#JaimeLaCom
Tribune de Marion Andro, Ingrid Berthé, Co-Présidentes Agence B Side et Agathe Martin Belin, Associée / Directrice des Opérations Agence B Side.
Utile. Être utiles. Voilà une recherche existentielle qui semble se répandre comme un virus depuis quelques temps : depuis le Covid justement ; ou depuis qu’on a vraiment compris que la planète se portait mal ; ou en ce moment avec la guerre à nos portes. Comment puis-je être utile ? Mon métier est-il utile ? Ce que j’achète est-il utile ? Ce voyage en avion est-il utile ? Ma marque préférée est-elle utile ?
Se poser au quotidien, la question de l’utilité de chacun de ses gestes, c’est prendre le risque de devenir fou. Mais il y a des sujets sur lesquels il est nécessaire de s’arrêter et c’est le cas de la communication.
La communication est un métier aux grands pouvoirs.
Nous savons donner envie, informer, convaincre, modifier des comportements, susciter du désir… C’est énorme ! Mais vous le savez… un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. La question, c’est de savoir au service de quoi on met ses pouvoirs.
Chez B Side, nous avons commencé à travailler sur ce sujet en 2018, quand nous n’étions pas encore B Side et que nous réfléchissions à notre changement d’identité. Un moment propice pour se poser la question de notre raison d’être. C’est en 2019 que nous avons prononcé et écrit pour la première fois les mots justes : communication utile. Ils allaient devenir notre mantra et sont aujourd’hui au cœur de notre mission, inscrits dans nos statuts.
Mais concrètement, la communication utile, ça veut dire quoi ?
On l’a dit, tout le monde a envie d’être utile. La difficulté n’est pas de tomber d’accord sur l’idée de pratiquer une communication utile, mais bien de définir ce que l’on met derrière ces mots. Comment transformer l’intention en réalité ? C’est le chemin sur lequel nos équipes sont engagées, avec détermination, depuis plus d’un an. Au fil des débats, des tentatives, des échanges avec nos parties prenantes, des formations, des comités de mission… nous nous sommes forgés de premières convictions :
1/ La communication et la publicité participent d’un système économique fondé sur la croissance, incompatible avec les limites planétaires.
Ce modèle doit être changé. La communication a un rôle à jouer et doit pour cela se remettre en question profondément. Pour ceux qui en doutent encore, il est urgent de lire la BD Un monde sans fin (Blain-Jancovici), de suivre les travaux de la Convention des Entreprises pour le Climat, ou de regarder Don’t look up, par exemple.
2/ Pour être à la hauteur des enjeux du moment, la communication doit rendre désirable un idéal de vie différent.
Plus sobre, compatible avec les limites planétaires ; faire émerger de nouveaux imaginaires et de nouvelles valeurs ; réorienter les comportements de consommation ; soutenir ou accélérer la transformation des entreprises.
3/ Évidemment, la communication doit également prendre en compte ces enjeux dans ses propres process et sa mise en œuvre
Elle doit être guidée par les principes de l’éco-socio-conception, ou de la communication responsable, compilés dans un précieux guide édité par l’Ademe. Chez B Side, nous avons développé en 2021 un référentiel d’éco-socio-conception, de la conception à la fin de vie de l’action de communication, que nous avons l’ambition d’appliquer à l’ensemble des projets sur lesquels nous travaillons d’ici 2024.
4/ Toutefois, une communication efficace n’est pas toujours compatible avec l’éco-conception la plus absolue, qui peut aller jusqu’à ne plus permettre l’expression de la personnalité de la marque ou de l’importance du message.
C’est absurde ! Un trop grand nombre de contraintes techniques génère une forme de standardisation et donc une perte d’efficacité des dispositifs. D’ailleurs, si l’on recherche avant tout à abaisser le plus possible le niveau d’impact négatif de la mise en œuvre d’une communication, la meilleure solution est de ne pas communiquer du tout. A l’inverse, un projet de communication inefficace, même éco-conçu, présente toujours un impact négatif qui aurait pu être économisé. Un impact inutile.
C’est là qu’intervient pour nous dans la notion d’utilité : une communication est utile si son impact positif (par les transformations qu’elle induit) est supérieur à son impact négatif (lié à sa production et à son usage).
Ça veut dire quoi ?
- Que l’action de communication doit servir un objectif et présenter un potentiel d’efficacité par rapport à cet objectif ; ça va mieux en le rappelant…
- Que cet objectif doit aller dans le sens de la transformation du modèle actuel vers plus de durabilité ;
- Que des écarts à la sobriété la plus absolue sont permis si la cause en vaut la peine. Attention, rien à voir avec la compensation, il ne s’agit pas de planter des arbres pour se faire “pardonner” d’avoir promu des voitures, mais bien de rendre l’activité de communication utile en elle-même !
Forts de ces convictions, nous avons développé de premiers outils pour mettre en œuvre la communication utile : un questionnaire d’utilité des projets et un référentiel d’éco-socio-conception, que nous commençons à expérimenter avec nos clients et prospects. Chaque année depuis 2018, nous publions également un client disclosure report, qui partage le pourcentage du chiffre d’affaires des clients à forte émission de carbone et permet d’arbitrer et de cadrer les collaborations futures. Nous avons donc aussi renoncé à certains clients et à leur promesse de marge brute… Ça fait partie du jeu quand on veut être sincères dans ses convictions !
La prochaine étape pour nous, pour nous prémunir du « utility washing », c’est de mesurer les impacts de nos projets de communication, pour pouvoir déterminer leur niveau d’utilité net.
Soyons honnêtes, on n’y est pas. Aujourd’hui, par exemple, les outils n’existent pas pour mesurer l’impact carbone d’un projet sur l’ensemble de la chaîne conception / production / usage. Quant à mesurer l’impact positif d’un projet de communication, bon courage : si on parle d’une campagne d’appel aux dons pour une grande cause, ça va ; mais si on parle de l’impact positif d’une campagne de communication interne visant à impliquer les salariés dans le projet de transformation du modèle économique d’une entreprise, c’est plus chaud…
Aujourd’hui, nous partageons cette aventure avec nos clients, nos fournisseurs, les stagiaires qui passent chez nous dès la 3e, et tout notre écosystème. Nous partageons aussi avec nos confrères et consœurs parce que nous sommes très conscients que l’échelle des seuls clients de B Side ne suffit pas pour changer la donne. C’est toute la filière qui doit bouger, mais pour de vrai, avec sérieux et engagement, sur la base de convictions sincères que notre métier DOIT changer et réviser ses indicateurs de réussite. Il s’agit de remplacer le Graal de la rentabilité par celui de l’utilité.