Pourquoi nous, attachés de presse, allons devoir repenser notre métier? par Mary Grammont Consultante RP – Daily RP.
Je prends la parole aujourd’hui sur ce blog pour parler d’un sujet d’actualité, mais surtout un sujet de fond. Souvent aspirés dans le tourbillon de l’info, des nombreux communiqués à envoyer, des relances à effectuer, des rendez-vous à honorer ou du réseau à entretenir,… il est difficile pour les attachés de presse de prendre du recul pour connaître réellement (et améliorer) l’efficacité de son travail, à savoir : évaluer de manière qualitative les retours journalistes, disséquer les points forts et les points faibles des campagnes en cours, analyser les taux de retour, de transformation ainsi que la manière dont nos sujets ont été traités par les journalistes et surtout… appréhender cet univers journalistique en profonde mutation qui exige une réadaptation des usages et des moyens à bien des niveaux.
Le monde des Relations Presse se transforme ?
En tant que RP, nous savons indéniablement que le journalisme est en pleine mutation. On en entend beaucoup parler : la presse écrite est en danger, les investissements publicitaires s’effondrent, les groupes de presse réfléchissent à de nouveaux modèles économiques pour s’adapter aux enjeux du numérique… Il faut dire que la consommation de l’information a radicalement changé. Pour les lecteurs, certes, mais aussi pour les journalistes.
Le symptôme de l’infobésité ?
Aujourd’hui, les lecteurs sont aussi acteurs de l’information, notamment grâce à la multiplication des supports numériques que les nouvelles technologies mettent à notre disposition (réseaux sociaux, outils de curation, agrégateurs de contenu, blogs…) L’information est devenue rapide, instantanée, éphémère et tout le monde peut la produire, la relayer, la commenter. De la consommation, mais aussi de la « consumation ». Une information en écrase une autre, et nous sommes aussitôt absorbés par d’autres sujets, si bien que nous ne faisons parfois que survoler les contenus qui défilent sous nos yeux à vitesse grand V.
Vous avez dit infobésité ?
Et les journalistes sont eux aussi victimes de cette surinformation. Alors comment les médias peuvent-ils trouver leur place dans cette pléthore, et comment nous, attachés de presse, par ricochet, pouvons-nous nous adapter à ce bouleversement médiatique ?
Attaché de presse : vers une évolution du métier ?
Qu’on se le dise, je suis souvent décontenancée quand je lis çà et là (ou que j’entends dire) que les attachés de presse ne sont pas d’une grande utilité, ou « sont juste là pour promouvoir leurs clients dans les médias parce que c’est bien ça leur job non? »
Oui et non. Forcément, on ne va pas se mentir, la finalité de notre job est de passer de l’information aux journalistes et l’une de nos plus grandes joies, c’est bien quand on voit sortir un article de qualité dans la presse. Mais c’est tellement réducteur. Tout bon consultant sait que derrière une campagne de communication, il y a réflexion et stratégie. Mais tout ça, si je puis dire, c’est un peu du potage interne. C’est la partie cachée de l’iceberg, c’est ce qui fait qu’au final, on sort une information avec un bon message. Mais je me demande de plus en plus : est-ce que notre devoir n’est pas d’aller plus loin dans la démarche vis-à-vis du journaliste, pour ne plus être considéré comme simple intermédiaire ? Etre encore plus acteur de l’information et faire office de valeur ajoutée pour le journaliste. C’est bien sûr déjà une partie de ma démarche en apportant de l’info ciblée, en faisant du newsjacking, en délivrant des messages différents selon les personnes que je contacte, en proposant des interviews sous des angles innovants…
Mais tout ceci n’est pas assez. Nous aussi, nous devons évoluer. Nous devons nous adapter aux nouvelles contraintes des journalistes. En menant une réflexion à ce sujet, je suis intimement persuadée que journalistes et attachés de presse gagneraient à mieux « cohabiter professionnellement ».
C’est toute la chaîne qui doit être repensée pour que les Relations Presse ne meurent pas. Chacun a un rôle à jouer dans cette affaire, encore faut-il trouver comment bien l’incarner…
J’ai commencé à me pencher sur la question (un gros chantier et une profonde introspection aussi) et voici quelques pistes de réflexion qui ont germé dans ma petite tête 🙂
Analyser les tendances…
C’est à mon sens la démarche la plus logique à adopter. L’analyse des tendances revient un peu à ce que je disais en préambule de cet article, à savoir être en mesure de prendre du recul par rapport à notre métier et surtout bien en comprendre ses nouveaux usages. Dans la Communication, comme dans tout autre secteur, de nouvelles tendances apparaissent régulièrement et il incombe aux professionnels de les analyser ET de les intégrer. Mettre à profit ces tendances pour arriver à créer de la valeur, et faire du « pull » (appelé aussi inbound) en plus du traditionnel « push », c’est-à-dire provoquer de la visibilité et attirer à soi l’attention des internautes, au moment où ils le désirent, pour engager une conversation à long terme. Par exemple, en ce moment se dégagent certaines tendances comme les infographies, le newsjacking, le storytelling (pour ne citer qu’eux!) Charge à nous de les mettre à profit dans nos campagnes RP!
Créer du lien…
Dans Relations Presse, il y a « relations ». Ca peut paraître anodin, mais c’est pour moi l’un des fondamentaux du métier. C’est important d’établir une relation de long terme avec les journalistes. D’abord, parce qu’au-delà de la dimension boulot, de belles histoires humaines peuvent naître. Ce n’est pas rare qu’attaché de presse et journaliste finissent par devenir potes ! Puis, il y a bien sûr la qualité des échanges professionnels. Si vous vous attachez à proposer des avant-premières, des exclus ou de l’info vraiment ciblée et qui arrive au bon moment, vous n’en tirerez que des conclusions positives, et votre nom sonnera comme une source d’information fiable pour vos interlocuteurs. L’autre jour, je déjeunais avec une journaliste éco qui me disait : » Le 1er critère que je prends en compte quand je vois mes mails, c’est l’expéditeur. Si je le connais et que j’ai confiance en lui, j’ouvre systématiquement son message ! »
Fournir du contenu…
Aujourd’hui, les Relations Presse (et les Relations Publics en général) sont à la croisée des chemins avec le marketing, les métiers du web, l’éditorial… On a parlé des RP 2.0, mais qu’en est-il des RP 3.0 ? Je pense sincèrement que le futur des RP réside dans une convergence pluridisciplinaire des métiers de la communication. Il va falloir penser union et association de compétences pour aller toujours plus loin et ne pas voir mourir notre métier à petits feux. Alors quand je parle de contenu, j’entends par là la création de contenus audiovisuels comme des infographies, des études, des vidéos… qui pourront alimenter les échanges et créer du brand content, chose qui manque parfois cruellement aux RP d’aujourd’hui…
Mais petit hic. Forcément, qui dit création, dit ressources supplémentaires. Ressources humaines, et ressources matérielles. Je me pose donc la question : si les grandes entreprises peuvent plus facilement investir dans des projets d’envergure pour développer leur image de marque, est-ce que les plus petites structures sont prêtes à investir plus de budget pour prendre le train en marche ?
Je suis justement en train de réfléchir, avec une consoeur RP, à monter un projet qui irait en ce sens. Je suis persuadée que les RP ont un bel avenir devant elles, mais il faudra faire preuve d’une sacrée faculté d’adaptation, d’une petite dose de culot et de beaucoup beaucoup de passion !! Mais ce n’est pas ce qu’il nous manque.