#ParoledAgence
Si « themedium is the message » comme le prétend McLuhan, alors, c’est la manière de communiquer qu’il faut changer. Arrêter d’utiliser le verbe communiquer dans son sens transitif – communiquer un message – au profit de son usage intransitif : être en communication.
Tribune de Stéphane Billiet, Président de We agency
À l’occasion de son Summit de septembre prochain, le magazine Stratégies veut aider les professionnels du marketing et de la communication à « comprendre les attentes des consommateurs et les nouveaux positionnements gagnants des marques dans le monde post-covid. ». À l’agenda : utilité, proximité, personnalisation.
Présentées comme les nouveaux « défis pour les marques », ces notions pragmatiques donnent un coup de vieux à la communication responsable.
Ça y est, la « raison d’être » a pris le pas sur la RSE !
On dirait que chaque nouveau thème, vite essoré, doit laisser place à un autre, censément plus convaincant. Mais, à peine dits, déjà contredits, les « positionnements gagnants » se démonétisent de plus en plus vite.
La crise et les marketeurs/communicants
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Greenwashing, socialwashing, wokewashing, covid-washing… À croire que la communication est vouée à n’être jamais que de la com’.
Flash-back. Dans les années 1980, la starification de l’entreprise et de son dirigeant suscite une question identitaire. L’opinion demande à l’entreprise : « qui es-tu vraiment ? » En réponse, la communication corporate, fille des années 1990, use de superlatifs dans des films trop beaux pour être vrais. Résultat ? Un durable et profond climat de défiance. Devenue inopérante, la communication se déplace sur un terrain encore plus miné : celui des valeurs. Pas convaincue, l’opinion challenge la responsabilité sociale et environnementale, avec une mise en demeure : « prouve que tes engagements sont réels ! » En 2020, du fait de l’urgence sanitaire, économique, climatique, écologique qui transforme la crise du sens en crise totale, la question, posée cash, est carrément existentielle : « à quoi tu sers ? »
Pour l’heure, l’avalanche de bons sentiments semble tenir lieu de réponse. Hommages, gratitude, contribution à la société, la communication plaide l’utilité sociale, sur fond de « raison d’être ». Post-confinement, la palme de l’humilité (ou de l’opportunisme ?) revient sans conteste au Crédit agricole dont les collaborateurs « ne seront sans doute jamais aussi formidables » que leurs clients…
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Le problème avec la communication, c’est qu’elle est toujours suspecte. Problème de fond ou problème de forme ? Si « the medium is the message » comme le prétend McLuhan, alors, c’est la manière de communiquer qu’il faut changer. Arrêter d’utiliser le verbe communiquer dans son sens transitif – communiquer un message – au profit de son usage intransitif : être en communication.
Si les mots de l’époque sont réellement utilité, proximité, personnalisation, alors, la solution est dans la relation ! Le lien et le sens ne se conçoivent que dans la coconstruction. Même si l’épreuve de la relation peut faire peur, il est grand temps pour les entreprises et les marques de passer d’un rapport fondé sur la maîtrise de la communication à un rapport d’interactions à bénéfices réciproques, équilibré au bénéfice de toutes les parties prenantes.
Dans une société interconnectée, de plus en plus fluide, communiquer en espérant maîtriser le courant est illusoire. Désormais, il faut accepter l’idée de naviguer en continu dans un chaos relationnel faits de multiples interactions. Pour relever ce défi, la communication doit passer du monologue au dialogue organisé avec pour principes : la symétrie dans la relation, la collaboration fondée sur la conviction de la nécessité de définir ensemble un futur partagé, équitable et acceptable par l’ensemble des parties prenantes, l’empathie qui suppose que la participation des parties prenantes qui le souhaitent soit non seulement encouragée mais également facilitée et, enfin, l’engagement sincère et authentique qui veut que chaque partie s’engage au moins autant au bénéfice de la relation qu’au profit de ses intérêts.
Le monde d’après, dont il est tant question en ce moment, appelle une communication de plus en plus relationnelle, au risque d’être sans cesse disqualifiée.
Communication – 2e édition / Auteurs : Olivier Aim & Stéphane Billiet – Ed Dunod
Olivier Aïm est Maître de Conférences en Sciences de l’information et de la communication au Celsa (Sorbonne- Université), où il dirige la Licence. Ses recherches portent sur l’histoire et la théorie de la communication, des médias et des formes culturelles.
Stéphane Billiet dirige We agency, une agence conseil en communication relationnelle. Maître de Conférences associé au Celsa, il est administrateur du Syndicat du Conseil en Relations publics et de l’ADETEM. Il a publié Relations publics, 2e éd. aux Éditions Dunod.
Présentation du livre :
Quels sont les champs pratiques et théoriques de la communication aujourd’hui ? Pourquoi la communication est-elle devenue une valeur centrale dans la société contemporaine et un enjeu de plus en plus stratégique pour les organisations ? Quel est l’impact des médias et des réseaux sociaux sur les pratiques de communication ? En quoi les notions d’opinion, d’image, de réputation et, bien sûr, de relation, sont-elles structurantes ? Pourquoi la communication devient-elle relationnelle, au risque d’être disqualifiée ? Profondément redéfinie par l’explosion des médias sociaux et l’émergence de nouveaux comportements, la communication ne peut être envisagée hors du contexte de société dans lequel elle se déploie. Ce manuel, entièrement mis à jour dans cette 2e édition, ouvre les perspectives économiques, sociologiques, sémiotiques et ethnologiques indispensables à l’étudiant pour réussir son cursus d’études en communication.