Tribune par Charlotte HOANG-BITAR, fondatrice et dirigeante de DATAGENCY.
Il existe aujourd’hui un phénomène de mode autour de la data, comment l’expliquez-vous ?
La data est aujourd’hui préemptée par le marketing et l’intelligence économique à la fois comme un accès à la connaissance de données chiffrées de masse et comme la nécessité de les rendre visuellement intelligibles. Mais ces phénomènes d’accès et d’analyse des données résultent en réalité de l’incroyable démultiplication des sources de trackings utilisateurs rendue possible par les médias digitaux. D’un point de vue de communication, ce sont les organes de presse qui ont été précurseurs en démontrant que le data design pouvait être un outil puissant d’information.
Vous avez monté une agence de DataCommunication, expliquez-nous ce positionnement
Mon expérience professionnelle de consultante en communication pendant près de 15 ans assortie d’une expérience pivot de data-journalisme sont à la source de ce positionnement. L’addition de ces expertises m’a permis de réaliser plusieurs constats.D’abord, celui que les entreprises regorgent de trésors aujourd’hui inexploités : leurs data. Et ces data peuvent, si elles sont utilisées à bon escient, donner des informations cruciales sur son identité, ses choix stratégiques et son développement. Quantité de services des entreprises ont des placards remplis de data non exploitées : les RH, le marketing, la comptabilité, des services et opérations, la direction générale, etc.
Or, dans le même temps, les consommateurs par le phénomène de démultiplication des médias digitaux ont accrû de façon spectaculaire leur appétence en matière d’ information. Ils attendent des entreprises qu’elles communiquent sur leur activité et leurs produits de façon à la fois rythmée et responsable, c’est à dire avec une bonne fréquence, avec transparence et en garantissant la fiabilité de leurs données. Or la data est un outil ultra puissant si elle est mise au service de la stratégie de communication des entreprises. Car bien anglée, correctement scénographiée et sourcée, la data est bien plus influente que n’importe quel discours de marque. Elle agit comme une communication de vérité et suscite de ce fait l’adhésion des cibles.
Vous évoquez dans votre positionnement le « data brand content », de quoi s’agit-il ?
Avec cette démultiplication des médias sociaux et digitaux, l’entreprise est devenue média. Elle est obligée aujourd’hui pour exister et se différencier de créer des contenus adaptés à tous ces canaux et de créer un véritable dialogue avec ses consommateurs. Le « dircom » est devenu « dircont », c’est-à-dire le directeur des contenus éditoriaux. Il est le rédacteur en chef de sa marque et gère ses espaces d’expression et sa stratégie éditorialedans une logique de territorialisation.
Dans ce contexte, adopter une stratégie de data brand content et construire des outils éditoriaux de datavisualisation efficaces est une carte à jouer essentielle pour les marques. Facile et rapide à lire et à comprendre, fiable car sourcé et transparent, parlant car correctement éditorialisé et scénographié, un support de datavisualisation peut facilement se substituer à des outils de communication plus traditionnels comme un communiqué de presse, un publi-rédactionnel voire même demain un rapport d’activité.
Assortir à sa stratégie de brand content du data brand content, c’est garantir une relation puissante et durable avec ses consommateurs. Une marque qui parlerait au « trois cerveaux » de ses consommateurs aurait tout gagné : cerveau reptilien avec des produits qui parlent aux sens, cerveau limbique par une communication basée sur l’émotion et l’affinité et enfin néo cortex par une communication en data favorisant l’apprentissage et la raison.
Quelles compétences sont nécessaires aujourd’hui pour se lancer en DataCommunication ?
Aujourd’hui, la data est essentiellement préemptée par des SSII, des agences digitales ou des medias.Mais aucune agence de communication ne s’est aujourd’hui positionnée sur ce créneau. C’est une discipline très exigeante, à la rencontre de plusieurs expertises: le data journalisme pour rechercher, angler et éditorialiser, le conseil en communication éditoriale pour identifier les sujets les plus porteurs et légitimes pour la marque,et la datavisualisation c’est à dire la mise en scène de ces data sur des supports print comme digitaux en s’adaptant à leur spécificité.
Une triple compétence de data-journalisme, de « data-telling » et datavisualisation que nous avons réunies chez DATAGENCY.
Ce qui me frappe c’est que, au travers des cours que je donne au CELSA en magistère, je m’aperçois du très vif intérêt que les futurs communicants portent à cette discipline pourtant neuve. Eux mêmes ont grandi avec ces médias digitaux, et sont de ce fait très réceptifs aux outils de datadesign. Ce sont donc des enjeux et des sujets qui leur paraissent parfaitement naturels et qu’ils intègreront facilement dans leurs futurs activités.
Quels sont les ingrédients d’une bonne datavisualisation ?
L’angle, l’angle et encore l’angle.
Sans un bon angle, une datavisualisation ne sert à rien parce-qu’elle ne raconte rien. Ensuite il faut que la direction de création soit assurée non pas par l’infographiste mais par le consultant qui a monté le sujet. Car une datavisualisation ne doit pas être une affaire d’esthétisme mais de sens. La créativité, le design ne doivent intervenir qu’en dernier lieu, comme la cerise sur le gâteau. Il existe aujourd’hui beaucoup trop d’infographies magnifiques mais totalement incompréhensibles ! Je privilégie donc toujours le sens, le fond. Victor Hugo avait tellement raison quand il disait : « La forme, c’est du fond qui remonte à la surface ».
Propos recueillis par Alexia Guelte Morot, Responsable Communication Externe de l’Argus de la presse.