Qu’est-ce qui fait la réussite d’une marque ?

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#ParoledeMarCom

« La difficulté n’est pas de comprendre les idées nouvelles mais d’échapper aux idées anciennes. »

John Maynard Keynes.

Fort du succès rencontré à la suite de la publication du premier ouvrage en 2016, Marc Drillech, Directeur général de IONIS Education Group ; publie aux Ed Fyp le second tome mettant en lumière « 50 réussites exceptionnelles du marketing et de la communication ». Il met en lumière, ce qui a nourrit sa réflexion sur les notions même de « brand success », à l’écriture d’une pratique audacieuse pour chacune des marques sélectionnées ! Cet ouvrage démontre avec éclats le caractère des propositions de valeurs développés et qui traduisent toutes, une forme d’universalité créative, entre émotion et l’intelligence et qui fait écho avec le monde, l’époque, les cultures et les publics. Il y a pour chaque marque une rubrique «  à retenir » et c’est cela qui sera notre fil directeur !

Qu’est-ce qui fait la réussite d’une marque ?

Je vous remercie vivement de débuter cette interview par une question aussi complexe.

D’abord parce qu’il existe plusieurs raisons pour expliquer le succès d’une marque. Le pouvoir de son innovation ce qui distingue des marques telles que Dyson, Gillette ou Lego. Sa réputation historique qui crée la confiance car la marque est le « marqueur » de son marché et je pense à Ikea. Sa puissance et son leadership qui fait que toute nouveauté est, de toute manière remarquable… Mais il y a rarement réussite durable sans trois ingrédients fondateurs. L’aspiration est primordiale, l’envie de changer quelque chose dans le monde et d’apporter un plus ou un mieux, pas seulement la volonté d’être connu ou de gagner de l’argent. L’adaptation joue également un rôle déterminant afin de conjuguer l’essentiel de la marque et le monde dans lequel elle évolue, ses transformations, ses contradictions. Enfin, la relation que la marque entretient sincèrement, durablement, profondément avec ses clients, ses consommateurs, ses fournisseurs et partenaires comme ses publics internes.

Vous parcourez dans l’ouvrage un ensemble de success story de marques qui met en lumière différentes communications réussies et qui ne sont pas toute interchangeable entre elles ! Quels sont les ressorts ou les croyances de ces succès assumés ? Y a t-il une recette ou à l’inverse une vision audacieuse et extraordinaire pour continuer à vivre dans l’esprit et l’imaginaire du consommateur ?

Les ingrédients qui font le succès ne sont ni universels et ni mécaniques, pas toujours intemporels. Mais des constantes sortent de toutes les analyses et je me contenterai d’en citer trois. D’abord la croyance de la marque dans son destin, sa mission, ce qui fait qu’elle est sur terre et qui va guider l’ensemble de ses actions, de la conception des produits au marketing. C’est une vraie constante parce que cette raison d’être ne varie pas au cours des années. C’est la démocratisation du design par Ikea, la créativité de l’enfant rendue possible par Lego, L’aventure proposée à tous par Go pro, la capacité à unifier commerce et vigilance environnementale par Patagonia… Bref une grande idée mais derrière un homme, ou une femme, et surtout cette volonté de changer durablement le monde à sa manière et dans son domaine. Sans cela vous êtes facilement imitable et duplicable, perdant votre personnalité, affaiblissant vos capacités de faire la différence. Inversement, certaines réussites s’expliquent par la personnalité d’un dirigeant ou ses aspirations, par l’histoire spécifique d’une entreprise. Trois exemples : American Express et le « small business Saturday », Louboutin comme expression d’une vision du monde et de la mode totalement propre à son créateur, Energizer par la compréhension unique d’une « culture de l’impertinence » propre à l’outsider.

L’innovation n’est pas une finalité en soi, plutôt une mission permanente et essentielle ! Quels sont les marques qui se sont engagées dans cette communication basée sur la perfection et la performance ; avec quelles intentions et quelles représentations ?

L’innovation est depuis toujours un concept multidimensionnel. Quand l’une des facettes manque la dynamique s’affaiblit, les ventes baissent, les indicateurs vont plus ou moins rapidement au rouge. D’abord elle doit avoir un rôle, apporter de vrais changements que les gens peuvent assez rapidement comprendre. On peut escroquer une fois un client mais pas beaucoup plus donc les pseudo-innovations ne tiennent pas durablement la route et vos adeptes vous lâchent. Ensuite, l’innovation doit être comprise et surtout vécue donc apporter une expérience qui ouvre de nouveaux horizons, qui facilite la vie, qui rend plus intelligent, qui raccourcit le temps inutile. L’innovation renforce la marque quand tout individu comprend ce qu’il a à gagner et cela explique pourquoi la majorité des dites « innovations » sont des « me too » ou des obligations pour coller à la concurrence. Enfin, l’innovation doit donner du sens à la marque, la nourrir, l’enrichir, parce que le produit passe mais la marque reste donc elle ne doit surtout pas être déconnectée, en « libre pilotage ».

C’est la logique historique d’une entreprise qui a plutôt réussie dans le monde, Nestlé. L’entreprise inspire les marques, les marques nourrissent l’entreprise.

La rareté peut-être aussi un positionnement ! Mais ce n’est pas si simple dans nos sociétés contemporaines où la profusion et la disponibilité reste un atout déterminant dans l’espace relationnel et commercial entre une marque et son client ?

La rareté c’est le Graal s’il y a connaissance de son existence, appréciation préalable de la marque, compréhension de son utilité. Je suis heureux pour une marque qui crée une tronçonneuse totalement innovante et qui révolutionne la coupe du bois mais je m’en moque totalement. La rareté doit d’abord être considérée comme une exception attractive par celles et ceux qui sont impliqués par la marque et par le produit, qu’ils en soient les futurs clients ou distributeurs, qu’ils en soient les relais médiatiques, journalistes, influenceurs et bloggeurs. Dans ma petite vie de communiquant j’ai assez souvent rencontré des entreprises et des marques qui me présentaient fièrement une innovation, une rareté comme vous le précisez, mais qui semblait l’être surtout pour eux. Or la rareté ne vaut que par ce que le client va déterminer, pas par la seule évaluation de l’émetteur. Demandez à H&M quand ils lancent pour la première fois la série limitée par Karl Lagarfeld… C’est un très bel exemple de rareté bien structurée, bien pensée, bien lancée.

L’agence Elan Edelman vient de publier son étude In Brands We Trust ? Il y est indiqué que « 60 % des Français jugent que les marques utilisent les causes sociétales comme outil marketing pour vendre plus ». Pensez-vous aussi que l’exemplarité doit se concrétisée en actes, plus que par des discours ! Et si oui, qu’elle est la marque qui à vos yeux c’est le plus engagé éthiquement sur ce territoire ?

Cela me rassure et prouve finalement qu’en matière de communication les gens comme on dit sont bien moins ignorants, stupides et aveugles. Quand depuis des décennies vous vous battez en faveur de l’environnement, le bien vivre et le mieux consommer, comme Patagonia, comme Gerblé, comme Whole Foods, on vous croit. Quand soudain, après avoir été pop, rock, ska, rasta, grunge, vous devenez bel canto, on se demande de qui vous vous moquez. Les marques feraient mieux de faire puis de parler quand elles sont vraiment dans des processus vertueux, ce qui nécessite un certain nombre d’années, plutôt que de se précipiter vers les micros pour jouer les « vertes vertus ». Je suis persuadé après 40 ans dans le monde de la communication que ce qu’on nomme « les gens » sont finalement bien moins stupides qu’on ne le pense parce qu’ils ont tellement dû se faire avoir qu’ils ont expérimenté puis appris. Nous n’avons plus affaire à des idiots qui ne comprennent rien mais à des « experts de la com », en particulier quand on a affaire aux jeunes générations.

Piocher dans les codes du passé tout en faisant évoluer sa communication pour s’adresser à de nouvelles Comment construit-on une communauté autour de sa marque ?

C’est formidable la facilité d’utiliser des mots et des concepts forts en oubliant ce qu’ils signifient vraiment. Vous croyez qu’il existe vraiment une communauté Ducros ou Belle des Champs… un peu, sans doute, mais faut garder un peu de raison et ne pas donner n’importe quel sens au mot comme le marketing tend à le faire trop souvent… Une communauté, une vraie, c’est un ensemble de gens qui ont un attachement fort à une idée, une croyance, parfois une marque. Alors ils ne sont pas seulement des consommateurs, des prescripteurs mais également des promoteurs de cette dernière. Donc ce n’est pas donné à toutes les marques. Cela ne s’opère pas par la seule communication et sur des temps courts. C’est une question de respect des engagements, de confiance, de preuves.

Mais quand vous avez des adeptes qui sont capables de se faire connaître et communiquer, et c’est là la révolution des réseaux sociaux, vous avez un avantage compétitif unique.

A vous de ne pas plonger dans l’erreur de vouloir contrôler. A vous de respecter les membres, de ne pas promouvoir trop vos offres, de faire part de réactivité, d’écouter et comprendre avant de répondre et de persuader. Le temps n’est pas toujours l’allié des marques.

A l’inverse une marque qui démoli ses codes avec style est aussi une façon de se réinventer et diversifier sa cible. Les créatifs ont un grand rôle à jouer mais est-ce les seuls, n’y a-t-il pas d’autres éléments à prendre en compte ?

Malheureusement pour les créatifs ils sont de plus en plus interchangeables et de moins en moins idolatrés par les annonceurs si on compare l’époque aux précédentes décennies. Et si certains annonceurs restent attachés, heureusement, à ces créatifs qui jouent un rôle important dans le succès de marques, généralement par l’intermédiaire de grandes campagnes de communication, la plupart du temps la marque s’empare de la création réussie, se l’accapare et la considère comme sa propriété. C’est parfois une bonne chose parce qu’en étant garante elle évite l’envie de renouveau inutile, les changements pour les changements. Et puis n’oublions jamais, et la modestie n’est pas si diffusée que cela parmi les professionnels de la communication, qu’il vaut mieux ne pas confondre le locataire et le propriétaire. Dans ces époques de mobilité rapide et d’éclatement des outils, de la multiplication des leviers de communication et de milliers de freelances à la disposition de tout décideur, le principal partenaire passé, l’agence et ses créatifs, perd de son pouvoir. La multiplicité des partenaires en fait davantage des prestataires et les grandes histoires d’amour se transforment en passades.

Trop de mots, trop de phrases peuvent tuer un message. Quelle est la place du slogan aujourd’hui dans notre rapport aux marques ?

On oublie trop souvent, dans une époque qui surabonde en images de toutes sortes, ce qu’on nomme depuis la fameuse campagne de Paris Match le « poids des mots ». Les mots restent et s’écrivent aussi visuellement. Le fameux logo de Nike a une force qui n’est pas comparable au « Just Do It » parce que ce dernier, lui, a un impact visuel plus faible mais une force imaginaire plus puissante. Les mots sont des armes et le slogan est un outil parmi les meilleurs pour synthétiser l’idée qu’on veut que le public se fasse de la marque. Il suffit de voir comment, au cours d’une convention exceptionnelle, 2000 professionnels de la Maif, plébiscitent leur slogan « assureur militant » parce qu’il est la plus parfaite définition de ce qu’ils sont, de ce qu’ils croient, de ce qui les motivent.

Finalement, cultiver sa différence en l’assumant ne serait-il pas le graal tant recherché ?

Je le dirai autrement. Sans différence c’est le pouvoir de la force qui triomphe : les marques les plus connues et reconnues qui bénéficient d’une rente de situation, les marques les plus riches qui jouent du poids de leurs investissements. La différence c’est d’abord l’arme des outsiders, de celles et de ceux qui veulent une place au soleil. Les noms changent dans l’histoire des marques mais pas vraiment les mécaniques qui aident à la prise de pouvoir. Il faut lire et relire La Disruption de Jean-Marie Dru parce que c’est le manuel pour toute marque qui a l’âme d’une révolutionnaire, celle qui peut renverser les pouvoirs en place, les rentes de situation, la domination. Apple contre Microsoft, Pepsi contre Coca ; Avis contre Hertz… C’est l’éternelle histoire des révolutionnaires outsiders et des leaders dominants et la seule manière d’espérer une part du pouvoir c’est raconter une histoire alternative qui s’appuie sur une offre vraiment différente ou vraiment supérieure. Parce que Gillette, Ikea ou Leclerc n’attendent pas qu’un nouveau arrive pour organiser la riposte. Mais la différence qui va permettre aux outsiders de réussir doit être réelle, profonde, utile et compréhensible ainsi par tous. Quand Lidl quitte le hard discount pour s’installer au cœur de la bataille des grands distributeurs, il marque ce changement d’une stratégie très différenciatrice et gagne actuellement la bataille. Et quand Peta rentre dans la bataille des grandes causes, face à des centaines d’autres, il marque sa différence de manière tangible, visible et compréhensible, durable par des actions beaucoup plus violentes et visibles, médiatiques aussi.

La confiance, l’audace, l’engagement, la transparence et la créativité ne sont-ils pas les ressorts de notre indéfectible amour et relation envers les marques, une relation entre imaginaire et réalité, entre consommation et respect du public, un Brand Success à consommer sans modération ?

Votre dernière question est quasiment insupportable tant elle demanderait une bonne dizaine d’heures et de pages pour répondre…Sinon votre proposition de consommer sans modération Brand Success que je partage, elle, pleinement.

La notion de confiance me semble plus que pertinente. C’est le point cardinal parce qu’il est le moteur, ou parfois le frein, de ce qui unit une marque et un consommateur. L’idée que je peux me reposer sur la marque et le produit acheté ou le service. Que je peux compter sur son aide quand je veux (ce qui explique à quel point les gens changent d’opérateur téléphonique puisqu’ils proposent des services médiocres, des services dits après-vente médiocres, des numéros d’aide par téléphone plus que minables… alors on passe de l’un à l’autre et on s’étonne que la confiance dans ces marques soient relativement faibles).

L’audace est malheureusement incontournable car on réussit rarement dans la facilité, avec l’aide des distributeurs, des concurrents et des médias.

L’engagement, là je suis un peu plus réticent car c’est un concept utilisé largement par les marques et par le marketing et je préfère me défier des grandes déclarations d’amour… On exige des clients une fidélité mais les marques ne la tiennent pas quand ils changent les produits ou les emballages sans informer réellement les publics. Des multitudes de services sont proposés parce que les concurrents font de même et non pour aider les publics… Donc oui, des marques s’engagent, mais ce qui est appréciable c’est quand il est marqué par la durée et la profondeur. Enfin la transparence mériterait un autre livre car je me méfie beaucoup des promesses de bonnes intentions, des marques d’ailleurs comme des administrations ou des associations. Je ne crois pas à la transparence totale quand les enjeux concurrentiels rythment le monde des entreprises. Je crois à la capacité à construire une relation de confiance. Je crois à l’intelligence des entreprises quand elles comprennent l’importance d’apporter un service fiable, rapide, précis à ses clients. Je crois à l’intelligence des gens de marketing qui comprennent que dans un monde qui voit un buzz planétaire se structurer en moins de 24 heures ils ont sacrément intérêt à être vigilants sur ce qu’ils font, ce qu’ils proposent, ce qu’ils promettent. Les serments au nom de la transparence… Je préfère laisser cela pour les livres de fiction.

Marc Michiels

Marc Michiels

Rédacteur en chef Culture RP, Content Marketing et Social Média Manager : « Donner la parole à l’autre sous la forme d’une tribune, une interview, est en quelque sorte se donner à lire ; comme une part de vérité commune, pour qu'apparaisse le sens sous le signe… ». / Retrouvez-moi sur LinkedIn

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