#JaimeLaCom
Avec le premier confinement dans lequel de nombreux pays ont été plongés non sans sidération il y a plus d’un an, les musées ont dû s’adapter au pied levé et sortir définitivement de leur modèle classique.
Dans le monde virtuel versus le monde physique, il y a quelque chose de fascinant et de confortable à la fois : l’impression d’entrer dans un univers abyssal sans limites ni frontières, l’impression aussi de disposer à la carte, depuis chez soi ou en toutes occasions, d’une multitude de développements tous plus riches ou inédits les uns que les autres. Les vidéos Guimet underground ont pu être l’exemple du dévoilement des collections dans ce qu’elles ont d’intime, de secret et de fantasmé.
Hélène Lefèvre, Directrice du développement stratégique et des relations extérieures du Musée national des arts asiatiques – Guimet.
Les coulisses du musée, comme si vous y étiez
Au musée national des arts asiatiques – Guimet, la réponse numérique fut immédiate en 2020. Le Mnaag a chaussé des bottes de sept lieux afin d’être le tout premier à offrir aux visiteurs, un musée aux coulisses rêvées, le temps de cette mise à l’arrêt. Les vidéos « Guimet underground » ont pu être l’exemple du dévoilement des collections dans ce qu’elles ont d’intime, de secret et de fantasmé.
Lorsque la réalité virtuelle coïncide avec l’idée que l’on se fait d’un lieu secret non accessible, c’est bien l’imaginaire qui ouvre la porte au réel et transpose le regard. Les communautés se sont engagées suscitant beaucoup d’audiences et ces vidéos sont devenues des rendez-vous très attendus, tel des feuilletons où la fin de l’épisode appelait le nouveau. Tous ces contenus ont été élaborés avec l’appui scientifique de la Conservation du musée. Les splendeurs des réserves se sont alors révélées sous un jour inattendu et sous un mode spontané sans effet volontaire de mise en scène.
Lors du second confinement, le spectre s’est progressivement élargi et l’accent a été mis sur la connaissance d’autres aspects méconnus du musée : les mouvements d’œuvres, les réaménagements de salles, le récolement, les métiers spécifiques : conservateurs, restaurateurs, éclairagistes, monteurs d’exposition…
Séquencer le numérique pour rester dans un juste équilibre
Désormais, le musée a pris la mesure de l’importance du digital et poursuit ses innovations numériques avec une cadence régulière, même après son retour à la vie normale. Incontournable, le virtuel dans le musée est vital sans pour autant créer un déséquilibre puisque le musée est d’abord un lieu de vie et d’accueil des visiteurs qu’il souhaite retrouver nombreux après ces longs mois de mise à l’arrêt.
Une stratégie en réflexion
Aussi une stratégie s’est naturellement imposée après cette période expérimentale du premier confinement. Tout d’abord le musée a démarré la mise en place d’un partenariat de recherche -action sur trois ans avec Kedge Business School lui permettant de bénéficier de l’expertise d’une grande école de commerce. Innovations créatives, Masterclass pour les étudiants de l’école, conférences internationales, le but est finalement d’aider le musée par un ton créatif et décalé, à mieux se positionner dans ses orientations numériques, mais aussi à savoir s’adresser à une nouvelle typologie de visiteurs, toucher les jeunes notamment qui ne sont pas les publics les plus nombreux.
C’est ainsi que la série des visages d’Asie diffusée sur Instagram puis sur Tik Tok a été une innovation remarquée à l’ouverture du compte et qui doit désormais s’imposer avec la véritable ligne éditoriale du musée.
En effet, les collections du Mnaag abritent de nombreux portraits de divinités, empereurs, figures féminines ou masculines, très expressives. L’idée est de s’emparer de ces visages au travers de contenus ludiques et d’établir des correspondances visuelles entre le visage du visiteur et ceux des œuvres.
Un autre concept s’est révélé très intéressant dans les nouveautés numériques, ou le principe d’une conversation entre la présidente Sophie Makariou et l’artiste qui expose dans le cadre de carte blanches contemporaines ou d’expositions mettant en regard les collections du musée avec son œuvre. Ce fut le cas de l’exposition hommage intitulée « Bamiyan – des images et des hommes – 20 ans après ». Pascal Convert, plasticien, auteur du relevé photographique des falaises afghanes, explique son propos sur les réseaux sociaux au côté de la présidente du musée, dans une période où l’exposition ne pouvait ouvrir au public. C’est aussi pour cette raison que le musée a organisé en live streaming sur Facebook et YouTube une inauguration en ligne avant que l’exposition n’ouvre pour de vrai le 19 mai.
Le rôle des partenaires : artistes et influenceurs
Le rôle des artistes est prépondérant pour le Mnaag qui utilise leurs talents en toutes occasions, qu’il s’agisse d’un duo d’artistes en résidence chargé d’élaborer une bande dessinée numérique autour des « fantômes » du musée ou bien d’une sélection de jeunes talents, suite à un appel à projet, réalisant un contenu créatif et graphique pour la publication en ligne d’un atelier pour enfant chaque mercredi. Qu’il s’agisse également de musiciens dans le domaine de la musique électronique et acoustique, se produisant l’espace d’un soir dans la cour khmère du musée pour un nouveau Guimet [Mix], ou édition de concert exceptionnel que nous offrons au public sur réservation. D’ailleurs la dernière édition d’avril dernier a été entièrement numérique et a connu un grand succès, en attendant de pouvoir programmer une nouvelle édition en réel.
Une autre catégorie de prescripteurs que le musée a décidé d’entretenir est celle des influenceurs. Très solidement ancrées dans le paysage culturel, ce sont des communautés précieuses pour l’image du musée sur les réseaux sociaux, aussi nous entretenons avec elles des liens privilégiés et réguliers le temps d’une soirée, en présence du commissaire d’exposition.
Dans les mois à venir, le développement de visites virtuelles axées sur les collections du musée devraient mobiliser fortement l’institution. Il est vrai que les 60 000 œuvres que possèdent le Mnaag nous offrent l’abondante matière pour nourrir ces créations.