Passionné par le Community Management et les nouveaux leviers du marketing, Laurent Bour fondateur du projet du Journal du Community Manager revient sur les nouveaux enjeux de la communication du web, devenue incontournable.
Pourquoi avoir voulu mettre en commun une vision plurielle sur le Community Management ?
Si j’ai opté pour cette vision plurielle, que j’appelle bien plus volontiers collaborative, c’est afin d’apporter des éléments de réponses rapportés à différentes expertises. Il n’est pas question ici d’être le détenteur de « LA » bonne pratique du community management, mais d’un ou plusieurs des nombreux maillons composant un métier, métier qui est encore large dans son éventail de compétences. Dès lors, il me paraissait important d’apporter sa propre vison du métier, au travers de différents backgrounds. Quand on parle d’un point comme la gestion de crise par exemple, il faut remettre cette spécialité à l’échelle de la société pour laquelle on travaille. Dans les grandes structures, on parle d’un métier à part entière, même s’il reste rattaché au terme de community manager. Faire valoir une expertise en community management, doit à mon sens passer par une spécialisation.
Comment s’est constitué votre Team Force, sur quels critères ?
Au départ, il n’y avait pas vraiment de volonté à privilégier plus un profil qu’un autre, je recherchais avant tout la passion du métier pratiqué, et surtout la variété des compétences mises en avant. Ceci étant, le formulaire mis en place avait déjà pour but de tracer les contours. Demander naturellement des références rédactionnelles allait me dévoiler un style, une orientation et un niveau d’expertise. Quand les premiers rédacteurs ont répondu présent, j’ai eu la chance d’en connaître quelques uns personnellement, et pour les autres, au moins au travers de ce qu’ils écrivaient sur leurs blogs respectifs.
Pourquoi avoir créé un groupe Social Meetup afin de permettre aux rédacteurs du site et aux amis de participer à des tables rondes autour du digital ?
Le groupe Social Meetup a peut être été prématuré dans sa mise en place, mais je ne voulais pas perdre le fil de l’idée que j’en avais. Je l’ai donc créé en vue de futurs échanges autour du projet qui ne se limite pas à un blog, mais à un ensemble basé sur le collaboratif. Il y a une agence qui sera créée, des outils qui seront développés, et d’autres briques qui viendront se greffer. Le Meetup permettra alors de se réunir pour faire évoluer le projet, mais en même temps pour nous permettre de faire plus ample connaissance, et profiter de lâcher la pression rencontrée de temps en temps. Il n’aura pas pour seule vocation de rester uniquement dans l’échange professionnel. A terme, il réunira une partie de notre lectorat pour consolider l’engagement, et échanger dans un but de partage. Le collaboratif sera aussi au cœur des rencontres afin de rendre participant le lecteur, qui est avant tout celui au travers duquel on peut exister dans la durée. Quelques idées seront mises en place le moment venu, mais je ne peux en dire plus.
Quelle serait pour vous la vision d’un Community Manager, à l’ère du social média ?
Voilà une question qui mérite que l’on s’y attarde. Actuellement, c’est un métier qui semble vouloir cadrer à ce terme francisé qui a été dévoilé récemment; gestionnaire ou animateur de communauté. Si on ne sort pas de ce cadre qui sonne encore un peu large, on perçoit tout de même où se situent ses limites. Cependant, dans la réalité il en est autrement, car les pratiques collatérales du community manager en dehors de l’animation, prennent aussi une part importante de son travail. C’est d’ailleurs au travers de ces pratiques que naissent des prédispositions ou des passions.
Ma vision du métier à l’ère du social media, et plus précisément de la communication digitale, montre un community manager avec au moins une spécialité, sans laquelle il pourra difficilement faire valoir une expertise. Cette spécialité pourra le cantonner à un rôle unique, mais dans lequel il serait un expert reconnu. Le métier pourra alors se redécouper en conservant sa racine, un peu comme le marketing. Il devra d’avantage s’attacher à la notion de rentabilité de l’entreprise et comprendre le ROI dans le digital. J’imagine une partie de son métier exercé en externe, pour entrer en contact avec sa communauté et mener des actions visant l’engagement.
Pour compléter en redéfinissant même le métier, je vais prendre appui sur 2 paramètres pour mieux comprendre les enjeux auxquels nous devons et devrons faire face.
1. L’engagement
2. La mobilité
1. L’engagement restera toujours un point central à viser pour le community manager. Mais dans ma vision, cet engagement ira se gagner sur le terrain. Il s’agit dès lors de rencontrer sa communauté, non plus au travers d’un échange online mais au travers d’un rapport IRL (In Real Life) comme on dit dans le métier. L’exposer nécessiterait tout un chapitre, mais si on raisonne de manière logique on peut facilement comprendre qu’une rencontre engage d’avantage qu’un contact par clavier interposé. C’est un peu comme la mode vestimentaire, on finit toujours par revenir au classique. Dans la communication, c’est un peu la même chose, rien ne remplace un contact réel. Pour ce faire, il faut des qualités, de l’expérience, et un cursus de community management ne peut suffire à cela. Le community manager tel que je le visualise devra avoir un profil commercial, communiquant (évènementiel) pour lui permettre d’aller au contact et d’organiser des events. Si on observe certaines marques comme Dacia, Michel et Augustin par exemple, ils organisent des évènements qui rassemblent leur communauté. Agir ainsi crée des soudures intra-communautaire et vis à vis de la marque.
Une des autres raisons tient du fait qu’on ne peut ignorer la notion de rentabilité d’une société, or beaucoup de profils dans le digital ne se sentent pas concernés. Là encore un background commercial renforcerait l’expérience du community manager , afin qu’il s’implique d’avantage sur la culture d’entreprise, et pour assimiler plus facilement les mécanismes du ROI dans le digital. Ma vision serait ici celle d’un community manager terrain.
2. La mobilité est le second paramètre permettant de visualiser les besoins futurs en matière de community management. A court moyen/terme, on aura plus d’appareils mobiles que d’ordinateurs. Et là, il faudra savoir d’adapter et apprendre à communiquer différemment. La stratégie de contenu sera au cœur du métier d’un nouveau genre de community manager. Comment adapter un contenu aux différents supports existants, comment communiquer avec pertinence au travers de la mobilité. On pourrait attribuer ce rôle à la génération « born mobile » mais il faut l’anticiper dès aujourd’hui car tout va très vite dans le digital. Diffuser, animer et engager sur les réseaux sociaux au travers d’un outil qui demande plus d’agilité, qui devra permettre de voir arriver un nouveau genre de community manager ou des spécialisations. Cette seconde vision serait donc un community manager mobile en quelque sorte.
Vous êtes personnellement très présent sur les médias sociaux. Pourriez-vous nous donner quelques bonnes pratiques pour bien gérer sa e-réputation ?
Tenter de ne pas reproduire les erreurs que nous faisons tous ! J’esquisse un sourire mais au travers de cela je veux aussi dire qu’il ne faut pas avoir peur d’en faire. C’est surtout de les reconnaître qui semble parfois si difficile pour beaucoup. Avant de bien gérer sa e-réputation, il est déjà indispensable d’écrire ou d’avoir une curation pertinente pour faire valoir son expertise. Commencer à gérer sa e-réputation reviendrait alors à maîtriser sa diffusion, et à apprendre comment elle peut atteindre sa cible. Le meilleur conseil que je pourrais donner, est de ne pas chercher à trop en faire comme c’est parfois mon cas. Il faut prendre le temps de réfléchir à la notion de qualité, et comprendre qu’une présence sur les réseaux sociaux doit être associée professionnellement parlant à une expertise. On dit qu’à l’atterrissage sur la homepage d’un site, on doit être capable de savoir immédiatement de quoi il traite et s’il s’adresse à une cible professionnelle. Une présence sur les principaux réseaux sociaux, devrait avoir ce même reflet, ça veut dire qu’il faut conserver une ligne et une conduite professionnelle, tout en faisant passer un message clair. Les propos décalés existent, mais on doit les tenir modérément et dans le respect de tous. Au delà d’un savoir-faire, il faut aussi un savoir être, et c’est important quand on en arrive à rencontrer ses contacts. En conclusion, reconnaître ses erreurs, ne pas trop en faire, chercher la qualité et la pertinence en diffusant un message cohérent d’un réseau social à un autre. Le tout en faisant ressortir son expertise.
Comment le marketing de contenu peut-il faire valoir sa pertinence ?
J’ai tout récemment écrit sur le sujet de la pertinence du marketing de contenu. Un article étiré qui aurait pu se résumer en peu de mots. La problématique étant la valeur étalon pour juger de la pertinence, et ce à quoi elle correspond d’un point de vue de sa définition. Qui peut dire qu’un contenu est pertinent, sinon celui à qui il devient un élément de réponse sur la question qu’il se pose. Ça peut être simple, complexe, technique, profond… mais on ne peut dire qu’un contenu est pertinent que s’il répond à un besoin ou au moins jusqu’à ce qu’il le rencontre. Je vais donc devoir contourner mes propos pour apporter une réponse la plus « pertinente » possible.
Pour le marketing de contenu, il y a des critères qui viennent se greffer par dessus, comme la recherche de l’acte d’achat même si on ne doit pas en parler ouvertement. Aucune société ne peut dire qu’elle offre du contenu sans que cela ne vise pas à générer un acte d’achat, ou à renforcer le maillon d’une chaîne commerciale comme la fidélisation. Il ne faut pas se voiler la face, on a tous les mêmes buts quand on gère un business, et c’est sur ce point qu’il faut savoir vendre sans vendre si j’ose dire. Nous pouvons avoir un dialogue au travers duquel je peux vous vanter les mérites d’un produit, sans chercher à vous le vendre. Mais au final, vous pourriez avoir l’envie d’acquérir ce produit. De vous à moi, je ne suis pas vendeur, je suis juste un utilisateur qui fait part d’une expérience. Si vous arrivez à reproduire cette approche dans le marketing de contenu, alors il y a un rapport de force qui est brisé, celui qui existe entre un acheteur et un vendeur. Cette subtilité a tout pour permettre de transformer la communication d’aujourd’hui et celle a venir, quand on sera plongé dans la mobilité à un niveau supérieur. Voilà où je situe en partie la pertinence du marketing de contenu, maîtriser son discours produit / service en répondant aux attentes des internautes, dans un dialogue qui brise le rapport de force acheteur / vendeur. Créer un rapprochement entre la marque / société et le consommateur, l’internaute
Et pour rebondir sur un dernier point, il ne faut pas non plus focaliser que sur le contenu quand on parle de pertinence, mais également sur le support qui le diffuse.
J’aimerai que vous reveniez sur un article que vous avez écrit : « Mais où est passé le ROI ? « Ce Graal n’est-il pas simplement devenu pour les entreprises, un ratio de temps/homme passé sur le web et combien cela a rapporté à celles-ci comme business. La crise est-elle la seule responsable ?
La crise fait accélérer les choses, et bien évidemment elle pousse à la recherche d’un résultat quasi immédiat. C’est là où il faut savoir être raisonnable dans sa vision du ROI dans le digital. Il y a quelques dizaines d’années en arrière, on parlait concret quand on faisait des investissements. Si l’achat d’une ou plusieurs machines était voté au sein une entreprise, il suffisait de parler de rentabilité dans un univers maitrisé, et sur lequel le recul était déjà une première référence. On sortait ses tableaux d’amortissements et ça suffisait pour avoir une vision à court moyen terme. Si le budget existait, on le votait plus facilement. Même si on possède encore les budgets à ce jour, on a encore cette crainte de l’inconnu. Pourquoi ? Manque de formation, de vision, de maturité web…
Aujourd’hui c’est très différent, car le digital nous amène au-delà des frontières connues et plus ou moins maîtrisées. Le but est aussi d’aller à la conquête de nouveaux marchés et de nouveaux clients si on entreprend sur le net. On n’est plus limité à un périmètre, mais à un monde ou la visibilité est au cœur de toute préoccupation. Comment être visible ? Comment dois-je vendre ? Quels seront les investissements à prévoir pour monter une structure e-commerce ? L’alimenter, la gérer, assurer le suivi… etc.
Dire que pour les entreprises « le ROI est un ratio de temps/homme passé sur le web, et combien cela a rapporté à celles-ci comme business » est on ne peut plus juste au regard des mots. Cependant, ça reste le constat d’une expérience. L’intégrer et l’accepter sur le vif, et par une entreprise qui n’a pas de repère ni de connaissance du digital, est une autre histoire. Je pense qu’on finira par raisonner ainsi quand la maturité du web arrivera peu à peu dans toutes les structures. Ça nécessitera de se rapprocher entre services, de se mettre à jour et de comprendre rapidement les enjeux d’une communication digitale. On avait aussi ces mêmes craintes lors des investissements en communication, et ils ont été les premiers budgets coupés pour nombre d’entreprises en période de crise. Certains disaient que c’était le meilleur moment pour communiquer… C’est donc la différence entre la prudence, la sécurité et le risque (mesuré ou pas) qui a fait ressortir des tempéraments d’entrepreneurs nés, pour aller plus loin en misant sur le net avant et pendant la crise. Le ROI est en réalité un faux problème, mais au sein du digital il découle d’une succession d’évènements qui ont fait perdre la visibilité du business à beaucoup d’entreprises.
Je suis donc pleinement d’accord dans cette formule, mais je me place surement, et heureusement du bon côté de la barrière pour la comprendre et l’assimiler. Quant à la crise, elle a été un vecteur pour accélérer et dévoiler des problématiques déjà existantes auparavant, et qui ne sont en rien liées au ROI. Quand un constructeur automobile de renommée mondiale fait fortune en vendant des voitures de couleurs noires pendant des années, il a du mal à se retourner et à comprendre le jour où les gens veulent du changement. Et quand ça conduit à un déclin c’est parfois trop tard, car on a rarement le réflexe d’analyser une réussite au dépend d’un échec.
Selon vous, le journaliste ne va t-il pas « remplacer » à long terme le rôle du Community Manager dans le cycle de la communication pour une marque, une entreprise ?
Le remplacer je ne pense pas, sinon on aurait tendance à penser que le community manager à un rôle de rédacteur uniquement, et qu’un journaliste pourrait à terme prendre sa place. Il faut aussi replacer la vision du community manager d’ici à quelques années – est-ce que le journaliste suivra en parallèle cette évolution ? Je pense qu’il est encore trop ancré dans des formats. Il lui faudrait comprendre les enjeux actuels et ne pas se limiter au contenu, mais aussi à la variété des supports avec la mobilité. On en revient encore à la formation et à la mise à jour. Pourquoi la presse digitale n’a pas été à la hauteur des ambitions de certains éditeurs ? Avaient-ils répondu aux attentes ? Est-ce que le piratage en était la raison ? Ont-ils su adapter les coûts ? Il serait très intéressant de creuser ce rapport entre l’approche journalistique et la diffusion de contenu sur les réseaux sociaux. Payant vs gratuit ? Est-ce le problème ?
Pour en revenir à la question je ne pense pas que cela soit possible, mais on peut envisager une reconversion avec une valeur ajoutée au rédactionnel, sinon il y aurait risque de dévalorisation du métier de journaliste. Affaire à suivre en tout cas.