#ParoledAgence
Plus que jamais, les marques rivalisent d’artifices ou de profondes convictions – c’est selon – pour illustrer leur « responsabilité ». Quel crédit leur accorder ?
Emmanuel Bercault, Consultant en Relations Publiques
Engagements, certifications, initiatives… de plus en plus d’enseignes surfent sur la tendance de la « responsabilité ». Il est vrai que pour 79%¹ des consommateurs, l’engagement en faveur du développement durable accroît la préférence d’achat. Ce constat prévaut aussi sur d’autres sujets, à l’image des enjeux sociétaux tels que la lutte contre les discriminations ou le bien-être au travail.
Paradoxalement, 66%² des consommateurs estiment que ce que communiquent les marques ne correspond pas à la réalité. Ainsi, l’ampleur de ce chiffre invite à une profonde remise en question : les consommateurs croient-ils encore en la communication responsable ? Quelles sont les solutions auxquelles les marques ont recours pour ne pas sombrer dans un discours aseptisé, incohérent… en somme insignifiant ?
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Responsabilité…et cohérence
De nombreuses marques font le choix de l’engagement. Leur objectif, s’adresser davantage à l’individu, au citoyen, qu’au consommateur. Encore faut-il que ce choix soit cohérent et désintéressé. On pense bien sûr à l’Oréal qui a récemment annoncé sa décision de retirer les mots « blanc », « blanchissant » et « clair » de la description de ses produits destinés à uniformiser la peau. S’inscrivant dans le contexte de la lutte contre le racisme, cette décision devait être un symbole fort. Patatras. Les internautes se sont empressés de réagir à travers une campagne de boycott qui a été lancée via les hashtags #jarreteloreal ou #boycottloreal. À l’inverse de Nike qui avait su capitaliser sur le « cas Kaepernick », L’Oréal patauge. La preuve qu’un engagement sociétal ne doit pas être instrumentalisé – ou du moins donner l’impression de l’être – et doit avant tout refléter les valeurs d’une entreprise au risque d’être perçu comme insincère et donc…contre-productif.
À cet égard, l’exemple de O’Tacos reste marquant. L’enseigne a en effet développé une image de marque allant totalement à contre-courant des problématiques actuelles. Elle assume entièrement son côté « gras », « junk food » et pousse à la consommation en proposant des tacos allant jusqu’à 2,5 kg pour les plus courageux. Loin des problématiques « green friendly » sur lesquelles les marques ont l’habitude de se positionner, O’Tacos séduit. Elle compte 220 restaurants et a enregistré un chiffre d’affaires de 200 millions d’euros en 2019 ! La preuve qu’il ne faut pas s’engager par pure forme, mais construire une image cohérente, sur la durée, quitte à se trouver parfois en décalage avec l’ère du temps.
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Adosser la communication à la RSE et non l’inverse
Si elles veulent communiquer de façon responsable, les marques doivent avant tout privilégier le long terme. Signer un partenariat avec telle association ou reverser une partie de ses bénéfices à une œuvre de charité ne suffit plus à prouver son comportement responsable. C’est peut-être ce qui a péché pour Google qui a fait l’objet de plusieurs critiques. Le géant américain a dépensé plusieurs millions de dollars (275 millions entre 2014 et 2016) dans le cadre de projets de formation en faveur de la diversité. Or, les résultats sont pour le moins « modestes » comme l’a reconnu Sundar Pichai, CEO de Google. Entre 2019 et 2020, le pourcentage de femmes dans l’entreprise est passé de 31,6 % à… 32 %, tandis que le pourcentage de personnes noires a augmenté d’à peine 0,4 point, atteignant un maigre 3,7 %. Ce type d’initiative qui a finalement trop peu de répercussions sur la réalité contribue au scepticisme des communautés et renforce – à tort ou à raison – l’idée d’une forme de « diversity washing ».
Tout l’enjeu est donc d’inclure ces pratiques liées à la diversité, à l’environnement ou à d’autres thèmes majeurs, au cœur de sa raison d’être. Cas emblématique, celui de la marque de vêtements Patagonia. En incitant ses clients à augmenter la durée de vie de leurs habits et à privilégier le recyclage aux dépens d’un nouvel achat, le Groupe a établi une preuve tangible et sensée de ses valeurs. Et cela au détriment même de son intérêt économique sur le court- terme. C’est la sincérité de ce type de mobilisation que les consommateurs valorisent.
Dès lors, l’authenticité est clairement le premier défi pour les marques. Inutile de sur-jouer. Il leur suffit de rester elles-mêmes, d’assumer leurs réussites comme leurs points d’amélioration. Le tout est de retrouver la confiance du « consommateur citoyen » grâce à une démarche intelligente, lucide, qui fait la preuve par l’exemple. Voilà le secret d’une véritable « communication responsable » qui réconciliera les marques et les consommateurs.
1 Cap Gemini Research Institute
2 Via Voice pour The Good Company