#ParoledExperte
Tout comme de nombreux secteurs d’activités, celui de l’aéronautique, des aéroports s’adaptent face aux enjeux du développement durable. Entre innovation technologique, maîtrise des coûts, une demande client de plus en plus exigeante et une lutte contre le changement climatique, l’ensemble de cet écosystème doit trouver les solutions pour faire face aux enjeux énergétiques et environnementaux de demain. L’aéroport de Nice est engagé depuis longtemps dans cette vision responsable et c’est tout naturellement que nous avons demandé à Charlotte Pruvot, Air, Climate and Energy Project Manager – Aéroports de la Côte d’Azur, de nous donner son éclairage, sa vision sur ces enjeux de développement engagés et pour mieux répondre à la libre circulation de demain.
Déjà votre parcours et vos missions ?
Déjà très jeune, je voulais lutter contre la dégradation des océans et, à 33 ans, je fais partie de cette génération sensibilisée et engagée pour la planète. J’ai obtenu une Licence en science de la vie et des organismes et un Master spécialisé dans le climat et les risques sur l’environnement et la santé.
Ma première expérience (en stage) au sein de l’aéroport de Nice, m’a fait prendre conscience de l’intérêt de contribuer à ma petite échelle à la transition du secteur. L’accélération de la mondialisation les contraint à s’adapter et à apprendre à fonctionner différemment.
Avec votre sensibilité écologique, est ce que cela a été facile d’accepter le poste de chargée/responsable de mission air/climat/énergie pour l’aéroport de Nice ? Qu’est-ce qui vous a convaincu ?
Oui ça a été facile d’accepter car cet engagement-là est inscrit dans mon ADN et cette proposition concrétisait mon envie de participer à la transition devenue indispensable. D’autant que l’engagement environnemental ne date pas d’hier sur l’aéroport. Je suis arrivée au sein du département afin de renforcer l’expertise en matière d’émissions de gaz à effet de serre et de résilience au changement climatique, pour lequel des actions étaient déjà en place mais avec beaucoup encore à faire.
Nous devons entreprendre de nombreux changements dans nos modes de déplacements, de consommations. Cela ne signifie pas : un retour en arrière – comme beaucoup le pensent – mais plutôt d’adapter les progrès d’aujourd’hui dans l’aéronautique, mais pas seulement, aux nombreux enjeux de demain qui s’ouvrent à nous.
L’angle qui me plait le plus dans mon métier est que la transition nécessite des modes de pensées et de fonctionnement plus innovants. Je suis convaincue que nous pouvons accompagner le progrès différemment et plus durablement avec moins d’impact sur notre environnement et sur nos ressources. C’est l’atout de notre métier, nous abordons de multiples sujets, nous apprenons tous les jours sur de nombreux domaines qui entraînent des répercussions très différentes.
Une partie de mon rôle consiste également à accompagner d’autres aéroports dans des missions d’expertise notamment sur les inventaires de gaz à effet de serre et les plans de management carbone, ce qui est très enrichissant.
N’est-ce pas compliqué quand on est l’aéroport de Nice d’arriver à sensibiliser sur des thématiques environnementales et énergétiques ? Comment être audible ? Qui cherchez-vous à sensibiliser principalement ? Le grand public ? Vos parties prenantes ? D’ailleurs qui sont vos parties prenantes ?
Pas plus qu’ailleurs j’imagine. Dans nos parties prenantes, certains vont être moins sensibles au sujet ou à contrario celles-ci sont de véritables moteurs.
Nos parties prenantes sont bien entendu nos collègues, le personnel des sociétés travaillant sur la plateforme (compagnies aériennes, assistants, commerces & restauration, avitailleurs, etc.) ainsi que le grand public (passagers et riverains).
Il est cependant crucial de travailler ensemble sur une même trajectoire. Dans cette lutte contre le dérèglement climatique, l’effort individuel est important mais le collectif prime.
Nous échangeons beaucoup avec les acteurs du territoire car nous devons nous inscrire dans le développement de cet écosystème de manière durable.
Au-delà des enjeux cruciaux environnementaux, quels sont les enjeux économiques et business qui ont poussé l’aéroport de Nice à développer votre stratégie climat, stratégie que vous avez adoptée il y a déjà une dizaine d’années ?
C’est clairement notre « licence to operate ». La problématique environnementale a émergé avec des enjeux à impact local, tel que le bruit et la pollution de l’air. La stratégie climat lancée en 2020 permet de formaliser sa vision sur ces nouveaux enjeux.
Aujourd’hui, nous subissons le dérèglement climatique de plein fouet, et notamment en Europe où il était moins visible jusqu’à aujourd’hui. Il est de plus en plus palpable pour chacun d’entre nous dans notre quotidien notamment depuis l’été 2022. Chacun a son propre spectre de ce qui doit être prioritaire dans cette lutte.
Le secteur aérien représente 4% des émissions mondiales, c’est peu et important à la fois. C’est une activité qui est visible de tous mais pas forcément considérée comme primordiale pour certaines personnes. Elle est donc particulièrement attaquée et une partie de la population est prête à ne plus prendre l’avion pour agir face au changement climatique, ce qu’on appelle le « shame to fly ». Le secteur doit impérativement s’adapter aux enjeux actuels pour perdurer.
Notre plus grand enjeu économique c’est clairement notre image et notre réputation.
Pouvez-vous nous en dire plus sur cette stratégie climat d’entreprise ? Par qui est-elle pilotée au sein de l’aéroport de Nice ?
Cette stratégie est portée par le Directoire et déclinée au niveau des différentes directions supports et business unit de la société. La stratégie climat est la colonne vertébrale du plan stratégique de l’entreprise. L’écologie bien pensée, c’est un équilibre entre écologie et économie.
Elle s’inscrit donc dans les objectifs de l’ensemble des parties prenantes internes de l’entreprise (ex : la Business Unit Commerce challenge les sociétés implantant des commerces sur la plateforme à être plus vertueuses).
Si nous ne faisons rien, demain, nous ne pourrons plus poursuivre nos activités. Alors que le besoin ou le désir de voyager restera…
Quelles sont les actions environnementales et sociétales que l’aéroport de Nice a entrepris ?
L’aéroport a un plan d’actions environnementales à court et moyen terme, et cela depuis de nombreuses années. De nombreuses actions techniques et organisationnelles s’articulent autour de la réduction des consommations énergétiques telles le remplacement des ampoules énergivores par du LED ou encore la mise en place d’un système de management de l’énergie certifié. La décarbonation de nos activités est également au cœur des actions déployées comme, par exemple, l’électrification du parc de véhicules de service ou des solutions alternatives pour les véhicules ne pouvant être remplacés par de l’électrique (pour des raisons opérationnelles) avec l’installation de boitier à hydrogène sur le système d’injection du moteur permettant d’améliorer la combustion et ainsi réduire la pollution générée. En 2022, l’aéroport de Nice a également entrepris la suppression du chauffage au gaz naturel du terminal 1 et son remplacement par une boucle d’eau tempérée dont l’énergie proviendra du réseau d’eaux usées de la Métropole.
Sans oublier les actions sur tous les autres domaines environnementaux, tel que la préservation de la biodiversité avec des plans de gestion de la faune et de la flore spécifiques à chaque site ou encore l’installation de ruches sur les plateformes. Les actions à visée environnementale peuvent également avoir des bénéfices sociétaux. Cette année, l’aéroport de Nice a mis en place le don aux Restos du Cœur des objets confisqués aux passagers aux postes d’inspection filtrage. Cette démarche d’économie circulaire a également une valeur sociale en apportant une aide matériel aux bénéficiaires sur le territoire.
Comment mesurez-vous l’impact de votre stratégie et quels sont vos objectifs ?
Nous mesurons l’impact de notre stratégie avec les niveaux d’émissions de gaz à effet de serre émis par nos activités directes en tant que gestionnaire d’infrastructure : Nous visons une activité Net Zéro Emissions à 2030.
La transition n’est pas synonyme de régression mais de changement positif.
Je ne crois pas à l’arrêt de l’activité aérienne car notre modèle de société est construit autour de la mondialisation. Mais ce n’est pas antinomique, nous devons simplement changer de vision.
Le contexte mondial, les crises sanitaire et énergétique que nous vivons, alertent et changent la perspective des dirigeants. Ils sont désormais conscients qu’ils doivent devenir acteur du monde de demain. Nous mettons notre pierre à l’édifice dans le combat pour un tourisme plus durable.
Mini Bio : Charlotte Pruvot, Chargé Air Climat Energie – spécialisée dans les bilans GES et la stratégie d’atténuation du changement climatique.