Interview Jean-Baptiste Boursier « La notion de plaisir est centrale dans mon métier »

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Jean-Baptiste Boursier, 29 ans, est l’une des figures montantes de BFM TV. Ce transfuge d’I-Télé (sur laquelle il a évolué entre 2009 et 2011) présente depuis Septembre dernier l’émission Info 360 (du lundi au jeudi, de 21h à minuit) aux côtés de Nathalie Lévy, et est, de fait, un témoin privilégié de l’actualité et des mécanismes de fabrication de l’information. L’actualité ayant été particulièrement dense ces derniers mois, Culture RP s’est déplacé au sein des locaux de la chaîne pour aller à sa rencontre afin qu’il nous éclaire sur la conception de son métier.

Rentrons dans le vif du sujet, et parlons de la couverture de la campagne présidentielle de BFM TV. En ce qui vous concerne, c’était une première. Comment l’avez-vous vécu et comment avez-vous vécu les difficultés inhérentes à ce qui pouvait se passer en parallèle sur Twitter ?

JBB : En vérité, on ne s’est pas tellement souciés de cela. On a plus cherché à respecter la loi. Comme chaque citoyen, on a des lois à respecter, et elles sont claires. Prenons le soir du second tour. Les chiffres sortis avant 19h étaient des estimations ou des sources provenant de médias étrangers, qui étaient annoncées proches des deux candidats ou du ministère de l’Intérieur, mais il n’y a pas de communication officielle. Et on a bien vu qu’au fur et à mesure que la soirée avançait, les chiffres ont bougé : on a commencé à 53.5% en faveur de François Hollande, et on a terminé à 51,5%. Nous avons donc travaillé de façon très simple, très objective, sans se soucier de ce qui se disait à côté.

Cela pouvait quand même poser des difficultés à l’antenne, notamment lors de la demi-heure qui a précédé la divulgation des résultats à 20h. Ruth Elkrieff et Olivier Mazerolle, notamment, s’en plaignaient ouvertement.

Evidemment, dans la dernière heure des résultats, les proches des candidats étaient parfaitement au courant de ce qui se passait, et là, c’était une difficulté. Les personnes, qui s’étaient massées autour des QG pour savoir ce qui se déroulait, étaient aussi au courant des chiffres, car les informations fuitent assez vite. On ne pouvait donc pas se rendre rue de Solférino en duplex, parce que les gens faisaient déjà la fête à 19h. Cette règle des résultats à 20h nous contraignait à faire des choses un peu bâtardes. La problématique, c’était de se demander comment relayer et couvrir l’information avec objectivité tout en respectant la loi. La dernière heure, c’est vrai que ce n’était pas facile.

A titre personnel, vous aimeriez que cette règle soit abandonnée ?

JBB : Non. Je n’en vois pas l’intérêt, il y a un horaire qui est donné, avec des fermetures précises des bureaux de vote. On sait que dans les grandes agglomérations, les bureaux ferment à 20h, ce qui explique que les résultats bougent jusqu’à 23h. Les résultats sont affinés progressivement. Je ne vois pas l’intérêt d’arrêter l’application de cette loi. Après, oui, il y a des difficultés et des petites frustrations de la dernière heure. Mais si on avançait à 19h, on serait dans la surenchère, d’autres voudraient l’avancer à 18h, et ainsi de suite. Il y a une loi qui existe, autant qu’on l’a respecte.

Qu’est-ce qui diffère une journée événementielle d’une journée plus classique ?

La préparation se fait bien moins en amont lors d’une journée événementielle. La grande spécialité, et la force de BFM TV, c’est la réactivité. On va traiter tous les éléments qui sont proches de nous au moment de la prise d’antenne,  avec les dernières déclarations, les derniers points en direct, les dernières images. Plus on se rapproche de la prise d’antenne, plus on va travailler sur ces éléments là. C’est la différence principale.

En général, vous arrivez à quelle heure à la rédaction ?

Entre 15h et 17h, cela dépend des rendez-vous. Surtout vers 15h.

Et vous commencez à travailler sur vos invités à partir de ce moment là ?

Oui, pas plus tôt.  Il faut profiter de l’interactivité, de la réactivité. S’il se passe quelque chose à 17h, je ne vais pas me priver de recevoir un invité en rapport à l’actualité. Hier, par exemple, la juge Isabelle Prevost Desprez a rendu une décision à 14h30 dans le cadre de l’affaire du Médiator. On a reçu une avocate de la partie civile le soir à 21h. On n’aurait pas pu l’inviter en s’y prenant trop tôt, vu qu’on ne disposait pas encore de la décision.

Comment éviter le panurgisme éditorial ?

J’ai vu que le « panurgisme » était  l’une des grandes sorties éditoriales de David Pujadas cette année (sourire). Je ne crois pas réellement en ça. C’est un peu un mythe. Il y a évidemment une course à l’information et au direct, parce que lorsqu’’un événement se produit,  on veut être les premiers à le traiter le mieux possible et à proposer une image. Après, c’est l’événement qui dicte le comportement de la rédaction et la façon dont il sera abordé. On ne va pas aller traiter une info parce qu’I-Télé la traite ! On peut le voir quotidiennement, dans le choix des conférences de presse, des séquences de directs sportifs ou politiques. Ce sont des angles qui sont propres à chaque chaîne. Et d’ailleurs, si vous regardez le paysage audiovisuel français, vous verrez bien que la hiérarchisation du journal de 13h de TF1 n’a absolument rien à voir avec le 13h de France 2.  La façon dont France 2 ouvre son 20h n’a rien à voir l’ouverture de BFM le soir. Evidemment, les principales informations sont traitées partout, mais pas nécessairement de la même façon.

Qu’est-ce qui vous a convaincu d’aller à BFM TV ?

Ce qui m’a attiré à BFM TV, ce sont les discussions avec Hervé Beroud (Directeur de la rédaction). Il a eu une vision très claire de ce qu’il souhaite faire, la manière dont la rédaction doit tourner. Et j’avais très envie de travailler avec lui.

Ce qui est intéressant dans Info 360, c’est que les trois heures de direct proposent divers sujets : politique, société, culture, sports. Comment parvenez-vous à jongler entre tous ces thèmes si différents ? Je pense notamment à une émission de la semaine dernière où avez enchaîné des interviews de Dominique Bertinotti, Cerrone ou encore Ulysse Gosset, pour ne citer qu’eux.

C’est pour ça que j’adore ce métier.  En arrivant à la rédaction chaque jour, je sais que je vais rencontrer des personnalités extrêmement différentes, et que je vais apprendre des choses. C’est incroyable : je suis payé pour apprendre, ce qui est une chance extraordinaire. Interviewer une nouvelle ministre, qui est elle-même en train de prendre ses marques avec sa nouvelle fonction, discuter avec Cerrone, qui est une légende du disco et qui vient commenter la mort de Donna Summer, parler du festival de Cannes, être toujours très fort sur la politique (BFM TV à mon sens est la chaîne politique de cette année) ….  C’est ce qui me séduit. Et les législatives arrivent ! Le traitement est impressionnant.

Un dispositif particulier pour ces élections ?

Il n’y a pas de secrets. La chaîne sera mobilisée comme pendant les présidentielles : éditions spéciales, avec beaucoup d’éditorialistes et d’analyses ; parole donnée aux candidats ;  grande couverture sur le terrain. Les moyens sont colossaux : une quarantaine de motos en France, un avion, un hélicoptère était même à Tulle. La chaîne a franchi un cap. Les législatives sont aussi importantes pour nous que la présidentielle. Je vais m’éclater à le faire. Certains disent que c’est un grand écart étrange avec les autres sujets, mais je crois que c’est une chance de pouvoir dire aux téléspectateurs : « regardez, aujourd’hui j’ai appris cela, et je vais faire en sorte de mettre à votre disposition la personne que je reçois ».

La notion de plaisir est centrale !

C’est indispensable ! C’est la façon dont je conçois ce métier, c’est une chance de pouvoir l’exercer. C’est une motivation immense.

Est-ce ce à quoi vous aspiriez il y a 10 ans ?

Absolument pas ! Je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire (sourire). Je n’aspirais à rien. Je faisais mes études, je ne savais pas tellement quoi faire. J’ai eu mon bac, et c’est mon seul diplôme d’ailleurs, j’ai été en droit un an,  puis j’ai fait un an anglais, ça se passait bien, mais cela m’ennuyait. Je cherchais ma voie comme pleins de lycéens aujourd’hui. J’ai eu la chance de rencontrer la radio, et ça a été un coup de foudre. A 15 ans, je ne me disais pas, « je veux être journaliste ».

C’est  en mangeant que l’appétit est venu ?

C’est exactement ça ! C’est en découvrant ce métier qu’il est devenu ma passion, que j’avais peut-être une ou deux compétences pour ça. Je me suis uniquement construit sur l’expérience.

C’est assez étonnant comme parcours, quand on sait qu’on conseille vivement aux jeunes d’aller écoles de journalisme par exemple.

En fait, Il y a plus de gens qu’on le croit dans le PAF français qui ont un parcours similaire au mien. Il y a beaucoup de gens qui ont appris sur le tard, qui n’ont pas fait d’écoles.

Vous avez testé plusieurs tranches horaires depuis 2009 (le week-end, les matinales, les soirées). Y a-t-il des spécificités selon la tranche animée?

Non, pas vraiment. En week-end ou semaine, on reste dans l’information. Il y a peut-être plus de sport ou la culture le week-end lorsque l’actualité est moins dense. Et encore ! Désormais, les éditions du week-end et de la semaine sont très similaires, et c’est parce que l’actualité ne nous relâche pas. Il faut dire aussi que 2011 a été une année incroyable (pas au sens de formidable, mais de pas croyable) et qu’on repart sur un exercice 2012 du même acabit, sur tous les plans A BFM TV, on travaille en 4/3, avec les équipes du week-end qui prennent le relais le vendredi pour assurer la continuité de l’information.

Ce qui varie en revanche, c’est l’horaire. Le soir, la dynamique est différente du matin. Le matin, on réveille les gens, on a un choix de sujets qui va attaquer la journée. L’après-midi, c’est le développement de ce qui a été amorcé le matin, et ce que j’aime le soir, c’est qu’on est sur une projection du lendemain, tout en synthétisant ce qui s’est déroulé au fil de la journée. Donner les clés pour comprendre ce qui va se passer le lendemain, c’est la différence fondamentale.

Vous êtes très peu présent sur les réseaux sociaux, contrairement à la plupart de vos confrères. Pour quelles raisons ?

J’ai un compte Twitter, mais caché. J’ai aussi un compte Facebook que j’utilise uniquement à titre privé, et je connais, sans exception, toutes les personnes ajoutées à mon compte. Après, je sais qu’il y a des tas de pages Facebook qui sont à mon nom mais qui n’ont rien à voir avec moi. Ca prend du temps à alimenter, et aujourd’hui est-ce qu’il y a une demande ? Est-ce que les gens ont vraiment envie de me suivre sur Twitter? Je ne me suis pas encore projeté dans ces questions là. Tous mes confrères qui fonctionnent ainsi  twittent toute la journée…. Quand je rentre chez moi, je n’ai pas envie de twitter.

Et sur le terrain, en conférence de presse par exemple?

Je vais assez rarement en conférence de presse (rires). Mais si je disposais d’une information en avant-première, j’en informerai immédiatement ma chaîne. Sinon, c’est de la course à l’information, et je préfère transmettre l’info, et qu’elle soit traitée correctement.

En 2009, vous aviez dit que le style I-Télé c’était « Casual Chic ». Comment est-ce que vous définiriez celui de BFM ?

J’ai dit ça ? (rires)  Alors franchement… Comme quoi on peut dire beaucoup d’âneries ! I-Télé c’est associé à l’esprit Canal, à une forme de look. Pour le coup, à BFM, on parle moins du physique du présentateur que du cœur de l’info. On se fiche de la couleur de la cravate ou de la forme du costard. Ce que je sais, c’est que sur BFM, l’info sera toujours traitée de la même façon, avec la même densité. C’est ma réponse (sourire).


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