Culture RP a rencontré Elodie Mielczareck, spécialiste de l’analyse des signes et codes de la communication publicitaire et politique.
Pouvez vous nous dire en quoi consiste précisément la sémiologie ?
Voir du sens là où les autres voient des choses, pour reprendre la citation d’Umberto Eco. La sémiologie est l’analyse des signes au sens large. Dans la vie de tous les jours, le métier de sémiologue consiste à décrypter à la fois le langage verbal – les signes linguistiques : mots, discours, etc. – et le langage non verbal – les signes iconiques (images), signes kinésiques (gestes, mouvements, etc.), par exemple.
C’est donc une discipline très vaste dont les champs d’application sont multiples et en perpétuel renouvellement ! Ajoutons que la sémiologie est une méthodologie scientifique dont la plupart des postulats sont hérités des divers courants structuralistes – sociologie, anthropologie et épistémologie.
On considère que toute communication est une matrice. L’objectif de l’analyse sémiologique est de faire émerger la structure sous-jacente de cette matrice.
Quel lien faites-vous entre la sémiologie et le marketing?
La sémiologie est d’abord une discipline universitaire issue de la linguistique. Peu à peu, elle se « démocratise » pour trouver des applications dans le domaine de la publicité – Roland Barthes est le premier à proposer une analyse sémiologique d’une publicité Panzani. Il faut par la suite attendre Jean-Marie Floch pour que la sémiotique soit totalement admise au sein des agences et de leur planning stratégique.
La sémiologie est la tête pensante du marketing, trop souvent perçue comme abstraite et jargonneuse. Elle permet la maîtrise des effets de sens, connotés et implicites structurant le discours global d’une marque (logo, site Internet, architecture de l’espace de vente, packaging, etc.).
Retenons que la sémiologie est un décodeur de signes. Elle est là pour expliquer les phénomènes de brouillage (compréhension, perception, narration de la marque) et définir les différents territoires et positionnements possibles d’une marque.
Quelle est la différence entrela sémiologie et la sémiotique ?
D’un point de vue pratique, disons que la sémiologie est une approche davantage « mythologique » alors que la sémiotique est davantage « systémique ». Prenons un exemple : un cercle et un carré dessinés sur une feuille. L’approche sémiologique va s’intéresser à la signification du cercle et du carré : que représentent-ils ? que racontent-ils ? quels sont les référents et mythes associés ? L’approche sémiotique va d’avantage s’intéresser au rapport entre le cercle et le carré : comment sont-ils positionnés l’un par rapport à l’autre ? y’a-t-il un lien hiérarchique entre les deux ? quelles narrations sont présentes ?
D’un point de vue historique, la sémiologie naît des écrits de Ferdinand de Saussure, début du XXe siècle en Europe. Au même moment, sans que les deux hommes se connaissent, Charles Sanders Peirce fonde la sémiotique aux Etats-Unis (semiotics). Pour le premier, la sémiologie s’inspire de la méthodologie linguistique, pour le second, elle est davantage une philosophie voire phénoménologie.
Cependant, le terme de sémiotique est également employé en France. Il fait référence au courant fondé par Algirdas Julien Greimas. La sémiotique s’y définit davantage comme une sémiologie seconde génération.
Pourquoi avoir créé ce blog? quels bénéfices en tirez-vous?
Le blog de la sémio – sciigno.net – naît d’un besoin impérieux de décoder les événements sociétaux et médiatiques qui nous entourent. Certains signes sont tellement visibles et répétés qu’ils en deviennent « naturels », comme « allant-de-soi ». L’idée était de démonter la construction soi-disant naturelle pour faire surgir la construction culturelle et idéologique de ces mêmes signes (je m’inscris en cela dans le postulat de Roland Barthes des Mythologies).
Il s’agit également de promouvoir une discipline encore trop méconnue, qui s’efface trop souvent derrière des discours pseudo explicatifs de publicistes en mal de visibilité. Enfin, l’enjeu est de permettre à mes élèves et clients potentiels d’appréhender une expertise, un savoir-faire à travers des sujets d’actualité, qui peuvent les intéresser.
Propos recueillis par Alexia Guelte Morot, Responsable Communication Externe de l’Argus de la presse.