Finaliste des derniers Golden Blogs Awards dans la catégorie « Actualité Web », le site Jaime Pas l’Actu savoure sa notoriété nouvelle au sein de la blogosphère française. Sébastien Sigaut, le fondateur du site, compte bien se servir de cette reconnaissance comme d’un tremplin vers la « sacro-sainte monétisation » de ce média réalisé par des jeunes professionnels de l’information. Un site dont le nom, contrairement aux apparences, est une véritable profession de foi pour ces journalistes fous d’actualité qui veulent transmettre leur passion au plus grand nombre avant -pourquoi pas- de pouvoir en vivre un jour…
Sébastien Sigaut nous raconte l’aventure JPA.
Le nom de votre site est original. Alors, c’est vrai… vous n’aimez pas l’actu ?
On adore l’actualité ! C’est vrai que le titre peut sembler paradoxal. On l’a appelé « J’aime pas l’actu » mais la réalité, c’est que nous n’aimons pas l’actualité que l’on nous propose en général sur le web. On essaye donc de faire quelque chose d’un peu différent et qui peut représenter une alternative à ce qui se fait sur la majorité des sites d’actualité. Pour être un peu plus précis, ce que l’on n’aime pas, c’est l’actualité de masse que l’on nous propose en permanence où tout se ressemble et où une seule actualité peut être reprise en boucle juste parce que cela fait le buzz. Je trouve cela dommage parce qu’ils sortent une info et qu’il n’y a pas réellement de valeur ajoutée apportée par le journal. On essaye de faire des choses qui nous impliquent, qui nous concernent et non pas de prendre l’actu telle qu’elle vient. Je vous rassure ! On aime l’actualité mais la vraie.
Votre site web propose une déclinaison de l’actualité en fonction de 3 rythmes de lecture. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette organisation ?
L’idée est que le site accompagne une personne dans sa journée de tous les jours, du lever au coucher. « J’aime Pas l’actu » se décline en trois parties. On a crée JPA Day pour développer l’actu que l’on ne comprend pas et qui a besoin d’une courte contextualisation. Souvent, on entend toute la journée et partout des faits d’actualité commentés sans être réellement expliqués. Pour vous donner un exemple, on a fait un JPA Day sur la mort de Christophe de Margerie car on a considéré que beaucoup de personnes ne savaient pas qui il était réellement ni quel impact sa mort a représenté pour Total.
Sur plein de sujets de ce type là, on explique et l’idée est de faire un article informatif court avec un ton qui nous plaît pour que chacun puisse comprendre l’actualité rapidement sans trop se prendre la tête. Ensuite, on a le JPA Mag qui est conçu pour la suite de la journée. En fait, on arrive à la fin de la journée ou alors le midi en pause et on n’a pas forcément envie de lire de l’actualité pure et là, on propose des sujets un peu différents, décalés qui nous permettent d’approfondir.
Ici, on est dans la longueur que l’on veut. La seule contrainte que l’on s’est imposée est d’utiliser l’audiovisuel et les outils web. Chaque article en général propose de la vidéo, des photos et utilise des outils web comme de l’infographie par exemple. L’idée est donc de mettre à profit l’ensemble des outils et possibilités que l’on a à notre disposition pour développer l’actualité que l’on aime.
Ensuite on a le JPA Pod, c’est du Podcast, de l’audiovisuel et on le voit comme de l’information et des analyses divertissantes. On a beaucoup de Podcasters qui collaborent avec nous et qui traitent l’information en fonction de leurs spécialités et sujets préférés. Les chroniques sont variées et cela nous paraît intéressant.
Concrètement, quels avantages vous apportent l’ensemble des techniques web lorsqu’il s’agît de traiter l’information ?
Un article purement écrit risque de ne pas contenter tout le monde. Il y a ceux qui aiment lire et ceux qui aiment les choses un peu plus visuels, interactifs. Du coup, on recherche le compromis. Par exemple on a réalisé récemment un article qui traitait du web doc Arte-France Culture « Anne Frank au pays du Manga ». Dans cet article, on a écrit une partie puis dans une seconde partie, on a réalisé un Thinglink. Thinglink est une image que l’on complète avec des vidéos ou des liens et en déplaçant le curseur on peut avoir accès à des informations supplémentaires. C’est quelque chose qui est très ludique.
Autre exemple, on utilise un outil qui s’appelle Wordle qui permet de faire ressortir les discours de manière assez ludique où tous les mots sont classés en fonction du nombre de fois où ils apparaissent. C’est un outil génial car on se rend compte que dans les discours des politiques certains mots son répétés plus de 150 fois ! C’est pratique pour décrypter et analyser le discours politique et le rendre, en partie, plus clair pour les lecteurs.
Le web nous offre des possibilités que n’a pas la presse traditionnelle comme l’immédiateté, et le côté interactif.
Parlez-moi de l’équipe de JPA, comment fonctionnez-vous au quotidien ?
Les gens qui travaillent de près ou de loin à J’aime pas l’actu sont tous liés aux médias. Ils sont ou étudiants en journalisme ou journalistes et, on essaye de se développer – personne n’est encore payé. On fonctionne simplement. On a crée un Google agenda où on attribue des journées de publication à chacun, pour le Mag et le Day notamment. On programme des interviews, on propose des sujets, on fait un petit brainstorming grâce à Facebook et grâce à ce type d’outils. On essaye de publier chaque jour, on se crée des contacts et on avance comme ça.
On est en quelque sorte freelance, chacun fait comme il peut.
Et personne n’est payé dans l’équipe ?
On n’a pas encore de modèle économique. On y réfléchit et on cherche quel est le meilleur modèle à adopter. On a pas mal d’idées mais on ne peut pas en parler encore. On essaye d’abord de faire des concours pour voir ce que l’on vaut aux yeux des professionnels.
En tout cas, on teste toutes les possibilités et le but est de trouver une formule viable d’ici quelques temps. Ce qui est sûr, c’est que les gens qui sont là sont motivés sur le long terme. On fait ça depuis deux ans sans avoir de subventions ni être payé. On aime ce que l’ont fait, on aime le journalisme et c’est peut-être la seule opportunité que l’on a de faire des choses qui nous plaisent et surtout de nous montrer.
Vous n’avez pas eu d’occasions de vous montrer autrement ?
Personnellement, j’ai passé deux ans à faire des stages un peu partout. Je suis passé par pas mal de médias et tous les médias fonctionnent de la même manière. Même si on avait été prévenu, le business du stagiaire est réel ! Notre média est un pied de nez à cette situation. C’est un peu ça le point de départ. Jaime pas l’actu, c’est un ras le bol !
Un ras le bol de ne pas être considéré à notre juste valeur ! On ne demande pas grand-chose, on veut juste pouvoir vivre de notre métier.
Créer votre propre site web est donc une opportunité réelle de vous installer dans le métier ?
Quand j’étais encore étudiant à l’école de journalisme de Nice, j’ai travaillé 7 mois à Nice Matin. J’étais au web et à la vidéo. C’est un peu cela qui m’a donné le goût. On bossait énormément mais à côté de cela j’ai beaucoup appris. Je faisais beaucoup d’infographies, j’ai appris à me servir de nombreux outils web, j’ai appris à réaliser une veille web…etc. J’ai pu faire plein de choses intéressantes qui, au final, sont une opportunité pour les jeunes car pas mal de journalistes actuels renient le web. Pour certains, le web, ce n’est pas terrible car ils viennent de la presse traditionnelle. Ils pensent que cela les dévalorise ou rabaisse leur statut mais pas du tout ! Ils ne se rendent pas compte qu’ils peuvent être lus deux ou trois fois plus avec un article web qu’avec un article papier ! La presse écrite est en perte de vitesse aujourd’hui ! Certains le comprennent de plus en plus, d’autres non et c’est dommage, ils continueront à faire ce qu’ils font mais c’est quand même une sacrée chance pour nous !
Vous décrivez comme un site d’actualité. Or, ce concours fait la part belle à l’appellation blog. Êtes-vous un blog ou bien un site d’actualité ?
On est avant tout un site d’actualité. Les Golden Blogs Awards donnent une chance à tout le monde. On est tous sur un même pied d’égalité car la première sélection est réalisée grâce aux votes des internautes. On fait de l’actualité et c’est ce qui nous importe finalement. Savoir si on nous considère comme un blog ou un site, à la limite, c’est le moins important. A une certaine époque, le terme blog a pu être considéré comme un peu réducteur. Aujourd’hui, il y a beaucoup de gens qui font de l’argent avec un blog et qui sont reconnus pour ce qu’ils font. Nous voulons juste être reconnus pour ce que l’on fait et pouvoir vivre de notre propre plateforme un jour.
Justement, concernant le modèle économique, comment pensez-vous pouvoir vivre un jour de ce blog ou site d’actualité ? Comment voyez-vous la suite ?
Après les Golden Blogs Awards, on va participer au Media Lab session de Montpellier. C’est un incubateur de projets qui nous permet de travailler et de remettre en question notre projet. On rencontre des entrepreneurs, on rencontre différentes personnes de différents horizons qui nous disent si oui ou non notre projet tient la route. Ils nous indiquent ce qu’il faut mettre en question et qu’est-ce qui va ou ne va pas. On peut y gagner une bourse, des stages- pour ceux que cela intéresse- et on peut quand même gagner en visibilité. Là, en ce moment, ce que l’on gagne c’est de la visibilité et puis après on pourra envisager un modèle économique que l’on pourra essayer de développer dans les semaines et les mois à venir.
Propos recueillis par Alexander Paull
Portrait de JPA à l’occasion de la Media Lab Session de Montpellier
Le pitch final de projet J’aime Pas l’Actu suite au Media lab Session de Montpellier