Culture RP a rencontré Stéphane Dangel Consulting et Formateur en Storytelling.
Vous avez publié le livre « Storytelling minute » en 170 histoires inspirantes prêtes à l’emploi. Pourquoi ce format?
Avec les éditions Eyrolles, mon éditeur, nous avons voulu sélectionner les VIP parmi les histoires utilisables par les managers, dirigeants, communicants, et de manière générale tous ceux qui exercent un leadership, quelle que soit sa forme, dans une organisation. Nous sommes arrivés à ce nombre d’histoires essentielles, particulièrement inspirantes. Elles sont prêtes à être utilisées tout en restant personnalisables par leur narrateur. Mais évidemment, il y a bien plus d’histoires que 170, qui pourraient être utilisées avec une très bonne plus-value dans les organisations, pour éclairer des concepts flous, illustrer des valeurs, faire comprendre certains messages abstraits, engager dans l’action… J’en rencontre de nouvelles tous les jours.
Quel est le secret pour introduire une histoire et la rendre vivante auprès du public?
Il y a surtout une chose à ne pas faire. Evitez de dire : « je vais vous raconter une histoire » ! Vous la tuez dans l’oeuf. Une histoire, c’est de la surprise, de l’inattendu. Et cela commence par la découverte de la magie que constitue le fait même de raconter une histoire. Ensuite, pour rendre une histoire vivante, il y a un impératif : il faut la rendre visuelle. Et pas seulement par le langage du corps, qui est néanmoins utile. Nous sommes dans le monde de l’entreprise, des organisations, pas au théâtre ! Vos mots doivent évoquer des images.
Comment devient-on un vrai storyteller?
Nous sommes tous déjà de vrais storytellers, depuis toujours. Nous sommes nés storytellers, c’est dans nos gènes. Un système pseudo-rationnel a juste essayé de nous persuader qu’il était mal de vouloir assumer les émotions et les utiliser pour communiquer. Mais ce système a été mis en échec, avec un symbole : celui de la mort par administration de PowerPoint (death by PowerPoint), ces présentations faites de listes à puces interminables, de tableaux de chiffres assénés… Tout le monde sait maintenant que ces présentations-là n’ont jamais inspiré personne, engagé personne, pas même leurs auteurs.
Comment peut-on utiliser les data pour développer un récit, une histoire? Le storytelling peut-il donner une âme aux données?
Les données, les faits peuvent aider à comprendre. Mais les organisations n’ont pas besoin que de compréhension : elles ont besoin d’action. Et il y a un mot qui rime bien, dans tous les sens du terme, avec action, c’est le mot émotion. Et les émotions, vous me suivez… sont des histoires, du storytelling. Ni les émotions ni la data ne se suffisent à elles-mêmes pour assurer l’efficacité d’un message. L’équation gagnante est une architecture équilibrée entre les deux. Les émotions seules sont du divertissement. Rien à faire dans l’univers des organisations ! Il ne s’agit pas de donner une âme aux données, mais une âme au message, fait, donc, d’un assemblage équilibré de faits et d’éléments plus émotionnels. Les données ne sont pas le centre du message, l’histoire l’est.
Construire, améliorer son storytelling, quelles sont les bonnes pratiques et les contre exemples?
Décrypter des romans, et surtout des films, est un bon point de départ. Car le storytelling, c’est cela finalement : on introduit un peu de l’art du romancier et du scénariste dans le monde des organisations. Essayez de déconstruire ces histoires : quelle est leur structure, leur rythme ? Les tournants de l’histoire, les points de basculement ? Mettez cela en parallèle avec les interventions que vous faites. Est-ce que vous y retrouvez ces éléments ? Si ce n’est pas le cas, restructurez votre intervention pour en intégrer.
A ne pas faire par contre : concevoir une histoire fermée, c’est à dire qui n’offre rien d’autre à l’auditoire que l’écoute, sans possibilité d’y mettre son grain de sel. Une telle histoire glisse autant sur l’auditoire qu’une communication traditionnelle. Je propose d’ailleurs sur mon site internet l’accès à quelques secrets de storytelling.
En quoi consiste le Workshop storytelling?
Nous, c’est à dire le public, les salariés, les consommateurs, n’en sommes plus à vouloir simplement écouter des histoires que les organisations, les marques voudraient bien gentiment nous raconter. Nous voulons participer, être les co-auteurs de ces histoires. Nous voulons être les acteurs de cette histoire. Les workshops storytelling répondent à cette demande forte de travailler avec les histoires. J’en organise de toutes sortes : analytiques, créatifs… On retrouve dans un workshop le côté ludique utilitaire que tout bon storytelling doit avoir. Voici un aperçu de ces workshops en vidéo :
La clé de la diffusion efficace de messages de communication ne réside-t-elle pas dans l’utilisation des médias sociaux les plus faciles et évidents? Quels sont-ils et pourquoi?
Il ne faut pas partir des médias sociaux mais de l’histoire. Quels sont les médias sociaux qui permettront de développer le mieux tel élément de l’histoire ? Parce qu’il ne s’agit pas de choisir un média et de vouloir l’utiliser comme canal unique de partage de son histoire. Il faut raisonner en terme de storytelling transmédia, multi plates-formes. Quel que soit le choix fait, le média doit toujours être au service de l’histoire. La page Facebook d’un personnage clé de l’histoire, le dialogue entre les personnages sur Twitter, la vidéo approfondissant un lieu clé de l’histoire…
Comment développer sa marque personnelle avec le Storytelling?
Il faut d’abord faire un gros travail de recherche sur soi-même. Nous avons un patrimoine narratif : il faut le faire remonter à la surface, le mettre en réseau, en tirer du sens. Développer sa marque, c’est avant tout être authentique : pas de faire l’acteur. Ne soyons toutefois pas aveugles : notre histoire est faite de vérité et de fiction. Nous comblons les trous de manière inconsciente par de la fiction, parce que nous avons horreur du vide. Nous n’y sommes pour rien : c’est notre cerveau qui fonctionne de cette façon.
Ensuite, il nous faut choisir un profil que nous sommes légitimes à incarner. Il y en a certain nombre, pas énormément en fin de compte : chacun d’entre nous ne raconte pas des histoires aussi diverses que nous l’imaginons.
Notre bagage narratif devra être indexé et prendre la forme d’une base de données d’histoires.
Ensuite, le plus facile : diffuser, partager, en suivant son plan, et en profitant des opportunités qui se présentent.