Mesurer le ROI d’une action RP est le Graal de la mesure

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Benoit Arnoult, Responsable Outils et Méthodes, Cision Insights France : Comment l’équivalent publicitaire est parvenu à s’imposer, malgré ses limites largement débattues ?

#ParoledEtude

Pourquoi remplacer quelque chose que tout le monde fait depuis toujours par quelque chose de plus compliqué qui ne parvient même pas à mesurer mon ROI ? 

Benoit Arnoult, Responsable Outils et Méthodes, Cision Insights France.

Benoît Arnoult, vous êtes Responsable des Outils et Méthodes chez Cision Insights, en quoi consiste votre métier ?

Mon travail consiste à trouver des solutions de mesures adaptées aux besoins des communicants d’aujourd’hui et de demain, puis de les industrialiser lorsqu’elles fonctionnent suffisamment bien. Comme n’importe quelle nouveauté, un indicateur de performance ou un livrable doit passer par une phase de prototypage, de rodage, puis être ajusté en fonction des retours des clients qui l’utilisent et des collègues qui le produisent. 

A l’origine, je viens des statistiques et des études marketing, et quand on vient d’un univers où la mesure est entièrement construite sur des fondements scientifiques éprouvés, c’est étonnant de voir de quelle manière sont évaluées les actions RP. En particulier, je m’étonne toujours de la fréquence d’adoption de l’équivalent publicitaire comme mesure de référence. On constate que de moins en moins de clients l’utilisent, ce qui est une excellente chose, mais il est encore loin d’avoir complètement disparu. 

Comment l’équivalent publicitaire est parvenu à s’imposer, malgré ses limites largement débattues ?

Historiquement, il n’y a pas une grande histoire d’amour entre le petit monde de la mesure et celui des professionnels des RP. Les pratiques publicitaires ont été rapidement épaulées par de nombreux ouvrages scientifiques proposant des mesures d’impact adaptées, mais en ce qui concerne les impacts des RP la recherche a été beaucoup plus limitée et surtout moins « clé en main ». L’équivalent publicitaire était couramment utilisé avant même qu’il ne soit mentionné dans la littérature. En ce sens il peut être vu comme l’émanation d’un vide scientifique : en l’absence de solution convaincante, les communicants ont trouvé leur propre voie. Et depuis 70 ans, la plupart des observateurs en démontre les limites, sans parvenir à convaincre réellement. 

Dans le même ordre d’idée, quelques années après l’apparition de l’équivalent publicitaire, et toujours à contre-courant des recommandations académiques, est venue l’ère des multiplicateurs. Puisque la confiance dans l’écrit d’un journaliste est a priori plus forte que dans une publicité, les valeurs d’équivalent publicitaires obtenues ont été multipliées, sans s’embarrasser de justifications théoriques, par 2, par 3, par 8 même, suivant les besoins ! 

Ce qu’on constate, c’est que dans le milieu des RP la recherche a finalement peu de poids lorsqu’il s’agit de changer les façons de faire. Pourquoi sortir de sa zone de confort si les marques sont satisfaites, les agences sont satisfaites, les prestataires de mesure sont satisfaits ? Si la NASA utilisait des indicateurs avec la même légèreté que dans l’univers des RP, il y aurait beaucoup d’astronautes congelés en orbite. La différence, c’est que les dégâts d’une mauvaise mesure d’impact sont beaucoup moins spectaculaires dans le monde de la communication ; en fait, ils sont même très difficiles à évaluer. 

Rapport Mondial de la communication, les RP reprennent des couleurs
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Pourquoi l’équivalent publicitaire est considéré comme une mesure appartenant au passé ?

L’équivalent publicitaire représente une époque où les RP étaient considérées principalement comme un moyen d’obtenir une couverture médiatique pas chère par rapport à la publicité payée. Derrière l’idée de l’équivalent publicitaire, il y a l’idée d’une très vieille compétition entre deux métiers ayant des objectifs similaires mais des façons de faire différentes. Même si on connaît aujourd’hui l’importance majeure des RP dans la communication, l’équivalent publicitaire exprime toujours un certain complexe d’infériorité face à la publicité. Comme si les RP étaient toujours le petit dernier qui doit encore faire ses preuves. Or, le monde des RP doit s’émanciper et évaluer ses actions pour ce qu’elles sont (et pas pour ce qu’elles coûteraient si elles étaient autre chose). 

On anticipe que moins il y aura de silos entre les métiers de la publicité et ceux des RP, plus il deviendra évident que l’équivalent publicitaire ne répond pas bien aux interrogations des communicants. Lorsqu’il faudra trouver un langage commun, la logique circulaire de l’équivalent publicitaire devrait l’éliminer naturellement. 

Pourquoi certains professionnels des RP hésitent encore à abandonner l’équivalent publicitaire ?

D’abord, changer d’indicateur implique de perdre ses repères pendant un moment : comment comparer ses efforts avec la période précédente si on change de mesure ? En réalité, on sait maintenir une forme de continuité dans les mesures tout en changeant d’indicateur, et bien sûr on est plus que jamais à l’écoute des clients durant cette phase de transition. On peut noter que certains clients voient la crise médiatique liée à la Covid comme une occasion de changer les façons de faire : quitte à avoir des résultats difficilement comparables aux années précédentes, autant en profiter pour instaurer des bases saines. 

Ensuite, l’équivalent publicitaire est terriblement séducteur car il exprime les résultats dans une unité monétaire, unité que tout le monde connaît et qui parle particulièrement bien aux décideurs pressés. Utilisé au mieux, il répond à la question « Combien aurait-ont dépensé en publicité pour obtenir la même couverture ? » (ce qui ne nous apprend rien sur l’efficacité concrète de l’opération). Au pire, avec une interprétation en mode « bilan comptable », il peut donner l’illusion de répondre à la question « Est-ce que, dans l’absolu, mon investissement est rentable ? ». 

C’est là que son utilisation est très risquée, car pour être tout à fait clair : il n’y a aucun moyen de connaitre le vrai ROI des actions RP, pas même une estimation, en évaluant uniquement sa couverture médiatique. Par vrai ROI j’entends retour sur investissement financier, la sortie d’argent contre la rentrée d’argent. On peut en revanche considérer que ce qu’on gagne en investissant dans les RP, c’est avant tout un certain niveau de médiatisation. Puisque ce dernier peut être exprimé par le nombre d’occasions de voir, on conseille de mesurer un« ROI intermédiaire » en faisant un simple ratio investissements / ODV (le « coût pour mille »). 

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D’accord, mais si on veut vraiment connaître son ROI financier, comment fait-on ?

Avant de pouvoir évaluer dans quelle mesure les efforts de communication ont contribué aux objectifs, il faut parvenir à mettre à plat les pièces du puzzle en mesurant les choses pour ce qu’elles sont : quels ont été les efforts, les actions ? Quels ont été les impacts de ces actions dans les médias, comment les messages sont véhiculés, quel est le niveau de « distorsion du signal » ? Est-ce qu’il y a eu un changement de perception auprès du public visé, et si oui, dans quelle mesure peut-on l’attribuer aux actions RP ? Enfin, peut-on corréler ces changements de perception à un changement de comportement (augmentation des ventes, des visites sur le site, etc.) ? 

Comprendre les différents rouages des jeux d’influence permet de prendre des décisions éclairées et de mieux maîtriser sa communication. Mais apprendre à articuler les causes et les effets est un processus lent et parfois frustrant. C’est multiplier les mesures et résister à la tentation de tirer à la ligne trop vite, avec un unique « score de performance » qui dit tout en un seul gros chiffre de couleur. C’est accepter de ne pas savoir tout, tout de suite. Abandonner l’équivalent publicitaire et améliorer la mesure de ses performances, c’est souvent accepter de piloter avec un tableau de bord plus complexe, mais aussi plus actionnable. C’est un grand changement, assez intimidant de prime abord, mais qui doit être abordé par étape et ne peut qu’être bénéfique sur le long terme. 

Enfin, il est important de rappeler que mesurer le ROI final d’une action RP est le Graal de la mesure, une forme d’aboutissement ultime ; c’est un objectif sain, mais ça ne doit pas être ça ou rien. Malheureusement, l’équivalent publicitaire – et les discours commerciaux les plus habiles – ont pu donner l’impression pendant des années que mesurer son ROI est une chose simple. Il y a donc un travail d’information qui peut passer par une phase de rejet : pourquoi remplacer quelque chose que tout le monde fait depuis toujours par quelque chose de plus compliqué qui ne parvient même pas à mesurer mon ROI ? C’est en réalité un problème classique lorsqu’on cherche à comprendre les choses en adoptant une démarche scientifique : souvent, les réponses sont plus dures à obtenir et moins immédiatement satisfaisantes que celles que nous donnent les astres ou le marc de café ! 

Marc Michiels

Marc Michiels

Rédacteur en chef Culture RP, Content Marketing et Social Média Manager : « Donner la parole à l’autre sous la forme d’une tribune, une interview, est en quelque sorte se donner à lire ; comme une part de vérité commune, pour qu'apparaisse le sens sous le signe… ». / Retrouvez-moi sur LinkedIn

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