#ParoledExpert
La co-construction, gage d’une feuille de route en ligne avec la nécessité d’un nouveau contrat de valeur de la part des marques.
Anne Vulliez, spécialiste de l’identité et des contenus de marque.
Du lien à défaut de contact
A l’ère du sans contact, du télétravail, à un moment où la distanciation sociale se durcit, nous avons plus que jamais besoin de (re) créer du lien. Nous, en tant que citoyen mais aussi en tant que collaborateur et consommateur. Nous, en tant qu’individu multiple et c’est là toute la complexité à laquelle nous devons faire face, nous communicants : continuer à imaginer des dispositifs qui aient du sens au regard des attentes et fragilités de nos parties prenantes.
Mais à force de chercher du sens, cette quête du Graal qui s’impose désormais partout, ne risque-t-on pas de tourner en rond ?
A la recherche ambitieuse de sens, je préfère la sincérité d’un discours de marque modeste.
La période que nous vivons est tellement inédite qu’elle ne nous offre même pas ces datas si précieuses pour piloter nos campagnes de communication. Et pourtant nos habitudes et par la même nos envies changent.
Après la sidération et la prise de conscience, nos comportements évoluent. Ils évoluent vers une consommation qui cherche à transformer plus qu’à détruire. Ce fameux « monde de demain » mais demain ne va pas s’inventer tout seul. A nous communicants de l’implémenter. Ou plutôt d’intégrer les tendances qui existaient dans le « monde d’avant » et qui se sont accélérées.
Alors il nous faut retrouver le chemin de l’échange avec notre écosystème, malgré cette distanciation sociale qui semble vouloir s’installer.
Peut-être est-il temps d’accepter nos vulnérabilités face à un avenir que nous ne maitrisons pas, en tous cas à court terme. Et amorcer un changement de posture, plus humble.
La co-construction, gage d’une feuille de route revisitée
La posture comptera désormais autant que les actes et l’organisation post crise va devoir développer des soft skills telles que l’empathie et l’authenticité, afin d’être encore plus à l’écoute de ses publics, et de développer une relation davantage humanisée avec ceux-ci.
Quelle période improbable pour la gouvernance, dont le rôle historique est de savoir et de prendre des décisions rationnelles. La crise va l’amener à reconnecter avec ses émotions pour mieux appréhender l’incertitude.
En effet, nos décisions sont à 80% guidées par nos émotions, la raison ne participant qu’à hauteur de 20% de notre processus décisionnel. C’est dire le panel qui s’offre à nous, de l’enthousiasme absolu au pessimisme le plus profond. D’où le nécessaire retour aux fondamentaux de la relation humaine.
Pour ma part, je suis persuadée qu’il faut sortir des logiques Business to Business, Business to Consumer, Business to Business to Consumer au profit d’une approche « Business to Human », un humain mû par des émotions, un humain qui a besoin d’écoute et de reconnaissance.
Plus que jamais la gouvernance a la possibilité de sortir de son rôle de sachant pour co-construire la suite avec ses équipes et son écosystème.
Orange avait bien compris cette nécessité en définissant sa raison d’être avec tous ses salariés et en consultant ses parties prenantes, qu’il s’agisse des partenaires sociaux, des administrateurs, des ONG, des Thinktanks, des clients, des élus, des sous-traitants ou des investisseurs. L’incarnation de sa philosophie #HumanInside.
Quant au clivage secteur non marchand versus secteur marchand, secteur dédié au sens versus secteur dédié au non-sens, force est de constater que les lignes bougent. Beaucoup. Et nous invitent à capitaliser sur nos bonnes pratiques… collectivement. C’est d’ailleurs le sens du 17e des objectifs de développement durable pour la planète (ODD) définis par les Nations Unies à l’horizon 2030 : construire des partenariats inclusifs entre les gouvernements, le secteur privé et la société civile.
Un nouveau contrat de société
Le contexte sanitaire invite les marques à repenser leur rôle dans la société car elles vont être évaluées en fonction de leur capacité à répondre à un besoin collectif sur le plan économique mais également sur le plan écologique et social.
A nous communicants de les y aider en multipliant les terrains d’expérimentation.
Du côté des clients d’abord, qui eux aussi ont besoin d’être écoutés et surtout entendus. Et c’est une formidable opportunité pour l’entreprise de mieux comprendre la création de valeur attendue.
A l’image de Carrefour qui mise tout sur l’expérience client.
Dès sa prise de fonction en tant que Directeur Carrefour France, Rami Baitièh diffuse son adresse mail sur le site de l’entreprise. Une façon de dire aux clients : écrivez-moi. Et de collecter les réclamations à traiter en priorité. Satisfaire le client est bel est bien la base de la méthode testée dans l’hypermarché d’Ormesson, axée sur trois fondamentaux : la confiance, le service, l’expérience. Et pour incarner cela, le directeur a choisi d’installer son bureau, ouvert… à l’entrée du magasin. La vue à défaut du toucher, tout un symbole !
Même Burger King questionne la notion de compétition en encourageant ses clients à utiliser la livraison à domicile… auprès de ses concurrents. Au lendemain du reconfinement, le géant américain incite effectivement les français à soutenir le marché de la restauration rapide, en difficulté depuis plusieurs mois : « Aujourd’hui, les restaurants qui emploient des milliers de salariés ont aussi besoin de votre soutien ». Une habile façon de jouer collectif.
Je crois également beaucoup aux vertus de l’UGC (User Generated Content) qui consiste à encourager la production de contenus par les utilisateurs de la marque certes, mais aussi par ceux qui la façonnent, les collaborateurs. En effet, qui mieux que ceux qui vivent la marque au quotidien peuvent parler des transformations induites par ses produits et/ou services ?
Il s’agira ensuite d’incarner ces nouveaux récits de coopération qui vont jusqu’à questionner la notion de marque au profit de la notion d’écosystème. Et si nous parvenons à consolider ce lien avec nos parties prenantes, autour d’un nouveau contrat de valeur, basé sur des actions concrètes, alors nous aurons su transformer cette crise sanitaire en opportunité.