Le marché de la photographie « bon marché » est en plein développement depuis deux-trois ans, des galeries se sont d’ailleurs placées sur ce marché en ouvrant notamment des espaces ou l’on peu acheter des tirages numérotés à des prix abordable. Quand aux photographes de presse, ils ont de plus en plus de mal à se financer.
Culture RP à rencontré Jean-Matthieu Gautier pour qu’il nous explique pourquoi et comment fonctionne Epic Stories?
Jean-Matthieu Gautier est l’un de ces photographes de presse : « Nous n’inventons rien de nouveau, nous permettons simplement à un public de faire entrer le photo reportage dans son intimité« .
Jean-Matthieu Gautier, vous avez créé une revue transmédia dédiée au photo reportage. Le site est aussi une galerie de photographies Fine Art, mais quelle est l’idée d’Epic-Stories?
Il s’agit pour nous de réconcilier le photoreportage avec la photo d’art – en permettant à des gens – des internautes en l’occurrence, de s’offrir des photos chargées de sens et d’histoire ! Un domaine qui était jusque-là réservé à quelques collectionneurs privilégiés. D’une certaine manière, nous entendons ainsi démocratiser la photo de reportage en lui donnant une nouvelle existence.
®Nicolas Datiche
Quels sont les prochains reportages qui seront publiés, et comment sont choisi les photojournalistes professionnels?
Nous aurons dans les semaines à venir un reportage sur l’Abkhazie, un pays méconnu et qui gagne pourtant à l’être ; un autre sur la pêche en mer et les conditions de travail d’un jeune patron pêcheur breton ; puis un encore sur l’urban farming, un phénomène particulier à la Chine où les villes se développent en morcelant peu à peu ce qui fait la vie autour d’elles. Les photographes sont tous des photojournalistes professionnels qui ont l’habitude de travailler principalement pour la presse. Beaucoup envisagent à un moment ou à un autre – ou sont sollicité par leurs proches pour cela – de vendre des tirages de leurs collections… Nous leur offrons une place et une structure.
Vous citez Albert Camus: « les journalistes ne sont-ils pas les historiens du présent? ». Comment allez vous mettre l’historicité contemporaine du langage visuelle en images?
Oui, il est important d’avoir en tête que la photographie de presse a toujours eu un lien étroit avec l’histoire avec un grand « H ». J’aime répéter que photographies qui illustrent aujourd’hui nos quotidiens ont souvent vocation à être un jour dans des livres d’histoire – il n’y a qu’à se rappeler le travail de Capa et notamment sa photographie sur le débarquement Américain à Omaha Beach ou celles de Nick Ut pendant la guerre du Vietnam, pour s’en convaincre.
La série de Corentin Fohlen sur la reconstruction d’Haïti s’inscrit pour moi dans cette logique : ces photos-là sont faites pour durer, leur valeur iconique me semble aussi évidente que leur fonction informative. Plus récemment, et dans une moindre mesure, nous avons intégré à notre catalogue une photo de Nicolas Datiche illustrant une forte tempête de neige à Tokyo. Cette tempête, les habitants de la capitale japonaise n’en avaient pas vue de pareille depuis 45 ans !
Dans un contexte où la presse tend à se chercher de nouveaux modèles (économiques ou simplement relatif à leur contenu), nous entendons proposer une alternative à l’immédiateté ambiante. Nous affirmons – sans rien inventer pour autant – que l’information peut prendre son temps. Commander un tirage destiné initialement à la presse et l’accrocher sur son mur correspondant à une nouvelle manière de « consommer » de l’information.
®Corentin Fohlen
Quelle place allez-vous donner aux médias sociaux et notamment à certains Community Managers, pour qui beaucoup sont d’anciens photographes ?
La place réservée aux médias sociaux est évidemment importante dans la mesure où peu de choses peuvent s’entreprendre sans eux aujourd’hui, a fortiori lorsqu’on est une revue en ligne ! L’aspect communautaire nous tient beaucoup à cœur également dans la mesure où nous nous adressons à un public particulier qui se reconnait dans les différents messages que nous voulons faire passer. Ce public est naturellement connecté, et naturellement engagé ! Faire vivre le photoreportage comme nous nous proposons de le faire l’a immédiatement séduit. Notre succès rencontré sur facebook dès la mise en ligne de notre projet (800 fans en à peine quelques heures !) en atteste.
Selon-vous qu’apporte le web 2.0 dans la logique multimodale de la communication?
Le web 2.0 a à mon sens la qualité de son défaut : cette fameuse immédiateté. Nous avons besoin de cette spontanéité pour faire passer notre message et en même temps nous nous adressons aux gens en leur disant que, sur epic-stories.com, ils peuvent prendre le temps de s’immerger dans une histoire. A cet égard, le web 2.0 m’apparait essentiellement comme un outils.
Quelles seront selon vous le regard de la profession sur le développement de votre initiative? Je pense aux agences de presse, aux festivals et notamment le Visa pour l’image?
Pour le moment, le public dont vous parlez est plus que réactif à ce sujet. Je reçois quotidiennement des propositions de sujets de la part de photographes indépendant ou de collectifs depuis notre mise en ligne mi janvier. L’enthousiasme est là ! Je n’ai pas encore contacté Jean-François Leroy mais je compte le faire dans les jours à venir et je m’étais bien sûr déjà garanti la « bénédiction » de certains grands noms de la profession quelques semaines avant le lancement du projet.