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Tribune de Benoît Renart, Consultant Relations Médias – Agence RP carrées Netco Group
Le marketing d’influence mène-t-il à uniformiser un peu plus notre société ? Le marketing d’influence tel qu’il est construit aujourd’hui est-il réellement en phase avec les attentes des consommateurs ?
La manière dont nous consommons aujourd’hui, la façon dont les codes consuméristes sont construits ne sont pas nouveaux. Ils ont même un point de départ très précis. 1908.
1908, c’est l’année de la commercialisation de la Ford T
Cette voiture est considérée comme étant la première automobile vendue à prix abordable, et qui a permis à la classe moyenne américaine de découvrir les joies du voyage. La Ford T a été nommée voiture du 20ème siècle la plus influente du monde. Elle est aussi un symbole de l’industrie moderne, celle imaginée par son inventeur Frederick Winslow Taylor.
Avec la Ford T, consommer était simple : une voiture unique pour tous. Même couleur : le noir. Mêmes options : un volant et quatre roues.
Avec le temps, la ford T a inspiré d’autres constructeurs, la concurrence s’est installée, les modèles se sont diversifiés. Si on observe l’évolution récente de la marque Peugeot, les 104, 304 et 504 se sont transformés en 106, 206, 306, 406 et 506. Et aujourd’hui en 108, 208, 2008, 308, 308 SW, 3008, 4008, 508, 5008.
Mais le Taylorisme est resté. Car malgré la diversité des modèles proposés, 6% des français ont acquis une Renault Clio depuis le début de l’année. C’est la voiture la plus vendue en France. Et le top 3 représente 15,4% des ventes (1. Renault Clio 2. Peugeot 208 3. Citroën C3). Le choix des couleurs n’est pas non plus très varié : le gris et le noir sont devenus les stars de nos routes. Les constructeurs tentent par ailleurs de rationaliser leur production. La dernière plateforme développée par Volkswagen est désormais identique pour la majorité des marques du groupe. Que l’on conduise une VW Golf, une Audi A3, une Skoda Superb ou encore une Seat Léon, l’habitacle intérieur diffère peu. Les feux à l’arrière sont devenus les seuls signes ostentatoires de différenciation.
Le Taylorisme, qui est à l’origine un procédé de rationalisation industriel, a ainsi impacté plus largement nos modèles de consommation, nos modes de pensée. Car, malgré ce que l’on veut bien croire, nous consommons tous la même chose.
Est-ce le fait de voir toujours les mêmes types photos qui engage le désir ?
Et les plateformes sociales basées sur l’image, comme Instagram par exemple, en sont des illustrations parfaites ! Combien de photos avec une vue de hauteur d’une belle assiette sont présentes dans nos feed ? Des milliers, des centaines de milliers ! Et en plus elles nous font baver. Ce sont les mêmes photos qui aujourd’hui incitent, ou non, à découvrir un nouveau restaurant, à faire de Lisbonne, Porto ou New York des place to be touristiques.
Nous sommes nombreux à être partis à Porto au cours de ces trois dernières années. Lisbonne quelques années plus tôt. Le compte “@insta_repeat” démontre bien ce caractère uniforme de nos prises de position photographiques.
Mais si cette fameuse photo aux 1 000 like était prise autrement ? Sans cette belle lueur ? Sans sur-coloration ? Légèrement plus orientée sur la droite ?… Vous donnerait-elle autant envie ?
Notre société se “taylorise” chaque jour un peu plus. Bien sûr ce phénomène n’est pas nouveau – Nos parents ont tous eu une machine à laver de marque Candy. Mais ce sont les réseaux sociaux qui l’ont ramené sur le devant de la scène.
Alors est-il possible de déconstruire l’uniformisation ?
C’est pourtant une des clés du marketing de nos années 20. Proposer plus de sens, davantage de transparence et de proximité, faire vivre des expériences uniques…
Des marques stars tentent par exemple de donner la sensation à leurs clients de consommer des produits exclusifs. Et bien souvent en jouant la carte de la valeur temporelle, en se servant du vieux pour faire du neuf…
Pour 3,30 euros la bouteille de 20cl, Coca-Cola propose une personnalisation unique de son contenant emblématique. Une semelle translucide ? Une virgule fluo ? Une basket multicolore ? C’est le concept de la plateforme NikeID qui permet de personnaliser, à partir de pré-selections, ses sneakers blanches.
Des jeunes entrepreneurs jouent par ailleurs dans la même cour en proposant des services additionnels aux grandes marques, comme par exemple le concept pimpmystan. D’ailleurs la marque aux trois bandes arrive en tête du classement des marques les plus identifiées sur Twitter et Instagram, avec plus de 6,5 millions d’images uniques diffusées chaque mois, soit 154 nouvelles photos par minutes.
D’autres marques, dont certaines ont pignon sur rue, tentent de faire vivre des expériences uniques à des influenceurs ainsi qu’à leurs followers. Récemment, des influenceuses lilloises ont été invitées à une pyjama party par Flying Tiger. Pendant une soirée, des blogueuses, igers (= Instagramers) pour la plupart, ont pu inviter quelques-unes de leurs fidèles lectrices à passer une soirée ensemble au sein d’un bel hôtel lillois surplombant la Grand’Place. Une soirée pour tester les nouveaux accessoires de la marque, à l’occasion de la Saint-Valentin.
Mais ces expériences ne sont pas si nouvelles que ça. Déjà à la fin des années 90, le marketing direct promettait aux clients fidèles d’une marque de profiter d’avantages, d’exclusivités… Puis est venu le temps des ventes privées, en format afterwork, où des client(e)s trié(e)s sur le volet avaient l’opportunité de rencontrer le designer de la marque, de goûter aux mets d’un traiteur en vogue… Ce marketing direct était en réalité le précurseur du marketing d’influence que l’on connaît aujourd’hui.
Mais, malgré toutes ces personnalisations, le produit consommé reste le même… Les consommateurs, sont-ils vraiment prêts à être différents ? Sommes-nous finalement faits pour être uniques ?