Tribune de Delphine Jouenne (@enderbyDJO) et Cyril Chassaing (@enderbyCCH), cofondateurs d’Enderby – cabinet de conseil en stratégies de communication, relations publics et influence spécialisé dans les métiers de conseil s’adressant aux dirigeants d’entreprise, en France et à l’international (secteurs audit, conseil, finance, juridique, assurance et immobilier). Delphine Jouenne et Cyril Chassaing publient régulièrement des études ainsi que des articles sur le marketing et la communication des métiers de conseil aux entreprises dans les media économiques, financiers et juridiques. Ils interviennent chaque année à l’Université Paris II Panthéon-Assas pour parler de la communication d’influence de ces métiers devant les étudiants du Master II Marketing et Communication des entreprises.
Bon nombre de dirigeants, de grands groupes comme de TPE/PME, ont compris l’intérêt de Twitter en tant qu’outil précieux de veille, de communication et d’influence, complémentaire à Linkedin. Qu’en est-il de leurs « conseils » ? Voici quelques pistes pour permettre aux consultants, avocats, notaires, auditeurs, experts-comptables, investisseurs… de mieux appréhender l’univers de Twitter et de mieux s’en servir comme un outil désormais incontournable en matière de veille comme de visibilité auprès de leurs cibles clients dirigeants d’entreprises.
« Ça ne sert à rien », « je n’ai pas le temps », « mes clients ne sont pas sur les réseaux sociaux », « ce n’est pas adapté à mon métier », « cela ne rapporte pas de clients », « je ne vois pas ce que j’aurais à dire… surtout en si peu de caractères ».
Voici ce que l’on entend encore trop souvent aujourd’hui chez une majorité d’associés de cabinets de conseil, d’audit et d’expertise comptable ou encore d’avocats d’affaires, dubitatifs quant à l’intérêt de Twitter et inquiets face à un outil incontrôlable, parfois même considéré comme dangereux. Derrière les critiques, résident souvent méconnaissance et peur d’une forme d’avenir. Si Linkedin reste le réseau social le plus utilisé (et le plus compris) dans le monde de l’entreprise, on aurait tort de penser que Twitter est exclusivement réservé aux politiques et journalistes, ou pire aux adolescents en quête d’identité…
Ces professions restent encore en grande partie sur la réserve face aux réseaux sociaux, comme le révèlent plusieurs études menées par Enderby sur la digitalisation des acteurs du conseil*. Ces réseaux ne sont en effet pas encore perçus comme un moyen leur permettant d’être visible auprès de leurs cibles clients, pourtant de plus en plus présents et actifs en « digital networking » comme en témoigne le classement #DigitalBosses qui mesure l’influence des dirigeants français sur Twitter (hors patrons de presse). Quelques exemples pour ne citer qu’eux : Marc Simoncini, Jacques-Antoine Granjon, Jean-David Chamboredon, Françoise Gri, Laurence Paganini, Clara Gaymard, Henri Proglio, Alexandre Bompard, Serge Papin, Olivier Millet, Pascal Nègre, Stéphane Richard…
Les dirigeants français restent encore peu nombreux sur Twitter si l’on compare à leurs homologues américains mais l’on a pu voir circuler sur le web des vidéos dans lesquelles des dirigeants et entrepreneurs français actifs sur Twitter témoignaient de leurs motivations et des avantages qu’ils tiraient de leur présence sur le réseau social. Qui de mieux qu’un patron pour convaincre un autre patron ?
La génération Y prend le pouvoir…
Ces dirigeants sautent de plus en plus le pas, en particulier cette génération Y, « digital native », qui monte en puissance au sein des grandes fonctions dirigeantes ainsi qu’à travers tout l’écosystème des start-ups et de l’économie numérique. Cette tendance ne fait qu’apparaître l’urgente nécessité pour les métiers de conseil aux entreprises de suivre le rythme imposé par leurs propres clients et de s’adapter à leurs comportements vis-à-vis de l’information, des media, de l’influence. Les organes représentatifs de ces métiers s’y sont déjà mis et poursuivent leurs efforts pour inciter leurs professions à prendre le pas, qu’il s’agissent des consultants, avocats, experts-comptables, commissaires aux comptes ou encore les notaires. Pour cela, les professionnels du conseil devront se former à une utilisation pertinente de Twitter pour ainsi mieux comprendre le comportement de leurs clients et savoir être visible et mieux interagir avec eux, là où ils sont présents, pour prétendre être ou devenir leur « conseil ».
On peut se former très rapidement, de la création d’un compte officiel à la maîtrise des rouages et techniques pour augmenter de façon qualitative ses « followers », afin de mieux s’en servir comme outil de veille et de communication au service du business développement. L’objectif étant d’augmenter le nombre de ses abonnés et les interactions pour tisser un véritable réseau d’influence. Les métiers de conseil peuvent se faire accompagner ponctuellement ou sur la durée, en interne (service marketing/communication, community manager), comme en externe (agences de communication spécialisées), afin de définir et mettre en place une stratégie de communication digitale qui pourra être incarnée par le dirigeant ou le fondateur de la structure.
Twitter, revue de presse des temps modernes
En analysant les pratiques et les ressentis de dirigeants d’entreprises de toutes tailles, il en ressort que Twitter est devenu une plateforme d’informations et de veille qui permet d’avoir accès rapidement et efficacement à des actualités personnalisées. En suivant des comptes clés liés à son activité (media, journalistes, bloggeurs, politiques, syndicats, analystes, concurrents, instituts d’études, think tanks, économistes, etc.), en un coup d’œil rapide, le « twitto » peut s’informer et avoir une vision globale. Plus généralement, Twitter permet d’anticiper les nouveaux comportements vis-à-vis des media : les nouvelles générations lisent de moins en moins les supports papier dans leur intégralité mais plus volontiers des articles remontant sur leur « timeline » (fil d’informations) grâce aux comptes clés suivis. Désormais, nul besoin d’être abonné à de multiples journaux puisque l’essentiel est bien souvent disponible en ligne ou relayé par d’autres twittos. La nouveauté, c’est aussi la mobilité : Twitter est un condensé d’informations personnalisées accessibles à n’importe quel moment de la journée, sur ordinateur, smartphone et tablette, favorisant un gain de temps considérable. Une revue de presse du XXIème siècle pour s’informer, se tenir au courant rapidement et permettre au dirigeant de prendre des décisions.
Un outil de communication institutionnel
Nouveau média, média de média… Twitter est bien plus qu’un outil de communication. Permettant aux entreprises comme à leurs « conseils » de diffuser les informations sur leur structure (offres, services, actualités, articles, interviews, communiqués, événements, études, ouvrages, conférences, opérations financières etc.), le compte Twitter devient une vitrine, complémentaire d’un site internet, s’adressant à l’ensemble des parties prenantes de la structure (collaborateurs, clients, prospects, prescripteurs, analystes, syndicats, pouvoirs publics…), quelle que soit sa taille, la positionnant ainsi comme référence sur son marché. Il sera d’autant plus pertinent si l’on souhaite mettre en pratique un positionnement lié à l’économie numérique, la transformation digitale, l’économie collaborative ou l’innovation en règle générale. Dans un monde de communication à outrance et face à la désormais « jungle » de l’information, il faut arriver à se faire une place.
Il est impératif pour sa survie de savoir se rendre visible et de se faire entendre de façon pertinente, en s’appropriant les codes d’aujourd’hui.
À l’inverse, Twitter permet aussi de surveiller et contrôler son image et e-reputation en analysant régulièrement ce qu’il se dit sur sa marque et ses services, pour ainsi rétablir la vérité et contre-attaquer le cas échéant face à d’éventuels rumeurs et dénigrements, tout en veillant à respecter les temps courts et les temps longs propres à la communication de crise.
Un moyen de communication personnel : le « personal branding »
« Ne pas être présent, c’est être absent ». Le dirigeant utilise Twitter pour incarner la marque de l’entreprise et réagir dans des délais extrêmement courts, tout en s’adressant directement à ses publics à travers une seule plateforme et des messages synthétiques, il en va de même pour les « conseils » de l’entreprise. Twitter permet ainsi de donner le ton du leadership souhaité et revendiqué. Au-delà des informations institutionnelles liées à son cabinet, le consultant, l’avocat, l’expert-comptable… peut interagir avec les « twittos », prendre la parole sur l’actualité, interpeler les pouvoirs publics ou des journalistes, orchestrer son propre droit de réponse et devenir lui-même un vecteur de communication.
Cette pratique n’est toutefois pas sans risque : ce n’est pas le nombre de tweets qui fait la qualité du discours, encore moins une prise de position clivante. La rareté peut parfois rendre une parole plus audible, à l’instar de celle de Xavier Niel sur Twitter. Il faudra faire scrupuleusement attention à la teneur des propos et leur récurrence, afin d’éviter toute lassitude, polémique et critique négative pouvant porter atteinte à l’ensemble de la structure. Une charte d’utilisation avec des règles de bonne conduite pourra être définie, s’appliquant au dirigeant du cabinet ainsi qu’à l’ensemble des collaborateurs susceptibles d’utiliser Twitter à titre professionnel (process, dénigrement de l’entreprise, respect du droit du travail, opinions politiques, etc.).
Ainsi, le monde a changé et il devient important de changer avec lui pour garder une longueur d’avance et, pour un dirigeant comme pour ses « conseils », rester visionnaire. Utilisés à bon escient, les réseaux sociaux se révèlent être de vrais atouts pour les professionnels du conseil afin de se démarquer de la concurrence et mettre en avant leur business model et leur valeur ajoutée aux clients, au service du développement de leur activité. Et ce, particulièrement à l’heure où tous les secteurs de l’économie sont touchés de plein fouet par le phénomène d’ « uberisation » et de guerre des prix, qui n’épargneront pas avocats, auditeurs, experts-comptables, notaires, consultants ou tout autre métier de prestation intellectuelle aux entreprises.
Toutefois, les réseaux sociaux comme Twitter ne remplacent évidemment pas le système classique du networking, ils en sont simplement un nouveau levier complémentaire avec lequel les professionnels du conseil doivent désormais apprendre à composer pour développer leur influence auprès de leurs cibles clients.
Delphine Jouenne / Cyril Chassaing / Site : enderby.fr / Twitter : @enderbyPR / Linkedin
*Enderby a publié plusieurs études relatives à la digitalisation du secteur des métiers de conseil :
• Le conseil en stratégie et management face aux réseaux sociaux (février 2016, bientôt disponible)
• Avocats d’affaires & réseaux sociaux : les 100 premiers cabinets face au défi du numérique (octobre 2015) http://www.enderby.fr/actualites/une/2015/etude-avocats-affaires-reseaux-sociaux.html
• Profession du chiffre & réseaux sociaux : deux poids, deux mesures ? (février 2015) http://www.enderby.fr/actualites/une/2015/etude-profession-chiffre-reseaux-sociaux.html
• Capital-risque & réseaux sociaux : une sous-utilisation paradoxale ? (juin 2014) http://www.enderby.fr/actualites/une/2014/etude-capital-risque-reseaux-sociaux.html