Alain Garnier est co-fondateur d’ARISEM revendu à Thales, puis d’Evalimage. Il dirige Jamespot éditeur spécialisé dans les réseaux sociaux d’entreprise. En 2011, il publie son deuxième ouvrage co-écrit avec Guy Hervier, collection Hermès Lavoisier. En 2013, écrit le livre blanc le « Big Data et Réseaux Sociaux : mythes & réalités – la déclinaison pour les Réseaux Sociaux ». Il nous fait part dans cette interview de son expérience dans l’univers du Search.
Le réseau social d’entreprise est l’outil idéal pour partager des informations, interagir, collaborer et dynamiser l’activité d’une société au quotidien. Quelles sont, selon vous, les outils, les bonnes pratiques qui permettent d’accélérer les processus métiers ?
Les processus métiers sont multiples dans leurs formes, allant du plus structuré (des tâches répétitives), aux projets les plus collaboratifs & complexes. On a donc un spectre d’outils qui se divisent aujourd’hui en deux « camps » : d’un côté les processus métiers ramenés à des éléments structurés via les ERP, les CRM ou encore des Workflows. Ils assurent une certaine rigueur et une optimisation… mais font comme si le monde était carré… ce qu’il n’est pas! Un client n’est jamais le même. Sa demande non plus et ne se résume pas à un formulaire. De l’autre, les outils comme le RSE, non dirigés, qui permettent une création rapide, comme vous dites, d’interagir et de collaborer. Mais qui ne sont pas structurés autour du processus métier. Ces deux dimensions d’outils concourent à améliorer et accélérer les process métiers. Mais ils ne se parlent pas assez. La nouvelle génération d’outils devra prendre en compte cette dualité et penser ces deux dimensions en une seule interface. Voilà l’objectif.
En 2011, Google a sorti une version entreprise de son offre de réseau social. Quels ont été les impacts pour le monde du RSE et précisément pour votre solution ?
J’avais écris à l’époque que c’était une bonne nouvelle pour le domaine. Et ce fut le cas. Encore plus, lors du rachat de Yammer par Microsoft d’ailleurs. Ces deux mastodontes ont polarisés le marché et sifflé non pas la fin de la récré comme certains l’avaient prévu, mais la fin de « le RSE est un outil pour jouer comme Facebook ». Le marché du RSE a d’ailleurs bondi de +50% l’an dernier… malgré la crise. Maintenant, Google, pour revenir sur votre question, reste loin de ce marché. Son offre est, certes attrayante, mais fait la part belle à l’individu, pas à l’organisation. C’est le modèle de Google qui veut ça. Un utilisateur Google n’existe qu’une fois dans les outils Google. Là, où l’attente des RSE est de privatiser un espace pour la personne morale. Bref, Google a encore du chemin avant d’être un acteur dangereux. On peut dire que Google n’a pas encore provoqué d’impact dans le secteur. Il se bat déjà sur le mail… une technologie des années 80… contre Microsoft. Mais, bien sûr, il reste dangereux. Car il a, pour lui, le temps et les moyens.
La recherche d’informations en entreprise se complexifie, les volumes de données traitées par les organisations gonflent de façon significative et le traitement des données non structurées devient un enjeu » majeur. Pouvez-vous nous parler du concept de l’accès à l’information unifiée »?
Je reviens sur Google. Il a su nous proposer un accès à l’information unifiée. Pour le Web. 1.0 dira-t-on. Celui qui se lit et se parcourt. Maintenant, on est face à des applications plus complexes : les réseaux sociaux sont des systèmes d’interactions. Dès lors, fournir un accès unifié devient un problème d’une très grande complexité car il faut donner l’information en contexte, non pas de la sémantique de l’objet informationnel, mais de sa relation avec l’utilisateur. J’assiste à la même attente que celle que j’ai connu au début de l’indexation « plein texte ». Les technologies murissent. Les capacités augmentent. Le basculement est proche pour une vision globale sur tous nos systèmes. Ce sera le futur Google (cela peut être lui même aussi).
Si aujourd’hui, il ne fait plus aucun doute que nous pouvons trouver n’importe quel document rapidement, pouvons-nous pour autant analyser son contenu du point de vue des sentiments, des relations entre des marques, des concurrents sans avoir à rechercher dans ses documents des entités non connues ?
Je viens d’évoquer le search global. Vous abordez ce que j’appelle l’intra-document. Là aussi, il reste encore du chemin pour répondre à des questions complexes qu’on se pose tous les jours devant les moteurs de recherche. Là vous, parlez par exemple de la relation avec une marque. On peut imaginer que les réponses à une recherche « parfum » donnera des résultats différents selon le parfum qu’on porte ou selon ce que pensent vos amis des parfums. C’est donc le contexte extra-documentaire, social : moi, mes amis, le monde. Qui détermine ce qui m’intéresse. Que ce soit en positif (je veux la même chose que mes amis), qu’en différentiel : je veux porter un parfum différent des autres. La sémantique est évidemment une première pierre pour ce problème mais n’est qu’un filtre qui permet de mieux cerner les demandes. La vraie question est celle de la contexualisation par rapport à la demande utilisateur. Et sur cet élément, Google nous a dé-éduqué à fournir un contexte. C’est ce qui me fait penser qu’il aura du mal à sortir de son paradigme initial.
En 2013, vous écrivez le livre blanc le « Big Data et Réseaux Sociaux : mythes & réalités ». Pouvez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire : « Tout Data n’est pas du Big Data« ?
C’est d’abord en réaction à tous ces thèmes sur le BigData qui font flores alors qu’on est loin du sujet. D’où mon analyse critique sur cet effet de mode. Ensuite, même si elles sont nombreuses, des Data ne sont pas toutes propices à une exploitation. Aussi c’est par le croisement de la qualité et de la quantité qu’on peut vraiment parler de BigData.
Il n’y a pas un jour sans un article sur le « Big Data, le Small Data », mais quelle est selon-vous l’importance croissante du web sémantique dans nos futurs usages, à quoi faisons-nous allusion et surtout que cela va t-il changer pour l’univers des Relations Publics, du marketing et de la communication ?
Le Web sémantique a déjà -à mon sens- trouvé son débouché en mode « simple » mais efficace. Quand aujourd’hui, on pousse une page Web dans Facebook. Si le concepteur du site a mis les bons « tags » ou « balises sémantiques ». Bref, du Web sémantique (mais simple), celui que j’appelle « Le Web Sémantique pour les nuls » – mais dans ma bouche c’est tout sauf péjoratif- . Alors, l’utilisateur retrouve par exemple la vidéo qui était dans la page, le bon titre et un extrait de texte pertinent. Voilà un usage très loin des promesses grandiloquentes du Web semantique des « experts », mais qui pour un responsable de marque lui permet de pousser sa vidéo de pub virale de manière contrôlée. C’est donc une démocratisation de la façon de penser la diffusion des informations. Oui, cela concerne les responsables de communication. Maintenant, si on leur parle de Web semantique, ils seront perdus au milieu de concepts complexes, là où les usages sont pour eux.
Le temps s’est accéléré dans l’univers du « Search » et notamment grâce à un nouveau standard le RDF. Quel sera son impact selon vous, et pouvez-vous nous définir en quelques mots les principaux standards URI, SKOS, FRBR?
RDF n’est qu’un enfant de XML. Et quand on dit RDF en fait on n’a pas dit grand chose sur la sémantique sous jacente. Celle métier, qui permet de vraiment rendre les application intérropérables. En revanche, SKOS, qui permet de décrire des taxonomies de manière simple et efficace, semble être un standard qui s’impose tant du côté des producteurs de sémantiques, que du côté des utilisateurs de sémantiques : analyseurs sémantiques bien sûr, mais aussi moteurs de recherche ou encore les réseaux sociaux d’entreprise.
Ensuite, vous parlez de FRBR. Je pense bien sur à la BNF. Que je salue pour son travail de normalisation et d’ouverture de données qu’elle effectue. Je fais par exemple référence aux actions de Pauline Moirez sur ce sujet au sein de la BNF. C’est d’ailleurs intéressant de voir que les standards les plus robustes sont ceux qui sont des standards de faits. Et souvent, ce sont des acteurs majeurs, ou des communautés qui les font vivre. C’est un axe important pour l’industrie numérique que de se doter de standards.
L’interface est devenue un vecteur d’image d’une recherche réussie. Selon vous, dans quelle direction les moteurs de recherche vont s’orienter : entre une interface visuelle ou de sentiment ?
L’interface homme machine a connu une révolution à nouveau avec le mobile et le tactile. Les doigts et la peau ont ajouté leurs palettes à nos capacités d’interaction. Dans le même temps, le search reste bloqué sur cette boîte blanche. Signe obstiné du modèle Google. Aussi, il me parait clair qu’il y a quelque chose d’autre à inventer. Pour ma part, je pense que c’est plutôt vers la disparition/diminution de la recherche pour aller vers une mise en contexte permanent qui éviterait 90% des recherches que l’on effectue. Que chaque hésitation par exemple devant un mot, une image, un texte provoquerait des recherches contextuelles pour anticiper sur nos demandes et nos doutes.
C’est déjà ce que fait Google avec l’instant Search qui propose des résultats alors qu’on commence tout juste à taper. Pourquoi ne pas aller plus loin et proposer des résultats quand le système sent qu’on hésite?
Sur la liste de résultats, à ce jour aucune interface de présentation n’a su dépasser le modèle Google en compacité et rapidité. Mais là encore, plus le temps passe, plus il apparait comme évident que ce mode de présentation est « daté » et ne peut plus présenter les objets riches d’aujourd’hui.
N’est pas là une bonne nouvelle pour tous ceux comme moi qui aiment le futur et l’innovation?