#JaimeLaCom
Encore plus, toujours plus.
Encore moins cher, toujours moins cher.
Et on peut ajouter, encore plus vite, toujours plus vite.
Ces arguments marketing et ces thématiques de communication, véritable charpente de la société de consommation depuis des décennies, ont été synonymes de succès commerciaux. Sont-elles également synonymes de justice et de progrès sociaux ? Posent-elles les bases dont on a besoin désormais pour relever dans l’urgence les défis environnement et sociétaux auxquelles nous sommes confrontés ?
Ces injonctions qui guident la consommation depuis les 30 glorieuses doivent être remises en question pour sortir de l’impasse sociale à laquelle elles conduisent. Elles interrogent des modèles économiques et des imaginaires de consommation. Elles questionnent le marketing et la communication qui les ont accompagnées.
Drôle d’idée que de s’attaquer au sujet du « prix » en cette période d’augmentation générale annoncée de l’énergie et des matières premières. Surtout pour mettre en cause les prix bas, essentiels pour une partie de plus en importante de la population. Ce n’est sans doute pas politiquement correct.
Et pourtant, à l’heure où nous savons qu’il va falloir consommer moins et mieux pour des raisons d’impact carbone, d’impact social et environnemental, il paraît essentiel d’interroger notre rapport à la notion de prix et notre attrait pour les prix bas. Il paraît essentiel aussi d’analyser comment le marketing des 50 dernières années a tellement usé du levier « prix bas » qu’il a joué contre son camp en détruisant de la valeur, des marges, des conditions sociales et en malmenant l’environnement. C’est aussi dans ce contexte que l’on constate à quel point la question du prix est devenue opaque pour les publics, à force de repères et de messages incohérents : quand un trajet en avion devient moins cher qu’un pack de lessive !
Le graal du prix bas, est-ce vraiment la mission du marketing ?
Est-ce que l’on ne se serait pas auto-convaincu toutes ces années que tout pourrait toujours être moins cher, et, croyance corolaire, que tout le monde pourrait tout avoir ?
A quoi mènent cette naïveté collective, cet aveuglement général, cette grande illusion à laquelle on a voulu croire ? Ils conduisent à proposer des offres dégradées, des copies grossières, à chercher des matières premières moins coûteuses mais médiocres, à les chercher toujours plus loin, à les transporter avec toujours plus de dégâts environnementaux et à les produire avec toujours plus d’impact social. Ils conduisent les entreprises qui les produisent à payer leurs collaborateurs et leurs fournisseurs toujours plus mal. Ces entreprises qui vont, bien évidemment, essayer à leur tour et pour conserver leurs marchés, de produire toujours moins chers… Et ainsi de suite…
Certes, ce cercle destructeur a fait la fortune de certains, mais il fait surtout le malheur de beaucoup. Il pourrait donc se traduire par la formule : comment scier la branche sur laquelle nous sommes tous assis ?
Produire et vendre moins cher, c’est rendre plus accessible. A quel prix finalement ?
Que dire d’une société qui accepte de ne pas payer ses agriculteurs suffisamment pour qu’ils vivent, quand il s’agit de trois centimes de plus par litre de lait ?
Que dire d’entreprises qui – sous couvert de modernité, de praticité et de prix bas – détruisent de la valeur humaine en imposant l’auto-entreprenariat aux gens qui travaillent pour elles ?
Et que dire du marketing du « moins cher », si ce n’est que l’on est au degré zéro du marketing ? Voire de non-marketing.
Le marketing devrait être là pour valoriser une proposition, pour promouvoir sa valeur ajoutée… et justement pour justifier un prix.
Nous sommes capables de payer parfois beaucoup plus que la valeur réelle pour des marques qui nous font rêver, mais plus personne ne veut mettre le prix minimum suffisant pour que d’autres produits ou services soient correctement rémunérés. Et ceci, parce que nous avons trop à acheter, trop à consommer, trop pour notre pouvoir d’achat.
Bien sûr, pour une part de la population, la question de prix est une question de survie au quotidien. Mais pour l’autre partie, la question n’est pas la survie mais l’envie de consommer encore plus, encore moins cher. C’est un vouloir d’achat qui peut être sans fin parce que constamment frustrant par essence.
Il est temps de reposer l’équation entre coût-valeur-prix, de regarder véritablement le montant des choses et des services, la structure de leur valeur, d’en faire la pédagogie et remettre ce sujet au cœur de la communication.
Combien ça coûte en matière première, combien ça coûte en temps de travail, combien ça coûte en transport, combien ça coûte en diffusion, combien ça coûte en marge pour les gens qui s’en occupent et doivent gagner leur vie en nous apportant ce service ? Et combien cela apporte en qualité, en satisfaction réelle, en durée d’utilisation, en plaisir ? Alors au final, on approchera le prix de vente réaliste. Certaines marques aux démarches éthiques expliquent ainsi pourquoi leurs produits doivent être vendus à tel niveau de prix. D’autres remettent en cause les soldes en revendiquant un prix juste toute l’année. Ce sont des pistes intéressantes.
La valeur des biens, du temps et des compétences n’est pas que symbolique ou émotionnelle ou “quand c’est moins cher, qui paie la facture (environnementale, sociale,…) à ma place ?“
On a beaucoup dit : “quand c’est gratuit c’est vous le produit“. Aujourd’hui on doit s’interroger : “quand c’est moins cher, qui paie la facture (environnementale, sociale,…) à ma place ?“.
Un des défis du marketing qui a pour ambition d’être responsable, c’est de commencer par justifier, expliquer, faire ou refaire la pédagogie de la valeur, faire la pédagogie du respect du travail de l’autre. Nous devons nous confronter à la réalité du coût des biens, du temps et des compétences. Sans oublier qu’elle peut aussi être symbolique ou émotionnelle. Un vrai défi pour les professionnels de la communication et du marketing d’aujourd’hui.