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Dans un contexte où les contacts étaient soit limités, soit à distance, la séparation soudaine avec les autres a impacté la vie sociale de beaucoup d’individus. Après un temps de sidération, la période post-crise a fait place à une nouvelle période de questionnements sur ce que désirent vraiment les Français en termes de lien, qu’ils soient consommateurs, salariés ou entreprises.
Le partenariat entre Cision Insights, l’Institut d’études du groupe Cision, et l’AFRC se poursuit cette année avec la parution de quatre études trimestrielles sur le thème du « lien ». Après un premier volet sur les nouvelles formes du lien entre les consommateurs et les marques malgré la distance en novembre 2021, la deuxième analyse sur l’évolution post-crise des liens entre les salariés et les entreprises est l’occasion de revenir sur les grands enseignements de ces deux enquêtes.
Quelles sont les nouvelles attentes qui ont émergé durant la crise de la part des consommateurs et des salariés ? Comment les entreprises se réinventent-elles pour satisfaire les besoins relationnels de leurs clients et de leurs collaborateurs ?
Le lien digital : un outil suffisant ?
Le premier réflexe adopté par les entreprises pour maintenir le lien avec les consommateurs et les salariés a été d’accélérer leur digitalisation. Cette solution a démontré à bien des égards son utilité pour préserver les échanges entre les individus lors des confinements et a amélioré l’expérience consommateur et l’expérience salarié dans un contexte post-crise. Les outils digitaux ont aidé à maintenir un lien de fidélité et de satisfaction des consommateurs avec les marques grâce aux canaux traditionnels, renforcés par le développement des réseaux sociaux.
Côté salarié, le cadre plus strict du bureau s’est effacé au profit du télétravail : cette réorganisation digitalisée a permis aux collaborateurs de conserver le lien relationnel avec leurs collègues et leur entreprise à distance. Le télétravail leur a également apporté une amélioration de leur qualité de vie au travail : 83% des salariés à distance estiment avoir gagné en autonomie et 78% en équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
Les télétravailleurs ont également constaté les défaillances du travail 100% digital : l’absence de contacts directs avec leurs collègues a entraîné une baisse de la motivation et de la fidélité pour une partie d’entre eux. Depuis le début de la crise, 31% des salariés se sentent moins attachés à l’entreprise et 41% estiment que la crise influe sur l’engagement. Le sentiment d’isolement a d’autant plus pénalisé le bien-être chez les jeunes en entreprise, alors qu’il s’agit de la catégorie de salariés la plus attachée aux valeurs de son employeur en période post-crise. Les moins de 30 ans considèrent l’entreprise comme une réelle communauté humaine : 55% déclarent venir au bureau pour la vie sociale, mais 34% confessent qu’il leur arrive souvent de se sentir isolés.
Post-crise : le lien d’une expérience, un équilibre sur-mesure entre humain et digital
Les mesures d’éloignement ont fait évoluer les priorités des individus et ont in fine accéléré le développement d’un nouveau besoin : les Français souhaitent que les marquent leur proposent une expérience consommateur et/ou salarié sur-mesure. D’une part, les consommateurs recherchent au-delà du produit acheté des émotions à vivre et à partager pour nouer une relation unique avec leur marque préférée. Pour y parvenir, les entreprises doivent déployer une expérience digitale à la fois conversationnelle et personnalisée et multiplier les canaux d’échanges pour diversifier les moyens d’interactions avec leurs clients.
D’autre part, les salariés veulent également bénéficier d’une expérience de travail unique qui répond à leurs besoins individuels. Ils n’ont pas expérimenté le travail à distance de la même manière, et certains ont même été les témoins de situations inégalitaires causées par la crise sanitaire : inégalités entre les collaborateurs en télétravail et ceux qui ne l’étaient pas, entre ceux qui étaient équipés en conséquence et ceux qui n’avaient pas ce confort, entre ceux qui vivaient seul et ceux à plusieurs, etc.
Les besoins relationnels avec l’entreprise ont varié selon le vécu du travail à distance et la vie personnelle de chacun. 34% des collaborateurs déclarent vouloir bénéficier d’un fonctionnement « à la carte », où ils viennent travailler sur place quand ils le souhaitent. 30% appellent à un retour en présentiel, le télétravail étant l’exception, alors que 25% ont envie de disposer du télétravail généralisé avec des temps de collectif en entreprise. La digitalisation a changé leur regard sur l’organisation du travail, les collaborateurs veulent ancrer cette expérience de travail hybride et innovante mais à condition qu’elle soit sur-mesure.
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Placer l’entreprise comme centre convergent des liens
La crise sanitaire a ébranlé les repères dans la vie des consommateurs et des salariés. Dans ce contexte incertain et plein de doutes, les consommateurs ont renforcé leur vigilance à l’égard des entreprises : 72% se disent être plus attentifs aux valeurs et aux engagements des marques depuis le début de la crise. Les entreprises doivent en réponse servir de boussole en incarnant une culture d’entreprise forte pour fédérer. Celles qui réussissent ce défi consolident le lien de confiance et d’appartenance avec leurs clients et deviennent le pivot d’une communauté réunie autour de valeurs communes.
Côté salarié, les repères ont également évolué avec la distance pour ceux en télétravail. D’une part, les salariés ont salué le rôle du manager : en s’adaptant au présentiel/distanciel, il a su conserver un lien de confiance et de cohésion avec les membres de son équipe. 70% des collaborateurs pensent que les managers ont su adapter leur manière de manager en télétravail et 40% trouvent que leur rôle a évolué vers plus d’accompagnement.
D’autre part, le sens du bureau dans l’esprit des collaborateurs à distance a lui aussi évolué. Il est devenu le lieu où (re)vit le lien du collectif et de l’engagement : 52% des collaborateurs prennent conscience que le retour sur site entraîne le renforcement du lien social et de l’esprit d’équipe. Et 56% des télétravailleurs se sentent plus engagés sur site. Certains veulent aller plus loin en transformant les fonctions du bureau : plus qu’un lieu de travail, ils souhaitent disposer d’un espace où s’exprime le lien de la connaissance et du partage. 46% des salariés veulent trouver dans leurs locaux un endroit où l’on sent faire partie de l’entreprise. Et 17% demandent des espaces dédiés à la formation, au partage d’expérience.
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Entreprise : être en tête de file
Les entreprises ont pris conscience des risques que représente la distance dans les relations avec leurs collaborateurs ainsi que de leur propre rôle dans la pérennisation du lien avec eux. 88% des DRH reconnaissent que le télétravail implique moins d’interaction sociale et de sentiment d’appartenance à l’entreprise. Et 88% qu’il y a moins de cohésion. Pour lutter contre le désengagement, certains entreprennent des initiatives pour réamorcer le sens du collectif. 75% envisagent de mettre en place des moments conviviaux communs pour maintenir ou renforcer le lien.
Toutefois, les marques doivent également réaliser que leurs salariés ont aussi besoin de sentir faire partie de leur entreprise, même lorsqu’ils ne sont pas au bureau, et de partager des valeurs communes avec leur employeur. Par conséquent, la révision de l’organisation de travail vers un cadre plus hybride ne suffit pas pour maintenir le lien corporate avec les salariés et garder une cohésion générale. Les entreprises doivent aller plus loin en incarnant elles-mêmes le lien. Pour fédérer, elles doivent donner du sens, donner un objectif commun pour embarquer tous les collaborateurs et devenir une sorte de « fil d’Ariane » qui guide et unit les salariés, qu’ils soient à distance ou au bureau.
Conclusion : crise de liens ou opportunité ?
La notion de « crise » a surgi dans le quotidien des Français et a inondé le quotidien d’une aura négative, presque asphyxiante. Pourtant, les racines du mot ne sont pas synonymes d’une aggravation soudaine comme on le perçoit majoritairement aujourd’hui. Le mot « crise » puise ses origines dans l’Antiquité grecque : κρίσιϛ /krisis/ veut dire « décision » et « jugement ». Il est de la même famille que le verbe κρίνω /kri-nô/ qui désigne l’action de « séparer, trier, choisir ». Le sens originel du mot « crise » invite à prendre une décision, à engager une rupture, à faire un tri salvateur pour trancher. Il s’agit d’un geste initiateur qui a pour finalité d’impulser une vitalité nouvelle.
Autrement dit, la crise de liens que vivent les individus peut être interprétée comme une opportunité pour repartir sur de nouvelles bases. Comme dans le mythe d’Hercule, les Français se retrouvent à la croisée des chemins : ils ont le choix entre emprunter une route de facilités qui se manifeste par un retour aux habitudes d’avant, ou bien de se diriger vers une voie plus difficile qui aura pour but d’ancrer des changements bienfaiteurs au fil des années.