Matière à réflexion : Bernard Petitjean et Corinne da Costa – Seprem Etude & Conseil
Comme l’invention de l’imprimerie, Internet est à l’origine de transformations radicales des modes de production et d’accès à l’information et aux contenus culturels. Faut-il pour autant parler de « révolution numérique », comme si tout ce qui naissait de cette « révolution » était entièrement nouveau et tout ce qui existait avant était voué à disparaître ? L’analyse de l’évolution des pratiques culturelles sur 15 ans permet clairement de répondre par la négative.
Le ministère de la Culture et de la Communication vient de réaliser une synthèse des 5 enquêtes sur les « Pratiques culturelles des Français » réalisées en 1973, 1981, 1989, 1997 et 2008 qui a pour intérêt de s’inscrire dans « le temps long », et donc de pointer des tendances lourdes, souvent apparues bien avant qu’Internet ne soit accessible au grand public.
La première est la progression régulière des consommations audiovisuelles, due à la réduction du temps de travail, à l’augmentation du nombre de chômeurs et de retraités, mais aussi à la baisse de prix des téléviseurs, à l’arrivée des chaînes hi-fi dans les années 70, puis des baladeurs. Dans ce domaine, le numérique joue aujourd’hui un rôle essentiel, mais l’augmentation de la consommation d’images et de musique est bien antérieure.
La seconde tendance lourde est le recul régulier de la lecture d’imprimés. Les quotidiens ont perdu près de la moitié de leurs lecteurs sur la période étudiée, mais l’érosion était la même avant Internet qu’aujourd’hui. Par ailleurs, les lecteurs de 2008 lisent en moyenne 5 livres de moins par an que leurs homologues de 1973 et, ici encore, la baisse est régulière sur 15 ans. Au global, les lectorats vieillissent et se féminisent.
La troisième tendance que fait apparaître cette analyse est l’évolution positive des pratiques culturelles et artistiques en amateur, dont la musique. Ici encore, l’évolution est tirée par les femmes et les seniors, mais aussi les jeunes, les hommes étant, à l’inverse, de plus en plus sensibles aux pratiques utilisant les écrans.
Enfin, les sorties culturelles (cinéma, spectacles, expositions) augmentent régulièrement depuis 15 ans, mais la médiatisation croissante de ces « loisirs physiques » et les accès à ces offres via le numérique et les écrans n’ont pas vraiment fait évoluer la sociologie des spectateurs.
De cette intéressante synthèse des évolutions des pratiques culturelles des Français, on peut tirer 4 enseignements : la continuité l’emporte largement sur le changement ; chaque fois qu’il y a eu changement, celui-ci a été initié par la génération montante avant de se généraliser ; en matière de pratique culturelle, les femmes ne sont pas des hommes comme les autres ; enfin, si Internet et le numérique sont désormais incontournables, ils ne bouleversent pas autant qu’on pourrait le penser les comportements en matière d’information, de culture et de loisirs.
Bernard Petitjean ([email protected])
et Corinne da Costa ([email protected])
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