#JaimeLaCom
Certaines marques apparaissent sans âme, ni histoire, des marques qui ne sont que des noms de code, comme AXA qui présente pour seul réel avantage d’apparaître en tête des annuaires.
D’autres ont bien du mal à échapper à leur passé : longtemps, trop long-temps, le nom de Bernard Tapie aura collé aux basques d’Adidas comme un vieux chewing-gum.
Sans aussi oublier la dissonance entre l’histoire du verrier BSN et la mission de Danone d’apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre … quoiqu’Antoine Riboud, le fondateur visionnaire d’un des premiers groupes agroalimentaires mondiaux, pratiquait la responsabilité sociale avant l’heure.
Le marketing adore raconter des histoires – Christian Salmon a même théorisé la pratique du storytelling, par lui qualifié de « machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits » … et le marketing politique s’en est rapidement emparé !
Les plus belles histoires sont et resteront celles qu’écrivent des entrepreneurs visionnaires.
L’histoire de Kihachiro Onitsuka, cet ancien officier japonais qui voyait dans l’athlétisme un moyen de redonner un idéal à une jeunesse démoralisée par la défaite de 1945, avant de créer Asics.
L’histoire du basketteur Américain Chuck Taylor, âme de Converse après une carrière sportive malgré tout assez banale … à opposer aux « histoires » qui collent à Nike, comme celles des « sweatshops » où des enfants fabriquaient des chaussures qu’ils ne pourraient jamais se payer.
L’histoire d’Yvon Chouinard, le fondateur de Patagonia, qui termine une carrière exemplaire en faisant don de son entreprise à une fiducie dont les bénéfices serviront à protéger l’environnement.
Le marketing ne peut inventer des histoires à partir de rien : il ne peut qu’enrichir des sagas préexistantes, redonner vie à des héros mythiques … ou permettre à des entrepreneurs de génie, d’en devenir de nouveaux.
Cette 33ème évidence des « 36 évidences pour demain » formulées par le Conseil Scientifique de l’Adetem se conjugue nécessairement avec la 32ème : « La nécessaire transparence du discours marketing ne tue pas les rêves et les désirs, au contraire, elle les exacerbe ».
Car il ne s’agit pas seulement de raconter des histoires : il faut qu’elles soient … vraies !
Bien sûr, il est licite de raconter d’enrichir une marque de fictions : c’est même le fondement de la publicité « moderne » … mais le consommateur saura toujours distinguer la fable de Don Patillo, de la véritable histoire de Jean Panzani … qui elle-même aurait pu servir de base à un remarquable storytelling : l’histoire de cet expert-comptable d’origine italienne qui, à peine démobilisé à la suite de la débâcle, se lance dans la fabrication de pâtes fraîches artisanales dans le grenier de la maison de ses beaux-parents à Niort !
Mais hélas, la marque – ou plutôt son histoire – connaîtra des ruptures trop brutales, passant d’un fond d’investissement à un autre : et là hélas, plus vraiment de rêve !
Mais qu’est-ce qui l’empêche malgré tout de ressusciter Jean Panzani ? Rien, sinon … les consommateurs !
Car depuis l’avènement du Web social, difficile pour une marque de raconter « n’importe quelle histoire » : le citoyen, l’internaute veille.
Nike, un des premiers, en a fait la dure expérience quand début 2001, alors que la marque lance son site Nike ID pour permettre à ses clients de personnaliser les chaussures à leurs noms, un étudiant du Massachusetts Institute of Technology demande d’inscrire « sweatshop » (= atelier de misère).
Après avoir reçu un refus embarrassé, ce dernier – en fait, Jonah Peretti, futur cofondateur de BuzzFeed et du Huffington Post – diffuse très largement ses échanges avec Nike auprès de ses amis, qui rediffusent, etc. In fine, un million de personnes les auront lus, et le jeune Jonah sera invité sur le plateau du « Today Show » pour débattre du sujet avec le responsable communication de Nike !
Aujourd’hui où l’on ne parle que de RSE et de marketing responsable, les consommateurs se montrent de plus en plus vigilants face aux discours des marques.
Notamment les plus jeunes qui s’inquiètent de plus en plus pour l’avenir de la planète, et leur avenir sur cette planète : la canicule après le Covid sur fond de guerre en Ukraine, tout cela se révèle particulièrement anxiogène ; alors le discours lénifiant de certaines marques les amène à réagir.
Il y a bien sûr les activistes, comme Extinction Rebellion qui l’an passé, se sont invités au défilé de la marque Louis Vuitton à Paris pour dénoncer « l’impact climatique et social du secteur de la mode », avant de perturber les soldes des grandes enseignes de prêt-à-porter.
Mais il y a surtout la grande majorité des anonymes qui se détournent des marques qui ne leur paraissent pas sincères : selon YouGov, « ce qui pousse le plus les 18-24 ans à changer de fournisseur/produit sont les informations mensongères (29%) », juste devant l’impact sur l’environnement.
C’est pourquoi aujourd’hui, les plus belles histoires que peuvent raconter les marques, ce sont celles qu’elles écrivent avec les consommateurs … ou plutôt, avec tous les citoyens.
On pourrait citer C’est qui le Patron ?!, la marque créée en 2016 afin de permettre une plus juste rémunération des producteurs de lait français à ses débuts, d’une vingtaine de produits alimentaires aujourd’hui ; leur histoire, Nicolas Chabanne et Laurent Pasquier la rédigent avec leurs fournisseurs, bien évidemment, mais aussi avec leurs clients, qui participent à la rédaction du cahier des charges des produits.
Bien sûr, tout cela n’est pas sans risques car les consommateurs impliqués se montrent souvent extrêmement exigeants, guettant le moindre faux pas comme Lego en a fait la douloureuse expérience en 2015.
La marque pionnière du marketing collaboratif, et ce dès les premières années du Web 2.0, s’est retrouvée dans la tourmente pour avoir refusé à l’artiste indépendant – donc subversif – chinois Ai Weiwei les briques nécessaires à sa future exposition en Australie, déclenchant la bronca de ses aficionados.
Malgré parfois la difficulté de l’aventure, les marques de demain seront celles qui sauront écrire leur histoire avec – et dans le respect des – citoyens, et de la planète bien sûr. Simplement et honnêtement.
Manifeste du Conseil scientifique / 36 évidences pour demain.
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