à surveiller la réputation de mes clients en temps réel sur internet. Je dois veiller à la fois les médias et les réseaux sociaux, analyser la situation à chaque événement et faire des rapports à mes destinataires dès que nécessaire. C’est un métier qui demande beaucoup de réactivité et de vivacité d’esprit : il faut savoir identifier les potentielles crises assez rapidement et fournir une bonne analyse en un temps réduit. De plus, il faut souvent savoir être flexible sur les horaires… la crise ne se limite pas aux horaires de bureau.
Vous travaillez notamment pour le compte de la SNCF et de Transilien, où la gestion de crise est une éventualité permanente. Comment peut-on anticiper au mieux les crises dans ce secteur d’activité et quel est l’apport d’un analyste dans cette configuration ?
Avoir une bonne visibilité sur le web est dans un premier temps indispensable : il est nécessaire d’avoir une vue exhaustive sur les discussions en ligne en temps réel mais aussi sur les médias, à l’aide de logiciels dédiés. Ensuite, il faut être à l’écoute de ce que disent les internautes : ce sont eux qui expliquent leurs points de crispation, et les écouter permet d’adapter au mieux la réponse qui sera fournie.
C’est là que l’analyste intervient : dans une crise, les volumes sont parfois très importants, surtout dans le secteur des transports, et il est important de savoir faire la part des choses et hiérarchiser les éléments. L’analyste va se poser les bonnes questions au bon moment : qu’est-ce qui est le plus important actuellement pour les internautes ? quels sont les arguments avancés ? quelle communauté s’exprime ? quelles sont les divergences au sein de ces communautés qui prennent la parole ? Etc… En définitive, l’analyste est comme un prisme à travers lequel l’entreprise va regarder la crise : il met en ordre les éléments, évite que le client soit noyé sous l’information et lui permet de comprendre ce qu’il se passe.
Au-delà d’une volumétrie d’alertes recensées sur les réseaux sociaux, comment appréciez-vous la connotation de celles-ci ?
L’analyse qualitative dépend quasi exclusivement de la compétence l’analyste et de sa capacité à rester neutre. C’est là toute l’importance d’avoir un analyste de qualité et expérimenté. Il va lire, apprécier la tonalité des messages émis, et croiser les informations si nécessaires avec d’autres sources afin d’avoir l’analyse la plus fine possible de l’opinion sur un sujet donné à un instant T, sans tomber dans l’interprétation. Il doit également être capable de suivre l’évolution de cette opinion dans le temps et de comprendre pourquoi elle change : un influenceur a-t-il pris la parole ? un média influent a-t-il publié un article ? un événement a-t-il eu un impact particulièrement négatif ? Il ne suffit pas de donner des éléments empiriques, il faut à chaque fois expliquer pourquoi on affirme quelque chose, notamment avec des exemples voire des verbatims, pour que le client puisse réagir de la façon la plus adéquate possible auprès de son public.
Dans une période où l’omniprésence des outils est réelle, où les insights sont les maîtres mots, on constate toutefois que l’humain conserve toute son importance, notamment en ce qui concerne l’analyse et la prospective. Comment pensez-vous que votre métier va évoluer dans les 5 ans à venir ?
Pour en venir au fait, je pense que jamais un logiciel ne sera capable de remplacer l’analyse d’une personne formée et spécialisée, même avec les évolutions de l’intelligence artificielle. De toute façon, l’intelligence artificielle aura un coût et ce dernier sera en incohérence avec les budgets des entreprises pour ce type de mission. La tendance, c’est justement des outils plus performants pour un coût moins élevé, capables de s’adapter aux caprices des maisons mères des réseaux sociaux (Twitter qui coupe son API par exemple, suivi de Facebook).
Dans les 5 ans à venir, je pense que mon métier prendra de l’importance au vue de la surmédiatisation de notre société. En quelques années, les volumes ont plus que doublé sur Twitter par exemple. Les entreprises s’adaptent et ont une réelle volonté d’adopter ces nouveaux codes mais ont souvent du mal à y voir clair.
Tanja Noureau : Après une prépa en lettres supérieures et une licence et un master en Histoire Militaire, puis un stage au Ministère de la Défense en 2013, Tanja s’est d’abord spécialisée dans la défense pour ensuite mettre ses compétences au service de secteurs plus généralistes. Cette volonté a été confirmée par une année passée au sein de l’Ecole de Guerre Economique en 2014. Tanja mène actuellement de front une carrière dans le privé au cabinet Bolero et une carrière de réserviste en tant qu’analyste influence.
Carole Mazurier, Responsable Communication Externe de l’Argus de la presse / Linkedin / @Argusdelapresse / @CultureRP