Faut-il présenter Frédéric Fougerat ? non bien sûr ! Considéré comme l’un des « Dircom » les plus influents de ces dernières années, il est régulièrement classé en tête des baromètres de référence. Il livre, au travers de tribunes, sa vision de l’entreprise et du management.
Nous avons décidé d’interroger Frédéric sur son dernier ouvrage « Le goût des autres, mes recettes de Manager « – Ed. Bréal. Ce livre est une version actualisée de son premier livre « Un manager au cœur de l’entreprise », publié en 2017 aux Ed. Studyrama, dans la collection Focus RH.
« La réussite ne peut pas être un one man show. Elle est toujours collective. »
– Philippe Salle, président du groupe Foncia et du conseil d’administration du groupe CGG –
Frédéric, une chose me frappe immédiatement en lisant les premières pages de votre livre, vous êtes à l’exacte distance entre engagement, écoute et convictions. Ces qualités font de vous un être passionné, juste et fortement ancré dans les réalités de la vie, quelles soit professionnelles, associatives, ou personnelles. Est-ce votre sens du partage, votre goût des autres qui font de vous aujourd’hui une « vigie » sur nos routes empruntées quelques fois par des vents contraires ?
Je pense que ni ma personnalité, ni mon éducation, ni mon parcours ne me permettent d’être prétentieux. Ce n’est en aucun cas ma nature ou ma tendance. J’ai par ailleurs eu la chance de travailler pendant plus de 15 ans auprès de nombreux patrons et grands patrons, comme Philippe Salle, qui ont toujours accompli de grandes choses avec humilité. Ils étaient plus attachés aux faits qu’à l’annonce des faits, à la réalisation et à l’excellence qu’à l’exposition et la gloire, à la reconnaissance de l’exploit collectif plutôt qu’au succès personnel. Cette modestie, voire cette élégance, qui les caractérise, fait de moi un observateur privilégié, et du même coup un narrateur modéré quand je partage mes expériences. Toujours animé par le goût des autres, ce qui me semble effectivement indispensable pour évoluer dans l’entreprise car c’est avant tout une aventure humaine.
La confiance ne se décrète pas, mais alors comment fait-on ?
La confiance ne se décrète pas, elle s’acquiert par l’exemplarité, le respect de la parole donnée, la reconnaissance du travail et les efforts fournis. Quand la parole est libre et respectueuse, l’initiative est encouragée et le droit à l’erreur est reconnu. La confiance est réciproque et doit être aussi forte vis-à-vis de sa hiérarchie que de ses collaborateurs. La confiance est une force mêlant compétence et loyauté, discernement et honnêteté.
« Le management s’inscrit dans la vraie vie, dans le quotidien de l’entreprise,
de l’équipe, du collaborateur ; il relève éminemment de l’expérience,
du bon sens, de l’humain au sens fort »
– Dominique Mahé, Président du groupe Maif –
Pour attirer de nouveaux talents, l’entreprise doit accompagner sa stratégie de recrutement par une communication employeur forte et efficace. Quelles sont les « règles » à respecter ?
Pour commencer vous avez raison de parler d’une communication employeur et non de marque employeur. Comme beaucoup j’ai fait l’erreur pendant longtemps de parler de marque employeur et je le regrette. En fait, il n’existe qu’une seule marque d’entreprise et des communications qui la servent comme la communication interne par exemple, on ne parle pas de « marque interne ». Le raisonnement est le même pour la communication employeur.
Quant à recruter de nouveaux talents, assurément il faut les séduire mais surtout ne pas leur mentir. Une fausse communication employeur ne permet pas d’établir des relations sur le long terme qui soient « gagnant-gagnant » entre l’entreprise et les collaborateurs car s’ils ont été trompés, cela aura également des impacts négatifs sur l’ensemble des salariés de l’entreprise. Toutes les communications aujourd’hui transpirent, aussi il est impératif d’être cohérent et honnête.
Créer de la préférence c’est susciter une émotion plus forte que la concurrence, y compris pour les futurs talents. Cela passe à la fois par l’image extérieure de l’entreprise, ce qu’en disent les médias, mais aussi par ses collaborateurs et ses clients sur les différents forums d’expression. L’ambition affichée ou ressentie de l’entreprise, la dynamique qu’elle véhicule, la projection que pourront se faire les uns et les autres en s’imaginant y travailler demain, y évoluer, y apprendre et y être considéré, s’y développer, c’est ce qui permettra de valoriser l’entreprise. C’est la promotion et la valorisation de ses points forts qui permettra d’attirer des nouveaux talents, sans jamais tenter de donner une image fausse ou trop belle par rapport à la réalité. Enfin, certaines générations sont de plus en plus sensibles à l’éthique ou aux engagements sociétaux des entreprises. Pour les attirer, il faudra être capable de s’affirmer sur ces territoires… Encore faudra-t-il que l’entreprise soit à la hauteur de ces nouveaux enjeux.
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Selon-vous, quels sont les conseils pour réussir son intégration en entreprise ?
Réussir ses premiers pas dans une nouvelle entreprise est toujours un exercice subtil et délicat. Il faut à la fois se conformer à un esprit et une culture existante, tout en apportant son expérience et sa personnalité.
Probablement que l’observation est la bonne première attitude. Il faut écouter, regarder, comprendre l’entreprise, son histoire, ses forces, ses faiblesses, son organisation, ses équipes… avant d’affirmer, savoir, décider.
Il faut aussi savoir faire preuve d’humilité. Si l’entreprise a fait appel à vous, c’est que, sauf erreur de casting, vous avez les compétences recherchées, le profil souhaité. Pour autant, vous n’êtes pas la seule personne compétente dans l’entreprise. Comme l’observation, assurément l’humilité facilitera votre intégration.
Enfin, il faut être porteur d’une nouvelle énergie. Face à la crainte du changement, suite à une arrivée, il faut apporter une vision et la partager, créer une dynamique remobilisatrice et motivante pour les équipes. Etre attentif à tout et à tous, partager son enthousiasme et son projet doit assurément contribuer à réussir son intégration.
Quels sont les grands principes pour motiver son équipe et la place du Nudge dans cette équation ?
Pour motiver son équipe, il existe de nombreux principes, mais en priorité, je mettrais en avant une attitude de base qui consiste à se comporter en humain et pas comme une machine. Ca veut dire instaurer et veiller à toujours avoir au sein de l’équipe un climat propice aux bonnes relations humaines et professionnelles. Ensuite, je dirais créer de la confiance, car il n’y a pas de motivation possible sans confiance. Ne pas tuer l’énergie qui est le moteur de l’initiative, de la créativité, de la force collective. Ne pas fragiliser l’équipe, qui a besoin de stabilité, de transparence, de vision et de sens pour savoir où elle va et pourquoi elle avance. Enfin, il faut manager par l’exemple. Etre manager c’est accepter d’être une référence. Une référence qui, pour être respectée, considérée, et suivie doit d’abord être exemplaire vis-à-vis de ses équipes.
Quant au Nudge, méthode qui vise à influencer positivement les décisions ou les comportements, il peut parfaitement participer à cette démarche de motivation de l’équipe en acceptant d’identifier les problèmes individuels ou collectifs, pour mieux les résoudre. Mais aussi par l’introduction de comportements plus ludiques permettant de travailler sérieusement sans se prendre au sérieux et ainsi contribuer à renforcer les liens entre les personnes dans un climat d’équipe apaisé, donnant plus de forces et de sérénité pour affronter des situations professionnelles complexes, tendues, stressantes…
« Le leader n’est pas celui ou celle qui accède à la fonction de chef,
mais la personnalité qui dispose d’une capacité exceptionnelle à porter,
motiver et faire avancer l’équipe » – Frédéric Fougerat –
Selon vous la communication peut-elle tout ? Constitue-t-elle une démarche ou un accompagnement ? Et finalement, ne sommes-nous pas tous influencés par notre perception des choses, en perpétuel quête de sens ?
Assurément la communication ne peut pas tout et celles et ceux qui le pensent sont dans l’erreur. Cette erreur illustre une contradiction étonnante de la part de celles et ceux qui considèrent la communication plus comme une occupation, à la portée de tous, et non comme une expertise professionnelle façonnée à l’expérience, puis qui fantasment sur les supers pouvoirs dont disposeraient les communicants pour régler une crise ou supprimer un mauvais bruit médiatique, d’un simple coup de baguette magique.
Oui, la communication peut influencer, orienter, ou attirer l’attention sur des points positifs et favorables à l’entreprise, plutôt que sur d’éventuelles faiblesses, mais elle ne doit jamais mentir, tromper ou trahir, ce qui ne pourrait que se retourner contre l’entreprise ou la marque qu’elle est supposée servir.
La communication accompagne la stratégie de l’entreprise et son quotidien, elle accompagne les gestions de crises, mais n’en est pas la solution. Elle accompagne les RH, les finances, le marketing…avec son expertise propre, sans se substituer à ses clients internes, qui eux-mêmes n’ont pas de compétence avérée pour la communication, dont ce n’est pas le métier.
Comment voyez-vous l’évolution de la gestion humaine de la vie au travail ? Peut-on dire qu’une des façons que l’on a de se mouvoir dans le dédale relationnel complexe du monde du travail est l’un des axes d’une métamorphose réussi ? Mais n’est-elle pas aussi, la transfiguration des contraintes en opportunité ?
La transfiguration des contraintes en opportunité est assurément une méthode très positive pour évacuer certaines difficultés ou faciliter la solution de tensions. Ce n’est toutefois pas la seule. Elle n’est pas toujours possible ou souhaitable. Et, elle risquerait d’instaurer deux catégories de personnes, celles qui ne considèrent personne et qui écrasent les équipes et l’organisation, et les autres qui, par tous moyens récupèrent les situations et se considèrent comme les variables d’ajustement de l’inorganisation des autres, de leurs caprices, de leur inaptitude à travailler en collectivité, et dans l’harmonie.
L’évolution de la gestion humaine de la vie au travail devrait plutôt passer par la considération, la bienveillance, le respect des uns et des autres, qui n’a jamais empêché d’être professionnellement exigeant et d’avoir une équipe très performante. Je suis même persuadé du contraire. Entre terreur et défiance ou confiance et connivence, je suis certain d’obtenir plus de résultats avec la seconde option.
« Dans l’entreprise, nul n’est supposé venir investir le territoire de l’autre.
Nul n’est supposé polluer l’organisation,
le travail, les équipes de ses collègues.
La collaboration, c’est le partage d’expertises,
l’association de compétences au service d’ambitions collectives.
Il n’y a jamais à venir préempter l’espace de l’autre,
ni à chercher à le soumettre » – Frédéric Fougerat –