Les Annales des Mines comptent parmi les plus anciennes revues au monde consacrées aux sciences, à la technique, ainsi qu’à l’économie. Rattachées au ministère chargé de l’économie, avec un rythme de publication sans faille depuis 1794, elles traitent de diverses thématiques en lien avec des enjeux économiques importants. La ligne éditoriale s’appuie sur des informations rigoureusement recueillies d’horizons divers afin d’offrir une vision enrichie de notre environnement.
Une nouvelle série sur les enjeux numériques
En mars 2018 une nouvelle série trimestrielle, sur les Enjeux du numérique qui vient compléter les 3 séries trimestrielles existantes – http://www.annales.org/:
– « Réalités Industrielles » pour l’industrie et l’économie.
– « Responsabilité & environnement » pour les risques, le développement durable, l’énergie et les matières premières.
– « Gérer & comprendre » pour la gestion et le management. Les numéros suivants sont prévus en juin (économie et régulation du big data), septembre (les métiers du droit au défi du numérique) et décembre (les gouvernances du numérique).
A cette occasion ils organisent une table ronde le 14 mars prochain à Paris, autour du premier numéro sur le thème L’intelligence artificielle, un enjeu d’économie et de civilisation ?
Introduction par Jacques SERRIS, Ingénieur général des Mines, Conseil général de l’économie.
Vous aurez prochainement sous les yeux le premier numéro d’Enjeux numériques, une nouvelle série trimestrielle de la revue des Annales des Mines, qui a pour ambition de traiter des enjeux du numérique en croisant les regards technologiques, économiques et sociétaux. Et c’est bien parce que l’intelligence artificielle cristallise des réflexions mobilisant ces différents regards que ce premier numéro lui est consacré.
Ces réflexions ont d’abord émergé de la prise de conscience de la portée des technologies d’intelligence artificielle (IA) que nous voyons se développer aujourd’hui sous nos yeux.
Comme l’illustre la fréquence des recherches sur le sujet avec le moteur de Google, l’intérêt renouvelé pour l’intelligence artificielle (avec des termes comme « intelligence artificielle », « machine learning » ou « réseaux neuronaux ») suit l’émergence du « Big data ». Progrès des algorithmes, utilisation de nouvelles capacités de calcul (des cartes graphiques jusqu’au Cloud) et disponibilité de grandes quantités de données se combinent pour expliquer les avancées de l’intelligence artificielle.
L’intelligence artificielle, ce sont donc des algorithmes inséparables des données qu’ils utilisent et de la plateforme de traitement qui les accueille. Dans sa leçon inaugurale au Collège de France en février 2016, « L’apprentissage profond, une révolution en intelligence artificielle », Yann LeCun (directeur de Facebook AI Research) montre comment l’apprentissage profond, qui est sans doute la cause première du récent renouveau d’intérêt pour l’IA, ouvre une porte vers des progrès significatifs en intelligence artificielle. Mais il rappelle que : « C’est l’apprentissage qui anime les systèmes de toutes les grandes entreprises d’Internet. Elles l’utilisent depuis longtemps pour filtrer les contenus indésirables, ordonner des réponses à une recherche, faire des recommandations, ou sélectionner les informations intéressantes pour chaque utilisateur. » L’intelligence artificielle est là depuis plusieurs années, omniprésente, dans le monde de l’Internet, à commencer par les moteurs de recherche ou les réseaux sociaux. Les services Web sont encore son principal champ de développement et c’est une des raisons pour lesquelles les grandes plateformes du numérique ont voulu être des leaders de l’intelligence artificielle.
Mais ce n’est pas tout : l’intelligence artificielle, ce ne sont pas seulement des algorithmes qui tournent en arrière-plan sur des plateformes numériques. L’IA s’insère de plus en plus dans une chaîne d’interactions avec le monde physique : des caméras qui reconnaissent les images, des microphones qui comprennent le langage naturel parlé, des robots qui deviennent autonomes… Les Allemands parlent de « systèmes cyber-physiques » à propos de l’industrie du futur. C’est pour cela qu’il est si important de s’attacher à comprendre les enjeux de l’intelligence artificielle aujourd’hui. Je souhaiterais partager avec vous l’idée qui a servi de fil rouge pour construire ce numéro : l’IA est en train de migrer et de prendre place dans le monde des métiers.
Nous avons donc choisi de donner d’abord la parole à des acteurs, surtout français, qui développent des pratiques de mise en œuvre de l’intelligence artificielle, ou qui réfléchissent sur ces pratiques et leur place dans notre société.
Les exemples sont pris dans la finance, l’assurance, l’emploi, le commerce, ou encore l’industrie. La santé, le transport ou l’éducation ne sont pas traités dans ce numéro, faute de place, mais mériteraient bien sûr de l’être. Ces études sectorielles sont éclairées par des analyses des rapports qu’entretiennent l’homme et la société avec l’IA. Deux points de vue internationaux, au Japon et en Chine, viennent compléter ces réflexions. Nous laissons largement de côté la réflexion futuriste sur le passage d’une intelligence artificielle faible (celle que nous connaissons aujourd’hui) à une intelligence artificielle forte (celle qui pourrait dépasser l’homme) pour nous concentrer sur des enjeux économiques et sociaux qui apparaissent dès aujourd’hui. Ce numéro a ainsi l’ambition d’accompagner une série de réflexions sur le développement de l’IA en France. Après la sortie du rapport France IA, qui a proposé en 2017 une stratégie pour la France en matière d’intelligence artificielle, le député et mathématicien Cédric Villani a été chargé, à l’automne 2017, de dresser une feuille de route sur l’intelligence artificielle pour le gouvernement dans les années à venir. L’Académie des technologies a publié un rapport sur le renouveau de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage, sur lequel s’appuie Yves Caseau, dans son article, pour proposer de développer des « pratiques d’intelligence artificielle ».
Ces pratiques doivent s’appuyer sur une infrastructure. Dans un rapport du Conseil général de l’économie sur la « Régulation des algorithmes de traitement des contenus » de mai 2016, nous avons considéré trois modèles de développement, qui répondent à des logiques différentes :
- Le foisonnement : des centaines d’entreprises offrent de nouveaux services de traitement de données, utilisant des briques logicielles ‒ dont des algorithmes d’apprentissage machine ‒ dont une large part est en open source. C’est un domaine dans lequel la France est présente, avec ses chercheurs et de nombreuses start-ups.
- Les « algorithmes maîtres du monde » : ils sont développés par des leaders de l’intelligence artificielle, tels que Watson d’IBM, qui s’est fait connaître en devenant champion du jeu « Jeopardy », ou AlphaGo de Deep Mind-Google, qui a battu des champions de go. Ces véritables plateformes d’intelligence artificielle cherchent aujourd’hui à se développer dans le domaine de la santé. En outre, IBM et Google référencent des entreprises qui utilisent leur intelligence artificielle, via une interface, pour inventer de nouveaux services. Ils créent ainsi un véritable écosystème autour de leurs plateformes.
- Les silos de données (ou data lakes) : des entreprises proposent un service utilisant une infrastructure de stockage et de traitement des données qu’elles ont souvent développée pour leurs besoins propres. En Europe, c’est la stratégie utilisée par des entreprises qui cherchent à organiser des partenariats pour acquérir une taille critique, tant en termes de masse de données que de compétences en traitement.
Ces trois modèles coexistent et se développent en parallèle. Ils posent, malgré leurs différences, des questions transversales communes, au premier rang desquelles la capacité à maîtriser le fonctionnement de l’intelligence artificielle et à communiquer sur cette maîtrise. Il existe toujours une équipe humaine, des développeurs responsables, et elle doit être capable de rendre des comptes. C’est aussi un enjeu de recherche sur l’intelligence artificielle elle-même : comment développer une intelligence artificielle qui explicite ce qu’elle fait ? La nécessité d’un contrôle interne, par tous ceux qui offrent un service utilisant l’intelligence artificielle, rejoint celle d’un contrôle externe, par les pouvoirs publics, pour s’assurer que le fonctionnement de l’intelligence artificielle respecte les règles de droit, à commencer par la non-discrimination. Dans les différents secteurs ou métiers, on peut progresser en formalisant des réflexions sur les bonnes pratiques, encadrant les nouveaux services utilisant l’intelligence artificielle.
À travers ces approches, nous voulons nous éloigner d’un discours qui serait seulement anxiogène sur les technologies (les dangers de l’IA), sur les libertés (la captation des données personnelles), sur la compétitivité (winners take it all) et sur la souveraineté (les grandes plateformes du numérique peuvent-elles être plus puissantes que les États ?). Nous souhaitons œuvrer pour préserver une image positive de l’intelligence artificielle et des technologies utilisées pour concevoir ou opérer des algorithmes. C’est essentiel pour continuer à attirer les jeunes étudiants et étudiantes dans des filières de formation exigeantes (mathématiques, ingénieurs ou data scientists) où la France est aujourd’hui bien placée.
Le programme et lieu –ECOLE DES MINES, Amphithéâtre L 118 – 60, boulevard Saint-Michel 75006 Paris :
La table ronde sera précédée d’une allocution de Thierry MARTEL, Directeur Général de Groupama S.A.
Progrès des algorithmes (apprentissage machine), nouvelles capacités de calcul (des cartes graphiques au cloud) et grandes quantités de données expliquent les avancées de l’intelligence artificielle. Elle s’insère de plus en plus dans une chaîne d’interactions avec le monde physique, ce qui lui permet de migrer du monde de l’internet pour prendre place dans les métiers. A travers des exemples dans la finance, l’assurance, l’emploi, le commerce, l’industrie, Enjeux numériques donne la parole à des acteurs qui développent des pratiques de mise en œuvre de l’intelligence artificielle, ou qui réfléchissent sur ces pratiques, pour en éclairer les enjeux économiques et sociaux.
18h00 – 18h30 : arrivée des participants.
18h30 : Accueil par François VALERIAN, Rédacteur en chef des Annales des Mines, Conseil général de l’économie
18h35 : Allocution d’ouverture par Thierry MARTEL, Directeur Général de Groupama S.A.
18h50 : Présentation de la série Enjeux numériques, par Jean-Pierre DARDAYROL, Président du comité de rédaction
19.00 : Table ronde animée par Jacques SERRIS, coordonnateur du numéro de mars 2018, avec : Reynald CHAPUIS (Pôle emploi), Marie SOULEZ (Lexing Bensoussan Avocats), Hubert TARDIEU (Atos)
20h00 – 21h00 : Débat avec le public
Inscription, si vous êtes journaliste uniquement : Anthony Rochand – [email protected]