#JaimeLaPresse
Quand on aspire à se faire une grande réputation, on est toujours dépendant de l’opinion des autres, il est difficile d’arriver aux honneurs par les services, si les manières et les amis ne les font valoir.
Quatre siècles après ce rappel de la marquise de Lambert à son fils, ce sage aphorisme est toujours d’actualité. Quitte à transposer services par produit ou marque, manières par comportement, éthique, et amis par influenceurs, opinion, publics…
La réputation est toujours affaire de perception, puis d’interprétation. S’il faut chercher de nouveaux enjeux à la réputation, c’est bien du côté de l’interprétation, variant avec l’air du temps au gré des grilles de lecture des publics plus que de la réputation en elle-même.
Pour sa part, la réputation et son impact sur le chiffre d’affaires est un invariant. L’image d’une entreprise est son premier actif immatériel et est souvent supérieur à celle de ses actifs matériels. Tesla, valorisé près de 100 milliards de dollars, plus que GM et Ford réunis alors que son parc comporte moins de 500 000 véhicules suffit à s’en convaincre. Sinon, un simple coup d’œil sur le classement Interbrand devrait vraiment emporter votre conviction.
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L’hubris de la revendication particulière
Si l’enjeu lié à l’image, donc de la réputation ne change pas, la grille de lecture et d’interprétation par les publics, façonnée par l’humeur du temps (Zeitgeist), ont profondément, violemment, évoluées. Comme notre monde. Nous vivons une époque étrange et anxiogène confronté à une double injonction de parer à l’apocalypse climatique – ou autre -, de la fin de l’histoire, du choc des civilisations, et Cyril Hanouna, tout en favorisant la croissance par la consommation, responsable ou non, faute de modèles alternatifs.
Des messages contradictoires avec lesquels ont grandi les millenials et la GenZ, nourris au biberon des réseaux sociaux – 70% d’entre eux commentent leur expérience sur un réseau social, d’un monde informationnel complexe et aux tensions économiques et politiques permanentes. Résoudre ces tensions passe à la fois par une affirmation de sa singularité, quelle qu’elle soit et un profond besoin de reconnaissance de cette singularité, faute d’un projet commun fédérateur.
Avec à la clé une hystérisation de la revendication, que ce soit lors d’une expérience transactionnelle avec une marque ou, plus largement, le comportement d’une entreprise, d’une filière, du politique.
Une trêve inattendue
Les propos ci-dessus ont été écrits avant la pandémie. S’ils restent valables, sans doute le seront-ils aussi dans un proche avenir. La crise crée une suspension, une sorte de trêve des confineurs et confinés. Reste que plus que jamais, nous le vivons en temps réel, la réputation d’une marque doit avancer et se bâtir au gré de ses enjeux et des aléas externes. Son comportement se doit d’être exemplaire tout en assurant un service sans failles. La réputation se joue sur cette mince ligne de crête entre réassurance permanente auprès de ses parties prenantes et prise en compte des enjeux sociétaux et revendications de tous ordres et de toute part : parité, inclusion, diversité, responsabilité écologique et environnementale, sociale, politique, traçabilité, transparence…et pour l’heure solidarité. La liste est longue et chaque élément de cette liste offre une couverture de risque pour subir une attaque de réputation ou informationnelle.
Pour l’heure, les entreprises ont pour la plupart compris que la solidarité était de mise. La crise sonnent une mise à l’épreuve des discours de RSE et autres missions fièrement arborées au fronton des sites corporate par le réel. Certaines n’ont pas résistées. Mais de nombreuses entreprises passent le test avec succès : service gratuit, formation, fabrique de masques et autre gel hydroalcoolique, entraide, la liste est longue et d’ailleurs recensées #BrandsGoAntiviral (sur le site notion.so).
Même s’il se trouve de mauvais coucheurs pour dénoncer ces actions réalisées avec l’argent échappé à l’impôt, ces attaques sont heureusement inaudibles tant elles sont déplacées.
Toutefois, chacun pressent bien que cette trêve n’est que provisoire et que les trolls de tous ordres fourbissent leurs armes prêtes à être utilisées dès le déconfinement. La résolution de la tension liée à la pandémie se fera sans aucun doute par une salve d’attaques d’autant plus paroxystique que la frustration engrangée est forte.
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Faites l’amour pas la guerre !
Avant la crise, les attaques pouvaient venir de n’importe où comme en témoignaient l’affaire de Kompromat subie par Benjamin Grivaux ou encore du slip français. Une soirée privée, des employés grimés en africains dans une mauvaise version d’un Michel Leeb ayant abusé de Mojito. Ce mauvais goût absolu, bêtement partagé sur un réseau social plonge une entreprise dans la tourmente.
Certes on est loin de l’affaire du « dieselgate » de Volkswagen ou encore de Nestlé et l’huile de palme, des attaques menées par des concurrents ou des Etats sont d’une autre ampleur.
Mais l’effet est identique à quelques milliards près, la surface offerte aux attaques par les personnes morales et personnes physiques est très large et leur mise en œuvre d’une facilité déconcertante avec les multiples outils et caisses de résonnances à disposition. L’incurie de certains médias n’étant pas une des moindres. Là aussi, même si certains sont revenus à leurs missions de base, informer réellement et factuellement sur des enjeux de santé et tenter de recréer du lien social. D’autres, en demandant l’avis de tout un chacun sur la Chloroquine ou en faisant une couverture sur l’avenir du monde vu à travers quatre hommes sonne comme un rappel de ces errements éditoriaux ante crise.
On fait quoi alors ?
On s’adapte. Bien sûr, il est difficile d’imaginer aujourd’hui une marque qui ne tendrait pas vers une responsabilité sociale et sociétale, qui ne soit pas inclusive, qui ne prône pas la diversité et une raison d’être des plus vertueuse. On produit de la viande sans viande, des chaussures sans cuir, de l’électricité verte, le consentement est un prérequis pour les données etc.
Mais cette trajectoire est fatalement asymptotique. La vertu est facile à prendre en défaut dans un environnement de guerre économique et informationnelle. La première parade est très simple : la surveillance de son environnement avec les outils de veille adéquats et si possible une attention portée aux signaux faibles.
Sur le fond, il y a déjà des gagnants, ceux qui ont joué le jeu de la solidarité, de l’entraide, transposés leurs discours en acte. Et des perdants, ceux pour qui ces déclarations de principe en sont restées à ce stade. Pour ces entreprises, l’avenir va être compliqué.
La gestion de l’image réclame une forme de pragmatisme. La demande initiale est celle d’un bon produit, d’un bon service et d’une expérience positive. Et elle le sera si on reconnait le consommateur ou le citoyen, si la proposition de valeur est positive et l’attention portée à l’autre et aux enjeux du moment non feinte.
Chacun cherche à travers les autres du réconfort dans un monde anxiogène. Un irritant quelconque, une incohérence entre discours et actes, une expérience négative et l’onde de propagation sera avérée : le bouche à oreille reste le premier levier au moment du choix.
Les publics sont volatils et volages, infidèles et impulsifs, bâtir son image est une guérilla phygitale permanente.
Tous les coups ont une portée.