Culture RP à rencontré Nina Rodrigues-Ely Consultant en art contemporain et Directrice éditoriale pour l’agence de L’observatoire de l’art contemporain.
Le site de l’observatoire de l’art contemporain existe depuis 2007, pouvez-vous nous en décrypter et d’analyser le concept?
Le concept de l’Observatoire de l’art contemporain s’est élaboré en 2006 dans une réflexion avec Manuel Fialho, enseignant et consultant en stratégie de marque, à partir d’un constat : l’art contemporain est devenu à la mode ; tout le monde en parle mais personne n’y comprend rien. Manuel qui ne venait pas de ce milieu s’est demandé pourquoi il n’existait pas d’Observatoire pour donner des repères aux gens.
On commençait à voir les premiers effets de la mutation du « monde de l’art » en « Ecosystème de l’art », la pénétration des mondes de l’entreprise, du luxe et de la mode ainsi que l’internet. Avec Manuel Fialho, dans la ligne d’un observatoire, nous avons construit et alimenter une grille de lecture selon une approche spécifique et exclusive. Il s’agissait de suivre les mutations mondiales à travers les visions créatives car les artistes sont des sismographes qui saisissent en avance les transformations invisibles, les nouveaux imaginaires. Le principe de l’Observatoire est d’aborder l’art contemporain et son écosystème sous l’angle de l’analyse, du décryptage et non de la critique d’art. C’est aussi la maîtrise et la sélection de l’actualité dans un monde où règne le mimétisme : nous ne nous intéressons qu’aux signes de changement ; quand nous traitons une information, elle devient une donnée active. Nous avons ainsi acquis une vision globale et structuraliste de l’écosystème de l’art toujours en mouvement, des mécanismes de marché, des articulations en l’art et l’entreprise aussi bien qu’une capacité à analyser l’art, les processus de création.
Vous avez créé un bureau de conseil dédié à l’art contemporain.
Depuis 2006, l’agence conseil est le corolaire logique de la revue de décryptage avec un noyau de trois spécialistes : Virginie Bertrand, Manuel et moi ; nous croisons en permanence nos domaines de compétences, la communication, la stratégie de marque, le luxe et la mode, le marché de l’art, le marketing.. C’est pourquoi nous avons développé des services de prospective pour les marques ou des tendanceurs, de stratégie et d’audit culturels, de formation, de management ou marketing créatif pour insuffler la culture de la création aux dirigeants dans une entreprise. Les grands dirigeants sont des visionnaires de long court. Ètrangement, à un moment ou un autre de leur vie active, certains se rapprochent de l’art et des artistes soit en collectionnant, soit en créant des fondations d’entreprise…
Parlez-nous du concept d’ART PLANEUR
Dans notre stratégie de développement, nous avons créé deux services complémentaires :
Art Please : des visites et des parcours de foire ou de galeries sous le signe du plaisir et de l’intelligence, pour décrypter l’art contemporain sur le terrain. En plus des repères, les trois experts décodent œuvres et tendances.
Art Planeur est un service conçu comme un Art Think tank®, comprenant un tout petit nombre de participants qui durant trois heures approfondit, décrypte les grandes tendances de création et de marché observées dans les grands événements culturels ; il permet de se repérer dans l’afflux d’information, discerner les tendances stables ou court terme, détecter les signaux des artistes, capter les nouveaux imaginaires. Une nourriture pourrait être apparentée à de la haute gastronomie.
Quelles ont été les tendances significatives en 2013?
L’exposition internationale de biennale de Venise 2013 » conçue par Maximiliano Gioni, un curateur de moins de 40 ans, confirme des signes que nous avions captés voici deux/ trois ans, « Alchimie du vivant », « Chimie, Alchimie » ; à partir de maintenant la tendance va commencer à osciller entre avant-garde et ésotérisme pour un bon bout de temps.
En réalité, le monde globalisé est devenu complexe et les lignes de tendances que nous dégageons à la lecture d’une foire internationale ou d’un grand événement culturel se croisent en fonction des imaginaires et des identités différentes. Pour les connaître, il faut participer soit à Art Please soit à Art Planeur.
Quels seront les nouveaux enjeux, les nouveaux modèles pour 2014 selon vous?
Nous vivons une période de profondes mutations, fulgurantes, où il faut pouvoir se repérer pour avancer, construire, quelque fois survivre. Cela est un enjeu. C’est dans les pertes de repère que de nouveaux modèles se créent ; nous en observons les premiers signes ; ce sont de petites pousses à qui il faut laisser le temps d’apparaître. Un arbre a besoin de s’enraciner pour s’élever.
Quelle place faite vous aux médias sociaux dans l’exploitation des réseaux digitaux?
Ènorme. Ce virtuel est bien réel. L’internet est un peu comme la conquête de l’Ouest, il faut tracer des routes, créer des flux, savoir les maîtriser, agir. Nous travaillons et étudions cet aspect là des choses. C’est essentiel.
Les artistes sont-ils devenus des marques ? Quelles sont selon vous les stratégies de communication culturelle gagnantes pour un artiste aujourd’hui?
Nous observons en effet chez certains artistes des stratégies assumées de communication et de management de leur carrière dans le sillon tracé par Damien Hirst. Je fais une parenthèse pour dire qu’il y a toujours eu des artistes plus communicants que d’autres de la Renaissance à aujourd’hui. Ce ne sont pas forcement ceux que l’histoire a retenus, sans parler de Picasso, Warhol ou klein que l’on a érigé en marque et en valeur. Leur œuvre est soutenue par des stratégies avec en arrière plan une fondation ou une archive comme gardien du temple. Pour les artistes, on pourrait dire que se dégagent plusieurs voies aujourd’hui : les stratégies de communication visibles et rapides, les stratégies d’infiltration et de contamination, les stratégies de regroupement et de sens… Je voudrais souligner que le mot stratégie fait partie du champ lexical guerrier. Au final ce qui compte et ce que l’Observatoire de l’art contemporain a toujours dans sa ligne de mire d’analyse, c’est l’œuvre, son contenu, son aura intrinsèque, ce qu’elle porte, ce que l’on voit et ce que l’on ne voit pas… immédiatement.
Quel est l’apport de l’art contemporain à l’entreprise, autour des concepts d’identité et d’imaginaire pour la mise en œuvre d’une influence positive?
L’apport de l’art contemporain à l’entreprise touche d’abord à l’importance de la création et de la créativité comme premier moteur de l’entreprise. Il y a un autre apport, non négligeable, la gestion du sensible, des émotions, du désir relié à l’image et à l’imaginaire qui doivent clairement se définir dans la marque. Concrètement cela induit la maîtrise des signes, des symboles, des codes de notre temps présent. Les neuro sciences nous apprennent qu’une décision serait à 20% rationnelle et 80% émotionnelle. Cela change beaucoup de choses dans la vision stratégique de l’entreprise. Le parcours de François Pinault en est un exemple: à l’origine marchand de bois, il évolue sans cesse pour s’imposer dans les mondes du luxe et de l’art contemporain sans que ces deux domaines se touchent en apparence.
Penser et voir autrement, comprendre et anticiper les sensibilités, les mutations de notre monde est fondamental. Penser et voir autrement est à la base du succès de marques comme Apple ou Dyson.
C’est pourquoi nous pensons qu’il est de plus en plus important d’apporter et d’insuffler à l’entreprise, aux dirigeants, aux cadres la culture de la création.
Pouvez-vous définir le rôle du mécénat comme « outil » privilégié de la communication dans l’art?
Le mécénat de l’art est certes un outil de communication pour un groupe ou une entreprise, mais pas seulement. Il pourrait aussi se définir comme un vecteur d’influence.
@obsartcontempo
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