Culture RP : Quelle est votre définition des Relations Publics en 2016 ?
Thierry WELLHOFF :
J’ai envie de vous répondre par une formule qui me paraît bien s’appliquer aux Relations Publics : « Tout change et rien ne change ».
Tout change, car les relations entre les marques, les entreprises et leurs publics sont désormais soumises à des évolutions permanentes. Au‐delà de sa dimension technologique, le digital a impliqué et implique toujours de nombreux bouleversements qui modifient les modalités de la relation avec les parties prenantes.
J’en retiens trois principaux :
– Le premier bouleversement est connu. Il concerne à la fois l’espace et le temps. Les prises de parole et la circulation de l’information ne connaissent pas les frontières, elles sont immédiates et continues voir simultanées. C’est ce que certains appellent d’ailleurs la dictature de l’instantanéité.
– Le second s’applique à la relation en tant que telle. Parce que les publics sont multiples, connectés et interconnectés, parce qu’ils peuvent même devenir des médias à part entière, les marques, les entreprises et les organisations ne sont plus les propriétaires de leur communication mais n’en sont devenues que de simples parties prenantes. Certes essentielles, certes centrales, mais parties prenantes seulement. Nous sommes passés d’une communication verticale, maîtrisée, à des interactions horizontales, multiples et incessantes. L’entreprise parle à ses publics de moins en moins en tant que marque mais au travers de sa marque. Dans ce cadre, nos clients sont amenés à mettre en œuvre des stratégies relationnelles à la fois innovantes, et conversationnelles.
– Le troisième bouleversement concerne l’autorité. Une marque ne fait plus autorité par sa puissance mais relativement à ce qu’elle apporte à la société. Cela implique le déploiement de stratégies de contenus qui portent à la fois du sens, de la cohérence et de l’utilité.
La bonne nouvelle est qu’avec ces bouleversements, les entreprises et les organisations prennent progressivement davantage conscience de la puissance des relations publics. Elles représentent un levier majeur de modification des attitudes, des opinions et des comportements. Elles engendrent un « earned media » dont nos clients mesurent de mieux en mieux les enjeux en termes de création de valeur.
Donc oui, tout change, mais pour autant, rien ne change! Ivy Lee, plus que jamais d’actualité, disait dans les années 30 (soit il y a bientôt un siècle) : « les entreprises ne pourront subsister et croître qu’avec l’autorisation de leurs publics ».
N’est-ce pas criant d’actualité ?
De fait, notre métier consiste toujours à accompagner nos clients en termes de conseil dans la résolution de leurs enjeux notamment dans les domaines de la notoriété et de réputation. Les outils, aussi nouveaux soient‐ils, n’ont jamais constitué, en tant que tels, une stratégie. Nos clients auront toujours besoin d’expertise, d’idées et de créativité afin de créer de la préférence et de la confiance.
Culture RP : Quelles sont les tendances d’évolution du métier et des attentes clients?
Pascale Azria :
L’évolution n’est pas tant dans l’ADN du métier, qui elle n’a pas changé, mais dans son terrain de jeu qui continue de s’élargir, et dans sa pratique qui s’adapte aux usages des publics et aux demandes des clients.
Les 4 facteurs clés des relations publics sont tous en mouvement :
1/ La stratégie
Les PR intègrent le temps court et le temps long dans ses stratégies de communication afin de réaliser des coups de projecteur sur une actualité, tout en construisant la marque, en défendant l’organisation sur le long terme.
Or le temps court devient de plus en plus court (cf. newsjacking et real time par exemple), tout en conservant un regard sur le temps plus long pour s’inscrire dans une construction pérenne.
Par ailleurs, les clients tentent de connecter les leviers de communication entre eux. Et les relations publics, s’inscrivent ainsi naturellement en cohérence et en synergie au mix afin de développer la performance des stratégies de communication.
2/ La sélection et les relations avec les influenceurs
Cartographier les publics influents pertinents qui vont relayer/pousser l’information auprès des bonnes communautés est un enjeu majeur. De nouveaux canaux naissent tous les jours, l’influence et la pertinence de ces influenceurs fluctuent régulièrement. Et c’est notre capacité à suivre et à être à l’écoute constante et en échange perpétuel avec ces communautés qui nous permet d’être justes dans cette cartographie.
Et cela ne s’improvise pas au coup par coup.
Comme toute relation, cela s’entretient !
3/ Le brand content
Depuis toujours, nous créons de belles histoires pour nourrir la marque, pour donner du sens aux missions de l’entreprise. Et pour ce faire nous nous appuyons sur une excellente connaissance des sujets et enjeux de société actuels et à venir afin que le storytelling trouve un écho positif auprès des publics concernés.
Les relations publics intègrent aujourd’hui, encore plus qu’hier, l’idée créative au cœur du storytelling qui agit comme un accélérateur de diffusion de l’information. Et cela nécessite une compréhension plus fine, microchirurgicale des enjeux des communautés.
4/ Les mécaniques de diffusion de l’information
La technologique impacte fortement les outils. Qu’ils soient classiques ou innovant, ils doivent être créatifs.
Culture RP : La dimension multicanal du consommateur ouvre de nouvelles voies au RP. Quels sont les champs d’applications ? Dans quelle mesure les interactions entre le digital, les réseaux sociaux et l’opinion ont elles renforcées l’engagement des entreprises autour de la marque ?
Pascale Azria :
Les PR peuvent être un levier d’action à toutes les étapes du customer journey et donc à tous les points de contacts des publics, qu’ils soient physique ou offline. Les clients nous demandent de plus en plus de travailler l’exposition des publics aux messages mais également que cette exposition permette de faire évoluer l’opinion et qu’elle puisse agir sur les comportements. Qu’il s’agisse d’inciter des entreprises à se regrouper pour se faire entendre ou de développer le « drive to store »… les relations publics ont un champs d’action de plus en plus important et de plus en plus stratégique pour l’entreprise ou l’institution.
Culture RP : Quels sont, selon vous, les indicateurs de référence pour prendre la mesure de l’efficacité de ses campagnes de Relations Publics ?
Thierry WELLHOFF :
Avec l’ensemble des membres de Syntec Conseil en Relations Publics, nous accordons un intérêt tout particulier à la mesure de l’efficacité. Elle permet de mieux appréhender l’effet de levier des relations publics et d’amplifier la confiance de nos clients. Nous avons souhaité promouvoir ce sujet à travers le Référentiel de la mesure qui vient d’être mis à jour dans son édition 2016.
Pour débuter un projet de mesure, il convient de mettre en œuvre cinq points essentiels : définir des objectifs précis, déterminer, pour chaque objectif, des indicateurs associés, mixer les indicateurs quantitatifs et qualitatifs, prendre la mesure pendant plusieurs périodes équivalentes et analyser les évolutions, enfin, faire évoluer les objectifs et les leviers de communication en fonction des résultats mesurés.
Il n’y a donc pas de KPI « en soi », il n’y a de KPI que corrélés à une équation toujours spécifique : enjeux ‐ cibles – stratégie ‐ dispositifs mis en œuvre ‐ effets et résultats.
Sachant que les équivalences publicitaires ne sont pas représentatives de la création de valeur des relations publics, la mesure de l’efficacité consiste à étudier la portée et l’influence des messages émis. Cette mesure s’intéresse donc à la fois aux effets « intermédiaires » obtenus, en termes média et social média notamment, et aux effets sur les publics, leurs opinions et leurs comportements.
Le référentiel s’appuie sur une matrice (commune aux différentes disciplines qui relèvent du marketing) portant sur les grandes étapes du parcours client adapté aux relations publics : la notoriété, la connaissance et la compréhension des messages,
l’intérêt pour la marque et/ou ses propositions, la préférence, l’action (achat, souscription, vote, …) et la recommandation.
Autant d’indicateurs qui dépendent naturellement des objectifs que l’on se fixe à l’origine et qui s’adaptent au choix des différentes modalités de communication.
Pascale Azria,
Présidente de Syntec Conseil en Relations Publics
Directrice Générale Associée de Kingcom
Thierry Wellhoff,
Président de Wellcom