Culture RP a rencontré Anaïs Carayon, fondatrice du célèbre magazine en ligne: Brain Magazine.
Pouvez-vous nous décrire votre parcours ?
Je voulais devenir bergère, mais j’ai fait finalement une fac d’histoire à Jussieu qui m’a emmenée en échange universitaire à New York, où j’ai fait un mémoire sur les années noires du métro new-yorkais. A mon retour, j’ai été engagée dans un magazine de rap. J’avais 22 ans et j’étais en CDI. Ah ça, c’était le bon vieux temps ma brave dame.
Vous avez déclaré dans une interview pour Spanky Few « Un jour, j’ai réalisé que j’étais entourée de plein de gens comme moi, pas du tout journalistes mais qui justement savaient écrire ». Pouvez-vous nous en dire plus sur la ligne éditoriale de Brain magazine ?
On cherche des tons originaux, ou des angles originaux. Si on a les deux au sein d’un même article, alors on est très heureux. La baseline de Brain, c’est « magazine intellol », on essaie toujours d’osciller entre du lol et de l’intello. Pour parler de la poussée du front national expliquée par des chats, il vaut mieux avoir quelques notions de sciences politiques, même si l’objectif est de faire rire.
Au vu du nombre important de journalistes travaillant sur le site, comment se déroule le processus de recherche pour vos articles ?
Je m’occupe personnellement de la Page Pute – même si nombre de nos lecteurs pensent que je suis un jeune adolescent puceau. Mon associé, Josselin Bordat, s’occupe lui de la Page Président. Les interviews, reportages et news sont quant à eux réalisés par notre nombreuse équipe de pigistes de choc. Tous les journalistes de Brain font des choses à côté, certains sont dans le milieu de la nuit, d’autres profs, scénaristes ou comédiens. Ils me proposent donc des sujets quand ils le souhaitent, et parfois je leur soumets des idées.
Quel est le secret d’un « bon » article au sens de son interaction avec vos lecteurs ? Est-ce une question de référencement, de buzz, d’expertise, un angle inattendu ou tout simplement le feeling avec votre époque ?
Ce que je disais plus haut: un article avec un ton original et un angle original.
Plein d’articles très bon ne marchent pas aussi bien qu’on le souhaiterait, quand on publie une interview fleuve de Richard Corben, malheureusement ça intéresse moins de monde qu’un gif de panda roux. On ne recherche donc pas le « buzz » pour chaque article, mais évidemment lorsqu’un article cartonne, c’est agréable. Surtout si c’est un article dont on est particulièrement fier, parce qu’il colle de près à nos intentions « intellol ».
De par votre expérience, comment voyez-vous le monde du journalisme 2.0 ? Auriez-vous, d’ailleurs une définition pour ce terme ?
A la fois quelque chose d’absolument génial, où l’on a une entière liberté de ton, de mélange des formats texte/vidéo/gif/vine, et malheureusement aussi une dictature du clic.
A la base on a créé la page pute pour s’amuser, comme un défouloir. C’est aujourd’hui notre principale source d’entrée sur Brain. Mais on ne veut surtout pas s’interdit de publier des interviews fleuves qui seront lues par seulement 1000 personnes. C’est aussi et surtout ça qu’on aime faire. On doit maintenir un équilibre entre le long format et les trucs légers qui se consomment rapidement.
A vos débuts, vous disiez vouloir vous positionnez comme le Thefader français, comment décririez vous Brain aujourd’hui ? Comment l’imaginez vous dans quelques années / 5 ans ?
On est le produit de nos multiples influences. De la presse magazine anglo-saxonne aux comiques américains dégénérés, en passant par les fanzines queer. Je n’ai aucune idée de ce qu’on sera dans 5 ans, peut être qu’on ne parlera plus que de politique, et c’est justement ça qui reste très excitant. Après il faut aussi savoir qu’en parallèle de Brain, on développe une activité d’agence: on fait de l’événementiel, on fait des bouquins et même des t-shirts. Cet été par exemple, on a fait la tournée des plages françaises pour y organiser des bingos pour le compte d’une grande marque. Mon chien Jean-Claude s’est chargé d’écrire les reports que vous pourrez lire ici et là.
Quelle est votre stratégie vis-à-vis des médias sociaux?
On n’a pas réellement de stratégie, on relaie la grande majorité de nos articles sur facebook et twitter, et on vient seulement de se mettre à Instagram.
Le gros malheur de facebook aujourd’hui, c’est que le nouvel algorithme favorise uniquement les posts viraux.
Le contenu de qualité – qui réclame de savoir lire – est donc très peu mis en avant.
Une dernière question qui nous brûle les lèvres : quel est le processus de recrutement chez Brain ? Faut-il être aussi décalé que la « Page Pute ».
Etre blonde à forte poitrine un gros plus.
Propos recueillis par Aurélie Leroy.