Les conseils de Nelly Mladenov, attachée de presse indépendante dans l’édition

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Culture RP a rencontré Nelly Mladenov, Attachée de presse indépendante.

Nelly Mladenov-culturerp

Pourquoi avez-vous choisi ce métier d’attachée de presse dans l’édition et spécifiquement aux Editions Actes Sud ?

Le choix du métier d’attachée de presse : c’est avant tout l’aboutissement d’un parcours en ce qui me concerne. J’ai suivi un cursus de philosophie. J’ai décidé de retrouver ma passion première pour les livres et la lecture, et ai commencé à suivre des stages dans l’édition. D’abord dans le sud de la France, où je vivais, puis à Paris. Après quelques stages, j’ai été embauchée comme assistante au service de presse des éditions Grasset. Après trois ans, je suis devenue attachée de presse aux éditions Actes Sud.

La philosophie me paraît très proche du métier d’attachée de presse dans l’édition : comme en rhétorique, il s’agit de savoir convaincre son interlocuteur, construire une argumentation, s’adapter à son auditoire et trouver l’approche spécifique à chaque personne en fonction de ses goûts, son caractère, le sujet du livre, la personnalité de l’auteur. C’est un métier qui nécessite une constante réflexion sur la manière dont on va parler du livre, qui n’est à chaque fois jamais la même.

Le choix d’Actes Sud était une évidence d’un point de vue du catalogue et j’ai eu la chance que cette opportunité se présente pour moi, au bon moment, après 3 ans en tant qu’assistante dans un service de presse très exigeant et formateur, celui des éditions Grasset.

J’ai pu défendre chez Actes Sud des auteurs de premier plan, aussi bien en littérature française qu’étrangère : Jérôme Ferrari, Lola Lafon, Hélène Frappat, Valentine Goby / Salman Rushdie (un de mes plus forts moments de promotion, et quelle rencontre humaine!), Russell Banks (un grand homme), Siri Hustvedt, Svetlana Alexievitch, juste avant qu’elle n’obtienne le prix Nobel de littérature.

Mais aussi des premiers romans, des jeunes auteurs, et même de la poésie, avec la nouvelle traduction par Danièle Robert de l’Enfer de Dante en tierces rimes, entreprise qui n’avait jamais été tentée par un traducteur jusqu’alors, et qu’elle a réalisée avec panache.

Actes Sud, c’est un catalogue d’une grande richesse, stimulant et une maison qui, si elle demande beaucoup d’énergie, nous nourrit également de cette énergie.

Depuis un mois, j’ai quitté Actes Sud pour déménager à Marseille et viens de créer ma structure pour être attachée de presse indépendante. Je commence avec le lancement de la collection cartels, dirigée par Alina Gurdiel, collection de littérature de la Rmn (Réunion des musées nationaux), dont l’idée est de demander à un écrivain un texte sur un artiste. Et il y a, pour chaque parution, l’actualité d’une exposition dans un grand musée parisien. Pour les deux premiers titres de la collection qui viennent de paraître, Zoé Valdés écrit sur Gauguin (avec la grande exposition Gauguin au Grand Palais) et Philippe Forest écrit sur Rubens (avec l’exposition des portraits princiers de Rubens au Musée du Luxembourg).

Un nouveau défi dans ma carrière!

Quels sont les critères que vous vous êtes fixés pour choisir les écrivains que vous soutenez ? Comment se place de fait, votre périmètre d’activité dans la chaîne du travail éditorial ? Et comment s’articule-t-il avec celui des autres services de la maison ?

Dans une maison d’édition, on ne choisit pas les auteurs que l’on défend, mais quand on a choisi de travailler dans une maison, c’est qu’on en aime la production et il ne m’est jamais arrivé d’avoir à défendre un auteur ou un titre avec lequel je ne me trouvais pas du tout en adéquation.

L’attachée de presse est le dernier maillon de la chaîne : le livre est écrit, il a été relu, corrigé, édité, diffusé, placé en librairie. Ne reste « plus » qu’à le faire connaître dans la presse. Obtenir des articles dans la presse, faire inviter l’auteur à la radio ou télé. Il faut être en constante relation avec tous les services de la maison, car dès qu’il y a des résultats du côté de la presse, il faut informer les éditeurs, le service commercial (qui peut relancer ainsi les libraires, les alerter sur le fait qu’un livre va avoir un certain retentissement). Et tout le travail de promotion peut également aider le service des droits dans ses prospections pour les traductions en langues étrangères. C’est un vrai travail d’équipe pour la visibilité du livre, de l’auteur, de la maison d’édition.

Selon vous, quelles sont les qualités nécessaires pour être attaché de presse ?

Aimer beaucoup lire, le contact avec les auteurs (savoir gérer les inquiétudes légitimes au moment de la parution du livre). Une aisance pour parler des livres, savoir s’adapter à ses interlocuteurs, on ne peut pas parler du même livre de la même façon à tout le monde (cf. première question).

Il faut aimer les défis, être pugnace et persévérant, à la fois aller vite et savoir anticiper (car quand on fait des relances sur un titre, il ne faut jamais perdre de vue les autres titres que l’on défend et ceux qui vont paraître dans les mois à venir). Toujours essayer de trouver la bonne approche, le bon argument. Lire la presse, être à l’affût des nouvelles émissions, toujours imaginer comment un livre ou un auteur pourraient figurer dans un média. Ne pas se contenter d’envoyer un livre et attendre que les choses arrivent, en fait ! Etre à la fois enthousiaste pour convaincre son interlocuteur, mais être aussi toujours sincère (ne jamais mentir en disant que tous les livres que l’on défend sont des chefs-d’oeuvre, c’est impossible).

Quelles sont les bonnes pratiques à adopter envers les journalistes et blogueurs pour communiquer avec eux ?

Nous entretenons des relations quotidiennes avec nos interlocuteurs par le biais des envois d’épreuves, de livres, les relances, les rendez-vous presse. Pour les blogueurs, c’est encore différent, car il y en a de plus en plus, et c’est vrai qu’il est impossible de répondre à toutes les demandes d’envois de services de presse. Il faut aussi que les blogs en question soient tenus avec un minimum de rigueur (combien de blogs dont les auteurs multiplient les fautes d’orthographe ou de syntaxe : c’est un critère de sélection, forcément).

Avec le temps, nous nouons des contacts plus privilégiés avec certains blogueurs en fonction de leur sensibilité littéraire également.

Vous participez-vous à des salons, vous rencontrez les auteurs, le public, les libraires. Que préférez-vous dans votre métier et à quoi servent les salons littéraires en définitif ?

Ce que je préfère dans mon métier : pouvoir parler des livres, partager un enthousiasme. Se réjouir quand un livre « prend » auprès des médias, qu’il obtient la reconnaissance qu’il mérite. Mais aussi c’est se battre pour les textes qui sont peut-être plus confidentiels mais auxquels on croit, les enthousiasmes littéraires. C’est toujours gratifiant de rencontrer un journaliste qui nous dit : tu as bien fait d’insister pour que je lise ce livre, il est formidable.

A quoi servent les salons littéraires : c’est, avec les rencontres en librairie, encore une autre manière de continuer à faire vivre le livre, cette fois directement auprès du public. Les auteurs vont à la rencontre de leurs lecteurs et inversement. Mais pour le bien être des auteurs, il vaut mieux qu’ils aillent dans des salons où ils participeront à des rencontres au lieu de faire seulement des séances de dédicaces. Ceux qui sont très médiatiques n’auront pas de problème, mais pour les auteurs moins établis, cela peut être un moment pénible : être assis tout seul derrière sa table, en attendant un public qui ne vient pas.

Quelle serait votre définition de l’Influence, de l’engagement, de la notoriété autant pour une maison d’édition que pour un écrivain, un critique littéraire, un blogueur ?

Quand on parle aux gens qui ne sont pas « du métier », on se rend compte qu’une maison d’édition que l’on croit influente et renommée, reconnue, publiant de beaux succès n’est pas forcément identifiée auprès du grand public. Combien de personnes qui n’ont pas fait des livres leur métier savent par exemple qu’il y a plusieurs maisons d’édition? Qu’elles publient des auteurs différents? Ou alors ils associent une maison à un grand succès. Pour Actes Sud, souvent, les gens se souviennent de Millenium. Un tel phénomène éditorial, ça marque les esprits.

Du coup, je pense qu’il faut relativiser cette question de l’influence et de la notoriété d’une maison, d’un auteur.

Depuis quelques années on voit se créer des maisons d’éditions qui « éditent » des livres numériques sous forme d’ebook. Quels conseils donneriez-vous aux auteurs qui souhaiteraient s’auto-éditer ou qui cherchent à être édités ?

Attention, ce n’est pas la même chose! Quasiment toutes les maisons d’édition aujourd’hui proposent aux lecteurs de découvrir les livres publiés sous forme numérique, les ebooks. Par exemple, chez Actes Sud, un livre qui va paraître aujourd’hui, il est possible de l’acheter dans sa version papier, ou dans sa version numérique. Et c’est Actes Sud qui publie les deux versions.

Le marché de l’ebook n’est pas encore au même niveau que celui du livre papier, mais les éditeurs se doivent de prendre en compte cette évolution de la société, l’utilisation des tablettes, des liseuses et autres kindle… Et ils proposent donc leurs livres en format numérique (epub, pdf numérique…).

Mais l’auto édition c’est encore autre chose. C’est souvent le fait d’auteurs qui n’ont pas réussi à se faire publier par un éditeur (trouver un éditeur, c’est encore un vaste sujet) et qui se tournent vers l’auto édition ou l’édition à compte d’auteur.

Tous les auteurs vous le diront, faire publier son premier texte est souvent un parcours semé d’embûches. Mais je ne suis pas sûre que l’auto édition soit la solution. A part la satisfaction de voir son texte sous forme de livre, mais quelle chance de trouver un lecteur? Sans une structure qui diffuse, distribue, vend les livres, c’est très compliqué.

Quels sont vos choix éditoriaux pour cette rentrée littéraire ?

J’ai eu un vrai coup de coeur pour le premier roman d’une Autrichienne, Katharina Winkler, Les Bijoux Bleus, publié par les éditions Jacqueline Chambon. L’intrigue est très simple, c’est une femme qui est battue par son mari. Cela se passe dans une région rurale de Turquie. Une jeune fille se marie, très jeune, avec un garçon du village voisin. Elle vient d’une famille et d’une communauté où la brutalité est quotidienne, mais l’auteur a cette phrase très belle : La mère était là pour nous protéger du père, le père était là pour nous protéger des loups. C’est une violence qui est acceptée à partir du moment où elle permet de garantir la sécurité de tous dans la communauté. Mais lorsque cette jeune fille va se marier et quitter sa famille, elle va tomber dans une autre famille avec un mari qui est violent, et sans cette idée de protéger in fine sa famille. Et la violence n’a plus de barrières, elle dégénère.

C’est une histoire très dure, mais l’écriture est d’une telle poésie, jamais on ne plonge dans le sordide. On touche vraiment au sublime dans ce texte très court. Cette jeune fille est dans une quête d’un amour absolu, il y a des scènes où elle lave les pieds de son mari, on atteint une dimension quasi christique. Un des plus beaux textes que j’ai pu lire ces derniers temps.

Marc Michiels

Marc Michiels

Rédacteur en chef Culture RP, Content Marketing et Social Média Manager : « Donner la parole à l’autre sous la forme d’une tribune, une interview, est en quelque sorte se donner à lire ; comme une part de vérité commune, pour qu'apparaisse le sens sous le signe… ». / Retrouvez-moi sur LinkedIn

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