Interview de Frédéric Fougerat, Directeur communication et marketing du groupe Foncia.
Exposer sa vie sur le web, n’est plus le sujet, où l’important est plus de se raconter comme une histoire, mais encore faut-il avoir quelque chose à dire, choisir son domaine d’expertise. Et comme tout bon communicant, il faut fédérer, séduire, écouter, entendre, regarder et voir tout en respectant ses valeurs, son ADN et sa singularité.
Frédéric Fougerat incarne de façon magistrale l’esprit de Marque ! En est-il devenu une ? Et si oui quelles sont les clés pour inscrire ses performances dans la durée. Faces d’une même pièce : qui accompagne la réussite de l’entreprise tout comme celle d’un individu. Comme si le rappel l’auteur dans son ouvrage un manager doit être au cœur de l’entreprise !
« Diriger une entreprise, c’est avoir une vision, déployer une stratégie et mettre en place une organisation. La vision est généralement celle du dirigeant, qui fait une stratégie avec l’approbation et le soutien d’un conseil d’administration, et la réalise en s’appuyant sur ses comités exécutifs et de direction… Celui ou celle qui imagine que, pour diriger, il faudrait tout savoir et tout savoir faire mieux que les autres se trompe. Diriger, c’est décider, et pour bien décider, il faut pouvoir s’appuyer sur les informations, les expériences, les savoir-faire dont disposent les experts qui vous entourent… Savoir déléguer est l’une des bases du management. Savoir déléguer, c’est accepter d’autres méthodes, d’autres chemins, C’est considérer que l’essentiel est de respecter la vision et l’objectif final. Ce qui compte, c’est servir la stratégie et les objectifs… Parce que la réussite ne dépend jamais d’une seule personne, elle est toujours collective. » – Philippe Salle, Président du Groupe Foncia.
Frédéric, 30 ans d’expériences, d’observations et de bon sens, est-ce les seules raisons pour avoir écrit ce livre ou une volonté de transparence ou de clarté ?
La seule et unique raison de publier ce livre, c’était l’envie de partager, comme j’ai commencé à le faire il y a quelques années sur DirComLeBlog, puis maintenant sur Twitter. Quand Studyrama m’a proposé de compiler mes « meilleures » tribunes publiées depuis une dizaine années, j’ai évidemment accepté, en proposant d’écrire pour chacune d’elle, par clarté et transparence, quelques lignes sur l’état d’esprit dans lequel j’étais au moment de leur rédaction pour les remettre dans un contexte. C’est mon expérience de manager que je partage dans cet ouvrage. Un condensé de 30 ans d’observation de la vie dans l’entreprise et des relations humaines que je tente de décrypter, analyser et comprendre, pour partager mon expérience d’un manager au cœur de l’entreprise.
Que signifie pour vous être un bon manager ?
Pour moi, un bon manager c’est la personne avec laquelle on a envie de travailler, de dépasser ses limites. Celui ou celle qui sait organiser et animer une équipe, donner du sens au travail, qui sait écouter, déléguer, soutenir et décider. Celui ou celle qu’on a envie de suivre quand il change de service ou d’entreprise.
Quand l’instantanéité relationnelle devient un enjeu pour les entreprises, est-il « raisonnable » ou « irresponsable » de tenter d’échapper aux réseaux sociaux ? En d’autres termes, comment être un leader éclairé plus soucieux de clarté que de transparence ?
Il ne peut pas me paraitre raisonnable de tenter de fuir la réalité. En même temps, il est vrai qu’aujourd’hui nos vies sont rythmées aux sons des notifications des smartphones. Cette instantanéité est à la fois une exigence de réactivité permanente, mais aussi une nouvelle source de stress, voire de pénibilité, que les experts du travail vont devoir de plus en plus considérer et intégrer dans les modes d’organisation.
L’instantanéité n’induit ni la clarté, ni la transparence. Les deux sont souhaitables et préférables. A une époque où l’accès à l’information est sans limite et les possibilités de communiquer ouvertes à toutes et tous, les entreprises ont intérêt à être les plus claires et transparentes dans leur communication, pour éviter d’être reprises, dénoncées, corrigées, ou pire, être prises en flagrant délit de mensonge ! Un cauchemar pour l’image et la réputation.
La valeur sociale est-elle une nouvelle valeur professionnelle ?
Sans aucun doute ! La valeur sociale, le niveau d’influence personnelle sur le web, devrait demain peser de plus en plus au moment du recrutement, assurément pour les cadres et les dirigeants, supposés être des références dans leur domaine, mais aussi pour l’ensemble des autres collaborateurs, potentiellement tous ambassadeurs 2.0 de l’entreprise. « Êtes-vous un influenceur ? » est une question qui pourrait donc devenir récurrente de la part des recruteurs. Et si le fort niveau d’empathie d’un candidat favorise son recrutement pour un poste de manager, la valeur sociale, et donc le niveau d’influence personnelle, devrait demain peser de plus en plus au moment du recrutement.
Quelle est la place de la marque employeur dans la communication globale de l’entreprise ? Est-elle devenue une marque et si oui quelles sont ses limites ?
La marque employeur n’est pas une marque à part. C’est une des composantes de la marque d’entreprise qui est Une et unique. La marque employeur n’est donc pas une autre marque qui supposerait une stratégie spécifique, une vision différente, ou une identité propre. En revanche, la marque employeur, que, pour éviter la confusion, nous devrions appeler communication employeur, se travaille en fonction des besoins de l’entreprise, de ses cibles spécifiques, ce qui peut nécessiter une stratégie de communication, des contenus sélectionnés et des outils dédiés. Bien évidemment la communication recrutement doit être cohérente avec celle de la marque et participe à la promouvoir. De la même manière, le travail de promotion de la marque peut avoir des impacts sur l’image emplyeur de l’entreprise.
La responsabilité sociétale ou sociale des entreprises est aujourd’hui partout. Enjeu de progrès pour certains, éléments marketing pour d’autres. La RSE, flirte avec un sujet sensible et toujours d’actualité : la réputation. A l’air des Fake News, comment prendre conscience des risques d’une mauvaise gouvernance et comment s’y préparer ?
Tout d’abord, assurément la RSE correspond pour chaque entreprise responsable et engagée à une démarche de progrès, à valoriser, initier, promouvoir, défendre… Parallèlement, il n’y a rien d’illégitime à exploiter en marketing ses avantages RSE, à la condition qu’ils soient réels et sincères. Le « green washing », permettant de rendre artificiellement « vertes » les pratiques d’une entreprise, est devenu très dangereux, car honteux quand la supercherie est dévoilée, et finalement nuisible pour l’image et la réputation.
Quelle est la place des médias traditionnels d’investigations dans le spectre global de l’influence pour une marque. Dans ce contexte, quelles stratégies de visibilité vous semble-t-elle la plus adaptée : le Paid, l’Owned ou le Earned Media ?
Les médias d’investigation, traditionnels ou pas, peuvent jouer un rôle dans l’influence de la marque, surtout un rôle négatif s’ils révèlent des pratiques contraires aux promesses de la marque, négatives ou trompeuses pour leurs clients, contraires à l’éthique, nuisibles pour l’environnement…
De son côté, l’entreprise doit effectivement utiliser la force, la pertinence et la complémentarité des Paid, Owned et Earned Médias, sur lesquels une entreprise ou une marque peut s’appuyer pour établir sa stratégie de communication. D’une part, les Paid Médias pour l’achat d’espace sur les médias online (bannières, mots-clefs payants…) ou offline (TV, presse papier, radio…), pour développer la visibilité de la marque et alimenter les Owned Médias et générer des Earned Médias. Ensuite, les Owned Médias, contenus, sites, appli, comptes sociaux… de l’entreprise, qu’elle maitrise pour développer une marque forte, mais aussi une relation forte, sur le long-terme avec les consommateurs et générer des Earned Médias. Enfin, les Earned Médias, ceux acquis par l’influence et non par de l’achat d’espace (avant bouche à oreille, aujourd’hui commentaires d’internautes, articles d’influenceurs, engagement social, SEO…). Là, l’exposition est gratuite, les contenus sont généralement produits par des tiers sur lesquels la marque n’a pas de contrôle, mais dont la crédibilité est maximum.
Les fake news sont-elles devenues un enjeu de communication pour les marques ? Et si oui peuvent-elles contourner l’ambition initiale de la désinformation en une idée nouvelle, celle de la liberté créatrice, celle que portent ceux qui maitrise le « Content is King » ?
« Content is King » est le principe de communication auquel je me réfère en permanence. C’est la base de la communication que chaque communicant ne doit jamais abandonner. Les fake news doivent, elles, souvent leur « qualité » à la crédibilité, ou à la créativité qui a permis de les imaginer. Je reste mal à l’aise à l’idée d’imaginer le principe d’une fake news pour servir l’image d’une marque. Même si la communication peut aussi avoir pour objectif d’orienter, attirer ou détourner l’attention sur un sujet, une situation, un produit, une personnalité, un évènement…, elle doit respecter une éthique minimum, celle de ne pas mentir, ni trahir la confiance de ses clients. La communication n’a pas à s’interdire d’être créative, jusqu’à provoquer un buzz, provoquer un bruit médiatique inattendu, mettre la lumière sur une marque ou une personne, pour créer une notoriété forte et rapide, permettant par exemple de booster les ventes d’un album d’un artiste préalablement inconnu ou oublier. Cela reste possible, sans avoir à aller jusqu’à la fake news qui risquera de rompre le lien de confiance entre la marque et ses clients. Une situation à bannir !