Culture RP a rencontré Nicolas Menguy associé de VA Press, groupe d’édition de médias en ligne spécialisés dans l’information économique et corporate à destination des CSP+
Quelle est l’origine de VA Press ?
Avec Ludovic François, Professeur à HEC et spécialiste des médias, nous avons fondé VA Press avec la volonté de créer des passerelles entre l’information économique au sens large, et la recherche en management. Les Carnets du Business ont alors vu le jour sous forme d’un site d’information consacré au monde de l’entreprise et à son environnement stratégique : politique économique, international, société.
Il en existait déjà beaucoup de ce genre, à l’époque, mais tous très orientés « actualité chaude». Pour nous différencier, il nous fallait proposer à nos lecteurs des contenus éditoriaux très qualitatifs et distanciés. C’est ainsi que nous nous sommes initialement constitués un lectorat très qualifié et naturellement exigeant (cadres, dirigeants, TNS, enseignants-chercheurs, institutionnels, etc.).
Pouvez-vous nous expliquer la singularité de VA Press sur le marché ?
C’est de ce constat d’exigence que provient l’acronyme « VA » Press, qui fait référence au concept de « valeur ajoutée ». C’est le cœur de notre contrat de lecture : nous cherchons, dès que possible, à enrichir nos contenus de leviers de compréhension, de facteurs d’étonnement ou de débat…En revanche, être sérieux ne signifie pas forcément être austère. De ce fait, nous nous autorisons l’emploi d’un ton très libre sur certains de nos médias. Nous voulons dépoussiérer les standards, car nous sommes ouvertement pro-business et nous souhaitons y intéresser le plus grand nombre de façon positive et distrayante.
Le groupe est aujourd’hui composé de plusieurs titres, parmi lesquels le Journal de l’Economie, Les Carnets du Business, RSE Magazine, Enderi, NLTO ou Speedylife. Quelle est l’identité de chacun ?
Chaque média a une identité très forte et affine celle-ci continuellement. En fait, Internet est un environnement extrêmement profus et concurrentiel au sein duquel 90% des contenus produits sont gratuits, d’intérêt éphémère et parfaitement substituables. Pour y exister, il est donc crucial de développer des facteurs de différenciation forts et de créer un univers de marque au sein duquel le lecteur va retrouver des repères socioculturels, puiser des idées en adéquation avec son système de valeurs, et être aspiré par un processus de découverte conforme à ses désirs. Si vous connaissez les codes sociaux de vos lecteurs, vous cernez plus facilement le périmètre de leurs attentes.
C’est pour cette raison que nos magazines généralistes (le JDE ou NLTO par exemple), aussi bien que nos médias de niche (RSE Magazine, Enderi, etc.) s’adressent aux mêmes cibles ; en l’occurrence, les CSP+ qui « vivent » le monde de l’entreprise au quotidien, et ont des centres d’intérêt qui convergent (lifestyle, carrière, culture…). VA Press est donc une marque ombrelle, dont l’ADN détermine l’identité de nos sites.
Quelles stratégies poursuivez-vous?
Grâce à cette marque ombrelle, il y a une véritable cohérence éditoriale et des synergies possibles entre nos sites. Nous pouvons générer une forte convergence des contenus, en proposant à nos lecteurs un univers éditorial qui leur correspond. C’est une démarche affinitaire en quelque sorte, nous permettant par exemple de convertir aisément un lecteur du JDE en lecteur de NLTO, et inversement.
Mais une stratégie média, pour être cohérente, doit aussi intégrer une dimension technique. L’optimisation SEO est incontournable car le référencement naturel est un levier essentiel du recrutement de nouveaux lecteurs, tout comme notre présence dans les flux d’actualité de Google. La principale porte d’entrée sur un site aujourd’hui n’est plus sa page d’accueil. Et bien entendu, un site doit impérativement être conçu en responsive design, de nos jours : cela permet d’être présent auprès des lecteurs tout au long de la journée.
Nous menons enfin une réflexion quant à l’opportunité d’une stratégie « multicanal » et d’une déclinaison anglophone ou bilingue de certains titres, que nous pourrions déployer progressivement.
Quel est votre modèle économique ?
Contrairement à beaucoup de pure players, nous avons fait le choix de rester financièrement indépendants. Ce qui signifie que tous nos investissements sont réalisés sur fonds propres. Nous avons plusieurs sources de revenus complémentaires : régies (notamment vidéo et reciblage publicitaire), vente ponctuelle d’espaces, pôle édition… Mais notre principale source de revenus aujourd’hui réside dans la conception et la mise en œuvre d’opérations spéciales de type Native Advertising.
Quelques mots à propos du « native advertising » ?
C’est une démarche de communication éditoriale qui s’est répandue aux Etats-Unis en 2012, au sein de grandes rédactions comme Forbes, le New York Times, le Washington Post ou VanityFair. Nous l’avons transposée et adaptée au contexte économique et culturel français. Concrètement, des annonceurs font appel à nos rédactions afin de concevoir, rédiger et mettre en ligne un contenu de marque sur-mesure et explicitement sponsorisé. A travers celui-ci, ils recherchent la conversion d’une cible, ou souhaitent renforcer l’adhésion à l’image de marque en diffusant la mythologie et les valeurs de celle-ci. Ce contenu est parfaitement intégré à la ligne éditoriale des sites sur lesquels il est publié, recèle une vraie dimension informative aux yeux du lecteur, et se référence dans « l’actualité » de l’annonceur.
Notre spécificité réside dans notre capacité de conseil et de conception de campagnes à grande échelle puisque nos consultants, stratégiquement placés au « middle office » entre les annonceurs et nos équipes de rédaction, accompagnent nos clients depuis la définition du besoin jusqu’au debriefing de l’opération. Nous avons développé trois compétences fortes en la matière : la communication institutionnelle et économique, la communication B2B sur des sujets particulièrement techniques, et l’identité des marques et des entreprises. Les besoins exprimés par les annonceurs en matière de publicité depuis quelques années nous confortent en ce sens.
Quelle est la place des médias sociaux dans votre communication ?
VA Press a initialement porté ses efforts sur la diffusion de newsletters, et nous avons consacré peu de moyens aux médias sociaux jusqu’à présent, qui sont de gros consommateurs de ressources.Mais nous sommes en train de structurer une démarche de community management. Il s’agit d’un levier de fidélisation majeur. A terme, je pense que le domaine des applications mobiles constituera le cœur de notre démarche de fidélisation avec, pourquoi pas, une appli centrale « VA Press » qui pourrait agréger le contenu de l’ensemble de nos titres et consolidera, aux yeux de l’internaute, cet « univers de vie » que nous déclinons sur plusieurs sites.
Comment voyez-vous l’avenir des médias et du journalisme dans l’évolution digitale ?
Le plus délicat avec le digital reste de trouver un juste équilibre dans la cohabitation entre le « snacking content », vite consommé, et les articles de fond, plus longs et mieux documentés. Un seul et même internaute aura des attentes différentes selon le moment de la journée, et selon le terminal utilisé.
En outre, les contenus enrichis devraient prendre une place croissante dans les médias en ligne, particulièrement grâce à la vidéo. Mais quoi qu’il en soit, les médias qui survivront dans ce magma de gratuité et d’instantanéité seront ceux qui se conformeront à un principe immuable : « content isking ». Et une chose est certaine : depuis des années, on constate une dynamique de tribalisation des modes de consommation. C’est aussi valable en ce qui concerne la consommation de l’information, grâce au Web. L’âge d’or des médias de niche ou communautaires est encore devant nous.
Quels sont vos prochains chantiers en 2014 ?
Nous poursuivons notre stratégie de forte légitimation de VA Press sur le segment de l’information économique grâce à deux chantiers que nous venons d’entamer. D’abord, nous allons développer notre activité dans l’édition après avoir édité le premier ouvrage paru aux Editions VA Press.
Notre second chantier sera d’accompagner le développement de la Revue Internationale de Management et de Stratégie, qui vient de voir le jour. Il s’agit d’une revue académique en ligne, qui prendra progressivement un format hybride et s’adresse aussi bien aux chercheurs qu’aux managers. En la matière, nous ne devrions pas manquer de bousculer quelques standards.
En parallèle, nous poursuivons nos efforts afin d’être identifiés, à moyen terme, comme un acteur français de référence dans le domaine du native advertising. Nous visons l’excellence dans ce domaine, grâce à un positionnement en « haute couture » éditoriale.