Culture RP a rencontré Marie-Laurence Cattoire à l’occasion de la publication d’un livret sur ses 30 ans de métier dans les RP.
Quel a été votre parcours?
Après un bac scientifique obtenu en 1980, j’entre à l’école des Beaux-Arts de Toulouse puis je décide de venir vivre à Paris, ville qui m’a toujours attirée. Je monte très vite une SARL pour produire et réaliser des vidéos d’entreprise. Un de mes clients, appréciant ma plume (j’écrivais les scénari et les voix off) et mon esprit de synthèse, me demande de lui faire un dossier de presse. Décembre 1983. J’ai 20 ans. Je dépose mon tout premier dossier de presse au salon Batimat (un salon leader de la construction et de l’architecture).?Une journaliste m’appelle quelques jours plus tard pour de plus amples informations ; fébrile, je saisis l’occasion pour lui présenter plus avant l’entreprise et lui envoyer d’autres photos.
Deux mois plus tard, l’information est publiée. Je n’en crois pas mes yeux, je trouve cela magique ! Moi qui m’étais formée aux beaux-arts et à l’audiovisuel, qui fantasmais sur une carrière dans la réalisation, je découvre ma vocation professionnelle : les relations presse !
Quelles sont les spécificités de Cattoire RP ?
Notre spécialisation Architecture, Maison, Décoration, Bricolage et notre forte expertise sur ces marchés. Par exemple, nous organisons et participons régulièrement à des workshops réunissant industriels, journalistes et influenceurs afin de dégager ensemble les tendances émergentes, qu’elles soient “techno“ ou “déco“. Nous valorisons également notre goût du « sur mesure », aux antipodes d’opérations industrialisées, notre équipe d’attachées de presse très stable (pas de ‘turn over’), et notre clientèle fidèle (pas de ‘one-shot’).
En 30 ans, le métier des RP a connu de profondes mutations. Quelle est selon vous la plus importante?
Je pourrais répondre la sphère des médias, l’arrivée d’internet, la fulgurance des réseaux sociaux, la rapidité de l’éxécution des tâches ou l’addiction à nos écrans… mais à mon avis le plus gros changement s’est opéré dans “la relation“. La relation client, la relation journaliste. N’aurions-nous pas parfois l’illusion d’être en relation parce que nous échangeons des mails ou parce que nous retweetons ? N’aurions-nous pas tendance à imaginer que le contact direct est chronophage et n’a pas l’impact d’opérations digitales ou d’envois en nombre, qu’un déjeuner relève plus de la distraction que de la construction à long terme ?…?L’enjeu majeur de ces prochaines années ne sera pas d’envahir le web (toutes les entreprises ne sont pas Coca-Cola) mais de redonner toute sa place à la relation humaine.
Et quel a été l’impact sur votre travail?
Nous passons aujourd’hui beaucoup de temps à endiguer le syndrôme du TTU (très très urgent)…
Dans notre secteur, l’embellissement du cadre de vie, nous ne comptons plus le nombre de journalistes de la presse écrite, radio ou TV, qui nous demandent, voire nous supplient, de leur envoyer des dossiers “papier“ et d’éviter si possible le mail qui, lui, est favorisé pour répondre à la demande plutôt que pour la créer. On voit ainsi se profiler deux outils complémentaires : le dossier papier fourni et richement illustré pour les informations produits et l’alerte mail pour l’actualité corporate plus “chaude“. Tout digital ? Pas encore, le papier, s’il est plus cher, est justement symbole du soin porté par un industriel à son information presse. Les prochaines années marqueront la fin des “surpromesses“ du digital (le digital ne règle pas tout et, quoi qu’il en soit, doit être au moins aussi soigné que le print), amenant les entreprises à réfléchir en profondeur sur les meilleurs vecteurs de communication.
En quoi le boom des médias en ligne et du web social a-t-il changé vos relations avec les journalistes?
C’est surtout le mail, au début des 90’s, qui a constitué la grosse révolution et bouleversé les temps de réaction. Dans notre secteur, les journalistes abordent les réseaux sociaux plutôt prudemment et à bon escient. Pour exemple nous avons créé une communauté informelle de spécialistes de la décoration et des tendances sur Facebook, qui nous permet d’échanger nos coups de cœur mais aussi de découvrir plus avant les affinités de chacun, de laisser une part plus importante, moins normée, à l’expression individuelle. Quant aux medias en ligne nous les travaillons avec la même qualité et le même soin qu’un media papier, sans jamais oublier que le plus important reste le contenu.
Qu’est ce qui vous manque le plus aujourd’hui?
Un puissant anti-spam pour mon i-phone ! Plaisanterie mise à part, nous souffrons tous d’une volonté acharnée à vouloir tout contrôler, tout maîtriser, tout mesurer (parfois avec très peu d’efficacité !) au détriment de la dimension d’aventure, de créativité, d’originalité. Certaines entreprises ont finalement peur de se démarquer.
Est-il plus facile de travailler aujourd’hui avec la multiplicité des relais d’informations qu’il y a 30 ans?
Oui et non. Les outils nous permettent de travailler plus vite, avec plus de légèreté, plus écologiquement aussi. En revanche le gros problème est devenu la qualité de l’information. Certains blogs polémiques de notre secteur sont ainsi entièrement opaques, sans possibilité de savoir qui écrit derrière, ce qui me semble une technique plus que douteuse. Il y a vingt ans, une ou deux pages de texte bien rédigées, envoyées au bon moment, à la bonne personne pouvaient faire événement ; aujourd’hui il s’agit de se démarquer au milieu d’une profusion d’informations de tous bords, de toutes natures, envoyées en continu… Le problème n’est plus de recevoir l’information mais de différencier l’intéressant du bluff, le vrai du faux, l’anecdotique du durable. Si nous sommes restées des référentes de confiance dans le fléau de l’infobésité, c’est que nous avons construit des relations solides avec nos interlocuteurs, et cela ne s’est pas fait en un jour ni via un bombardement de mails… Rigueur, disponibilité, sens des priorités, intuition sont plus que jamais nos atouts majeurs, indispensables à notre vision des relations presse. Il s’agit à présent de passer du “Big Data“ au “Right Data“ et là encore notre hyper-spécialisation joue en notre faveur.
Propos recueillis par Alexia Guelte Morot, Responsable Communication Externe de l’Argus de la presse.