Patrick Cappelli, journaliste, innovation/ tech /marketing digital pour Libération, la Tribune, CB News et plus encore…
« Le problème majeur de la presse écrite est le vieillissement du lectorat…
les jeunes ne lisent plus la presse papier et ne reviendront pas. »
A l’occasion de la sortie du Rapport Cision 2018, Etat des medias dans le monde – étude menée par Cision auprès de 1 355 journalistes – Nous avons demandé à Patrick Cappelli, journaliste depuis 28 ans pour la presse spécialisée et économique, sa vision des médias, du journalisme et de son évolution.
Bonjour Patrick et tout d’abord merci d’être sur Culture RP !
Si vous deviez citer LA grande évolution du métier de journaliste ces 10 dernières années, ce serait laquelle ?
Sans conteste l’apparition d’Internet puis des réseaux sociaux, surtout Twitter.
Comment cela a-t-il changé votre métier au quotidien ?
C’est simple : Internet m’a ouvert les portes d’une bibliothèque mondiale. Avant, je devais aller dans les services documentation des titres pour lesquels je collaborais, où je lisais et photocopiais les articles et dossiers intéressants pour mes sujets. Un travail fastidieux et peu satisfaisant, car ces services de doc ne possédaient pas tous les journaux et magazines, et souvent très peu en anglais. Sans oublier qu’ils n’étaient ouverts qu’aux horaires de bureaux … Désormais, quelques secondes suffisent pour vérifier l’orthographe d’un nom, une date, enrichir mon papier grâce aux autres articles publiés. Avec Twitter, j’ai accès aux journaux et sites en anglais, principale source d’information pour la tech. Au niveau rapidité et ressources, Internet a vraiment bouleversé mon travail.
Avec le phénomène des fake news, ressentez-vous une méfiance croissante de vos lecteurs quant aux articles que vous écrivez ?
Je ne suis pas capable de dire si les lecteurs sont plus méfiants qu’avant : les commentaires sur les articles en ligne ont le plus souvent pour objet de critiquer. Je pense, ou plutôt j’espère, qu’ils savent faire la différence entre un titre « sérieux » qui recoupe et vérifie les informations et une source moins scrupuleuse. Mais vu la défiance généralisée du public vis-à-vis des médias et des journalistes (une des professions les détestées) ce n’est pas gagné … Comme j’écris principalement sur des sujets BtoB, je n’ai pas trop de problèmes de ce côté là car ce lectorat professionnel est bien informé sur les sujets traités. En revanche j’ai remarqué que les dispositifs de vérifications type Check News se multiplient (Libération, Le Monde), ce qui est une bonne chose.
A votre avis, quel est le plus gros challenge du métier aujourd’hui en France ?
- Garder la confiance des lecteurs malgré les fakes news ?
- Les atteintes à la liberté de la presse ?
- La distinction floue entre éditoriaux et publicités ?
- Les réseaux sociaux captant tout le trafic et l’attention des lecteurs ?
- Le manque de personnel et de ressources
- Autres
Tout ce que vous avez énuméré est juste. Concernant la presse écrite, mon domaine de compétence, je dirais que la profession a commis le péché originel dès les débuts du Net, en ne faisant pas payer les lecteurs pour une information de qualité. Le public s’est habitué à une information gratuite et c’est très difficile de le faire revenir en arrière. Quelques grands titres références (les Échos, le Monde) ont instauré des « paywalls » qui fonctionnent mais ce sont des exemples isolés. L’autre bataille perdue pour le print, c’est celle de « l’info chaude » en jargon. C’est l’instantanéité du Web qui l’a tuée. L’information circule sur Twitter bien avant que les médias, y compris les agences de presse type AFP, en fassent mention. Ne parlons même pas des quotidiens papiers, totalement obsolètes quand ils paraissent.
A mon avis, les journaux et magazines n’ont que deux solutions pour conserver leur lectorat :
1. Se concentrer sur les enquêtes et dossiers de fond, réclamés par une partie des lecteurs. Mais cela nécessite des ressources humaines car c’est long à faire. Or, les rédactions se dépeuplent.
2. Développer les espaces de réflexion, débat, etc., qui n’existent pas vraiment sur le Web.
Mais le problème majeur, pour lequel personne n’a de solution, c’est le vieillissement du lectorat de la presse écrite (40/50 ans). On le sait, les jeunes ne lisent plus la presse papier (et regardent de moins en moins la télé) et ils ne reviendront pas.
Vous et les attachés de presse….
Le communiqué de presse est-il encore aujourd’hui votre principale source d’information ?
C’est toujours une source mais une parmi d’autres (Twitter, LinkedIn, veille Web)
De manière générale, comment voudriez-vous que ce format évolue ? Comment le rendre plus efficace ?
Il faudrait déjà que les attachées de presse et autres RP se renseignent avant d’envoyer n’importe quoi aux journalistes. Une lecture rapide de mon profil LinkedIn suffit pour connaître mes domaines de prédilection, les sujets que je traite, les titres pour qui j’écris, et ainsi éviter de m’envoyer des CP sur des produits grand public dont je ne parlerai jamais (entre autres, je reçois tout et n’importe quoi …). Il y a là un manque de professionnalisme passablement irritant. Idem pour les appels téléphoniques incessants pour « savoir si vous avez bien reçu mon communiqué de presse ». Si je ne réponds pas, c’est que ça ne m’intéresse pas, ou que je n’ai pas le temps. Pas la peine de me relancer parfois plusieurs fois de suite. Au point que j’ai arrêté de répondre au téléphone quand je ne reconnais pas le numéro. J’attends qu’on laisse un message. Et mon absence de réponse ne veut pas dire que ne vais pas contacter l’agence plus tard quand j’aurai un dossier correspondant au CP … Si je dois accuser réception çà tout ce que je reçois (parfois plus de 200 mails par jour) je ne ferais plus que ça …
Etes-vous plutôt satisfait du travail des professionnels des relations publiques avec qui vous travaillez ?
Oui, avec ceux que je connais et qui me connaissent. D’ailleurs, plus les RP sont pros plus il y a de chance que je les contacte en premier quand j’ai des besoins. La relation doit être à double sens. L’agence me propose des sujets bien ciblés, trouvent rapidement des interlocuteurs, sait gérer les demandes parfois inconsidérées de leurs clients (genre relecture de tout le papier ou dossier alors qu’ils ont deux verbatim dedans, réécriture des citations en langage corporate, une
pratique beaucoup trop répandue malgré les dénégations horrifiées des attachés de presse). De mon côté, si ça se passe bien, j’ai tendance à les rappeler en priorité. À l’inverse, certaines agences vous harcèlent pour avoir une mention dans un article mais mettent des lustres à envoyer une photo ou à trouver un interlocuteur. Celles-là ont peu de chance de retravailler avec moi. Heureusement, c’est une minorité.
Merci beaucoup Patrick pour ce témoignage et vous êtes toujours le bienvenu sur Culture RP !
Cyndie Bettant, Dir Mkg d’Influence Cision France
Merci à Catherine Cervoni pour cette mise en relation 🙂
A propos de Patrick Cappelli
- Type de journaliste : pigiste
- Media (s) : la Tribune, CB News, Libération, We Demain, Usbek& Rica
- Spécialités : innovation, technologies, marketing, digital, industrie, entreprises
- Type de presse : print et web
- Expérience : 28 ans
- Parcours : agence de presse Zelig, Cash Marketing (hebdomadaire grande distribution) journaliste puis chef de rubrique. Puis pigiste en presse spécialisée (Points de Vente, Stratégies, CB News, Marketing Magazine, Logistique Magazine, eCommerce Magazine, etc.), économique (les Echos, Challenges, la Tribune) et grand public (Libération, We Demain)