« Le musée doit répondre en terme de communication a une double approche, la première faire vivre l’institution, les collections, communiquer sur son histoire, son architecture, la spécificité des collections et leur aire géographique.«
À la rencontre d’Hélène Lefèvre, Directrice de la communication et de la stratégie numérique du musée national des arts asiatiques.
Hélène Lefèvre, quel est votre parcours, quels sont vos périmètres d’activités ?
J’ai un parcours en journalisme et une expérience confirmée dans la fonction de responsable de communication au sein de plusieurs établissements publics sous tutelle du Ministère de la Culture, le dernier en date étant le musée Guimet (MNAAG) dédié aux civilisations du continent asiatique. J’ai créé le service et mis en place les principaux domaines de communication à mon arrivée au moment de la rénovation. Ce musée dont la collection couvre cinq millénaires a subi une transformation de son architecture en 2001, il est actuellement le dépositaire de 60 000 œuvres référencées et son fonds ne cesse de s’enrichir. C’est une chance d’avoir pu créer le poste dans un secteur aussi riche et évolutif qu’est la communication.
J’interviens dans le domaine des relations presse, partenariats médias, publicité, affichage, communication numérique.
Quelles sont les évolutions de métiers et quels ont été vos plus grands challenges ?
Il est clair que les mutations des métiers engendrées par la généralisation des sites internet et des réseaux sociaux par la suite est un phénomène planétaire et que la plus grande évolution du métier de communicant – et je dirai même révolution – est celle du numérique. Celle-ci a bouleversé les habitudes de travail, remis en question l’élaboration des plans de communication d’évènements ou d’expositions qui ne juraient que par l’affichage classique et unique, reposé la question cruciale de l’image en tant que vecteur d’influence.
Pour un musée comme Guimet qui est certes un musée national à vocation internationale mais qui ne rentre pas dans les mêmes catégories qu’Orsay, le Louvre, Versailles ou Branly Jacques Chirac, les ressources en tant que moyens financier ou humain peuvent être évolutives, pas obligatoirement consolidées d’une année sur l’autre pour ce qui concerne notamment le service de la communication. Nous devons développer des aspects créatifs, de sorte que la contrainte nous incite à une manière différente et constamment renouvelée de poser les objectifs et d’atteindre les résultats, c’est à dire obtenir de la visibilité externe, cibler les lieux de médiatisation en fonction des publics à toucher, fidéliser les publics pour mieux les faire revenir ainsi que diversifier les tranches d’âge et les univers sociaux professionnels. Quant à la multiplication des canaux je dirai que c’est la réalité des usages mais que c’est un atout pour que la stratégie numérique soit pensée, mûrie et articulée. Le service de la communication que je dirige vient justement d’être renommé « service de la communication et de la stratégie numérique » ce qui donne la tonalité actuelle des enjeux mis sur le digital et de l’omniprésence de la sphère numérique dans le dessein politique. Pour revenir sur l’évolution des métiers, il m’apparat important de souligner que si les évolutions sont espérées, elles se doivent d’être pensées en liberté et non de manière obligée.
Quels sont les enjeux et les objectifs 1ers du service Mkg/Com au sein de … Quel est le contexte ?
Pour le service de la communication et de la stratégie numérique, l’enjeu est d’abord la présence de l’image dans les médias, médias sociaux et espace public, associée à un dynamisme et une qualité permanente derrière chaque projet, ceci en ayant toujours présent à l’esprit l’exigence sous toute ses formes. Que ce soit l’image institutionnelle des collections permanentes, les missions archéologiques en Asie attachées à l’histoire française, les personnalités qui ont marqué l’Institution par leur recherche ou bien les expositions temporaires, y compris l’art contemporain qui y est développé : intérêt du propos, beauté des objets, prêts ou acquisitions emblématiques, dynamisme des achats, dons ou legs etc… Chaque promotion d’évènement quel qu’il soit sous-tend un rayonnement médiatique et donc une parfaite maitrise des questions de visibilité. Le musée doit répondre en terme de communication a une double approche, la première faire vivre l’institution, les collections, communiquer sur son histoire, son architecture, la spécificité des collections et leur aire géographique. A côté de cela une dizaine d’expositions s’organisent chaque année et nous devons les rendre attractives, visibles, voire exclusives aux yeux des médias, du public et de l’opinion en règle générale, de sorte que le musée national des arts asiatiques-Guimet devienne un lieu unique à Paris et dans le monde pour son fonds exceptionnel et son action.
Comment êtes vous organisé ?
Nous sommes actuellement trois au total, tous qualifiés en communication. Concernant les collaborateurs l’un est positionné en presse et image, le second en numérique et réseaux sociaux. Un nouveau collaborateur devrait rejoindre le service prochainement afin de s’occuper prioritairement des promotions de communication en lien avec la programmation artistique et culturelle. Il arrive que nous ayons de temps à autre des stagiaires missionnés sur des opérations ponctuelles. Nous sommes une petite équipe très motivée, réactive et structurée pour répondre aux différentes sollicitations qui sont nombreuses avec une pluralité des domaines et des sujets.
Parlons Contenu, aimeriez vous voir ces investissements évoluer et comment ?
Bien sûr, toute évolution fait partie du métier de communicant. Nous sommes à la frontière entre un monde qui peut paraitre encore archaïque parce que s’adossant à une histoire centenaire,- le monde des musées – et une nette tendance à l’innovation dont le digital fait désormais partie et illustre ce point de basculement. Actuellement le service de la communication et de la stratégie numérique est entré en réflexion sur la refonte du site internet prévue pour 2019 qui a réellement besoin d’être repensé et de s’affirmer comme une fenêtre moderne et attractive destinée à tous les publics avant, pendant et après la visite. Tout comme les audioguides qui sont devenus obsolètes, il faudrait que le multimédia prennent le relais en salle avec des supports modernes et simples à utiliser. Mais pour le moment nous observons et nous travaillons préalablement à murir les projets à venir avant que ceux-ci ne se concrétisent. Nous nous orientons pleinement vers une forme d’éditorialisation qui est déjà remarquée sur chaque compte de réseaux sociaux et qui expliquent le dynamisme du MNAAG. Les enjeux sont à la hauteur des attentes des communautés en ligne et c’est un peu notre travail de repenser les outils de communication en suivant les usages des internautes qui construisent une véritable société numérique. Actuellement nous réfléchissons à l’investissement des réseaux sociaux chinois et à préfigurer une politique numérique in situ.
Quels sont les freins auxquels vous êtes confrontés ?
L’administration est une grosse machine, parfois un peu trop prudente, parfois audacieuse. Nous nous situons à la croisée des points de vue, c’est-à-dire qu’il faut convaincre, justifier et comparer en permanence, tout en ayant le sentiment d’avoir la confiance des interlocuteurs qu’ils soient interne ou externe et le vent en poupe.
Nous sommes donc libres de proposer les projets en amont mais contraints de les faire confirmer par les responsables.
Parlons Diffusion, le contenu c’est bien mais la diffusion c’est mieux. Quels canaux utilisez vous pour diffuser vos contenus (Presse, RS, email, évent, pub…) et pourquoi ?
Nous utilisons un logiciel de diffusion pour nos envois de newsletter. Cette dernière est actuellement en refonte et d’ici la fin de l’année nous devrions avoir une nouvelle présentation plus moderne, plus visuelle, plus dynamique. Concernant les envois ciblés (presse par exemple), nous utilisons le même canal mais en le configurant sur mesure. Quant aux réseaux sociaux, le chargé de communication numérique alimente et publie les différents posts que ce soit sur facebook, twitter, youtube. Nous avons 163 000 abonnés sur les réseaux sociaux , 45 000 abonnés pour la newsletter. Il arrive parfois que nous passons par des sponsorisations selon les évènements et que ces opérations soient utiles et donnent plus d’influence.
Quelle est d’une façon globale la stratégie de visibilité que vous avez mis en place ?
A l’échelle du service nous avons un plan de communication annuel et nous mesurons, en fonction des évènements de l’année, comment positionner la communication et vers quoi il convient d’investir. Notre arbitrage consiste à définir les sujets qui nécessitent un investissement ou non, ceci est le point de départ de la stratégie. Il y les partenaires médias qui entrent dans le dispositif et également la question de la veille qui demeure essentielle. Pour résumer je dirai que la stratégie de visibilité consiste à occuper le terrain tout en restant parfaitement maitrisée, avec le retour d’expérience pour chaque opération.
Adaptez-vous vos contenus selon vos différents canaux ?
Oui pour moi c’est la clef d’une bonne communication, ce qui n’entrave pas ni la méthode ni la nouveauté.
Quelles sont selon vous les ingrédients d’une stratégie de contenu réussie ?
Une stratégie de contenu est réussie lorsqu’elle cultive les temporalités le tout dans une parfaite unité et une pensée globale. Il doit y a avoir une prise en compte de l’ensemble des supports : site internet, réseaux sociaux et newsletter, de sorte que la diversité des canaux ne freinent pas la ligne stratégique. Devant l’abondance des sujets et l’immédiateté des actions, il est plus facile de communiquer tous azimuts sans chercher de fil conducteur ce qui est voué à l’échec. Un angle d’attaque, un message fort, un visuel qui donne envie, une histoire à raconter, quelques exemples qui, s’ils se combinent ensemble, donnent le résultat escompté.
Parlons Influence, quelle est votre définition de l’influence, est-elle forcement positive ?
Par définition l’influence est positive puisqu’elle joue sur une attraction voire une séduction à l’adresse d’une communauté de personnes. Je dirai qu’elle peut ne pas rester positive si l’on rate les messages à répétition. Pour qu’une influence soit positive il convient à mon sens de préserver une forme de légitimité dans la parole et de crédibilité dans les messages.
Qui sont « vos influenceurs » et pour quels objectifs ?
Pour le moment nous cultivons un média influenceur qui est l’instagrameur du musée. Le compte du MNAAG a été ouvert en 2016 et aujourd’hui nous totalisons 17 000 abonnés. Nous confions tous les six mois une résidence à un artiste intagrameur prèt à relever le défi et nous venons de sélectionner le troisième artiste en résidence du MNAAG qui sera opérationnel à la rentrée. Nous pouvons dire que « l’objectif d ’influence » commence par l’instagrameur en résidence qui offre une véritable démarche artistique et nous accompagne sur beaucoup de sujets. La démarche artistique associée à l’éditorialisation des contenus constitue une œuvre à part entière que nous ne devons pas négliger, l’objectif étant d’obtenir une puissante image de marque associée à l’Institution. D’autres influenceurs ou blogueurs suivent les actualités et expositions du musée. L’objectif pour le service étant de fidéliser cette communauté en l’associant pleinement lors de rendez-vous ciblés pour des relais d’opinions qualitatifs.
Avez vous déjà fait un partenariat avec un média ou un influenceur ?
Nous avons l’artiste en résidence dont je viens de parler que nous pourrions qualifier d’influenceur. Nous faisons beaucoup de partenariats médias positionnés sur les expositions qui sont choisis en fonction des thématiques d’expositions. Beaucoup de projets sont réalisés en interne comme les plans de communication qui sont tous élaborés par le service de la communication, tandis qu’une agence de presse intervient de temps à autre dans le conseil et le suivi en relation presse uniquement.
Pouvez-nous nous donner un exemple réussi pour votre entreprise ?
L’exposition « Kimono – au bonheur des dames » a été un véritable succès tout au long de la période d’ouverture entre février et mai 2017 avec un record de fréquentation. Outre l’identité visuelle très réussie, il y avait eu une innovation dans l’affichage puisque pour la première fois les images animées (faisant défiler les kimonos anciens) étaient visibles dans les réseaux digitaux du métro et le service de la communication en avait conçu lui-même le montage.
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Plus récemment une autre exposition consacrée aux « Daymio, seigneurs de la guerre au Japon » a été organisée sur deux sites du musée et a occasionné des commentaires très élogieux sur la scénographie ainsi que les œuvres pour la plupart issues de collections privées (livre d’or, réseaux sociaux), sans compter de nombreuses files d’attentes. Il y a un véritable engouement pour les sujets japonais. Cela tombe bien puisque à l’automne nous ouvrirons une exposition intitulée « Méiji – splendeurs du Japon impérial » qui réunira 350 objets somptueux représentatifs de cette ère capitale pour l’histoire du Japon, lorsque le pays s’ouvrit au monde et considéra l’Occident comme une référence dans de nombreux domaines.
Parlons Mesure, comment mesurez-vous le trafic, le nombre de leads, le nombre de retombées medias, le nombre de partage réseaux sociaux?
Pour le site internet, la newsletter et les réseaux sociaux, nous avons des statistiques qui parlent d’elles-mêmes, les voici :
- La lettre d’information ou newsletter : 45 000 abonnés
- Site internet : 1 000 000 visites par an
- Réseaux sociaux : 160 000 abonnés (facebook, Twitter, Instagram et Youtube).
Quant aux retombées médias, nous avons un prestataire de veille en presse nationale et nous recensons environ 2500 retombées presse par an, sans compter d’autres recensions qui ne sont pas relayées dans le cadre de l’abonnement de veille, ni les retombées presse internationale qui pour des raisons budgétaires ne sont pas incluses dans la veille presse.
Quelle est aujourd’hui le combat que les responsables marketing devraient mener ensemble – avez vous un appel à faire passer ? Une petite actu ?
Nous devons exister par l’omni présence des actions à valoriser ou plus simplement les faire savoir et aussi nous distinguer en toutes occasions, tout en veillant à la qualité de l’image et à la stratégie, sans lesquelles nous ne pouvons être gagnants.
Le message que je souhaiterai faire passer est qu’il ne faut pas se laisser aller à la facilité de diffusion mais conserver une rigueur qui touche l’ensemble des publications, sans chercher à s’enfermer pour autant. La maitrise des messages est la première des vigilances, la cohérence des communications et leur temporalité sont les paramètres à retenir pour tous les responsables qui veulent cultiver leur notoriété. J’ajouterai pour terminer que les responsables de communication ne sont pas obligatoirement des responsables marketing : communication n’est pas marketing, même si l’approche peut être complémentaire. Pour ma part, communication relève de l’influence et de la politique, le marketing se conçoit davantage comme une déclinaison de la politique.
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