Matière à réflexion : Bernard Petitjean et Corinne da Costa – Seprem Etudes & Conseil
Et si l’éclatant succès du magazine « Marmiton », déclinaison imprimée et payante du site éponyme, était l’arbre qui cache la forêt des semi-échecs enregistrés par les Pure Players ayant tenté d’exister dans le monde réel ?
Si les éditeurs de médias imprimés n’ont pas à rougir des diversifications de leurs marques qu’ils développent tous azimuts (web, supports imprimés, collections, services, évènements …) et à marche forcée, on ne peut pas dire que les publications imprimées lancées par les Pure Players envahissent les kiosques.
Pourtant, exister dans le monde physique devient un enjeu important pour beaucoup d’entre eux : d’une part parce que les investissements publicitaires sur Internet vont, selon l’Udecam, atteindre un palier ; d’autre part parce que – pour prendre l’exemple de « Marmiton » – le site est très efficace pour distribuer des bons de réduction, mais c’est vers le magazine imprimé que vont les pages de publicité classiques, plus « nobles » et commercialisées à des tarifs très supérieurs.
Pourquoi les Pure Players ont-ils tant de mal à déployer leurs marques dans le monde réel, alors même (étude One) que l’on sait que les « hyper-connectés » possédant un Smartphone, un ordinateur et une tablette sont les plus forts lecteurs de presse imprimée ? Plusieurs hypothèses peuvent être explorées :
- La qualité et l’expertise insuffisantes des contenus en ligne pour devenir des contenus payants. Si « Marmiton » réussit en kiosque, c’est avec des recettes de grands chefs et des recettes d’amateurs revisitées par des professionnels, et non avec du contributif d’origine incertaine.
- Des notoriétés très fortes, mais des images faiblardes. C’est bien d’être très connu, mais c’est encore mieux d’être capable de créer de la préférence, de la fidélité, de la recommandation et de la valeur ajoutée.
- Une assez grande méconnaissance du concept de « marque média ». Ce sont les éditeurs traditionnels et non les Pure Players qui évaluent les périmètres et territoires de légitimité de leurs marques, cherchent à les faire vivre et à les « nourrir » avec des actions de tous ordres, pour lesquelles la rentabilité n’est pas un objectif.
- Une tendance au « faire soi-même ». Lorsque l’on a la possibilité de savoir tout ce que font les internautes, il est tentant d’agir soi-même pour optimiser les performances du site. Le problème est qu’il s’agit là de « réglages » de l’existant et que les masses de données disponibles ne permettent pas d’identifier « l’insight » qui va créer “la” différence. Comme les autres médias, les Pure Players auraient intérêt à s’appuyer sur des spécialistes des études médias et – même si cela choque leurs esprits cartésiens » – à s’intéresser sérieusement aux études qualitatives.
Bernard Petitjean ([email protected])
et Corinne da Costa ([email protected])
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